Rita Baga le dit en entrevue : elle est obligée de planifier ses temps de repos. Ce n’est pas étonnant puisqu’elle a tourné au cours des derniers mois la deuxième saison de Qui sait chanter ? (Noovo) et la nouvelle émission La drag en moi (Crave). Et ce, avant d’annoncer au monde entier qu’elle sera l’hôtesse de la version belge du phénomène RuPaul’s Drag Race. La Presse lui a parlé au terme d’une longue journée de travail au pays de Brel et d’Angèle.

D’entrée de jeu, la drag québécoise précise qu’elle a l’interdiction formelle de divulguer les dates de tournage de Drag Race Belgique afin d’éviter que les curieux fassent des recherches pour découvrir les participantes potentielles qui n’apparaissent plus sur scène ou sur les réseaux sociaux.

Elle peut cependant nous raconter comment elle a décroché le poste. « Quand j’ai reçu une invitation à auditionner pour une nouvelle franchise en Belgique, j’ai tout de suite répondu oui en étant très excitée. Puis, j’ai relu le message et j’ai vu que c’était pour être la présentatrice ! J’ai eu de la difficulté à me concentrer tout le reste de la journée. »

Les producteurs ignoraient pourtant que l’alter ego de Rita, Jean-François Guevremont, avait vécu huit mois à Bruxelles pour faire un stage de fin de bac en relations humaines. « Dans leur esprit, j’étais surtout la première francophone finaliste de leur franchise et je possédais une expérience en télé. »

Elle leur a révélé son lien avec la Belgique durant les auditions où des drags d’un peu partout sur la planète — y compris de la Belgique – étaient convoquées. Lorsqu’elle a appris qu’elle serait l’animatrice, Rita Baga s’est sentie flotter sur un nuage.

J’ai toujours rêvé de percer à l’international et je n’ai jamais caché ma fierté d’être francophone. Alors, de voir qu’une personne comme moi, originaire de la Rive-Sud de Montréal, accède à son rêve, en français de surcroît, c’est l’apothéose !

Rita Baga

En français, s’il vous plaît !

Parlant de la langue de Molière, Rita Baga a convenu d’animer en français international. « Ce sera un peu étonnant pour les Québécois qui vont regarder Drag Race Belgique, car j’aurai presque une voix radio-canadienne, mais ce n’est pas difficile pour moi. J’ai une formation en théâtre et je n’ai jamais eu de difficulté à me faire comprendre en Belgique. »

Il s’en trouve toutefois à critiquer la sélection d’une personne non belge à l’animation. « Je comprends tout à fait le souci des gens qui veulent une animatrice locale. Cela dit, il y a eu des auditions. Aux yeux de la RTBF, l’équivalent de Radio-Canada, et de la production World of Wonder, j’ai fait la meilleure impression. »

Les critiques soulevées découlent en partie des reproches faits à RuPaul, reine mère de la franchise, qui n’aurait pas saisi toutes les nuances locales de la culture au Royaume-Uni et en Océanie où elle a également animé et jugé plusieurs saisons.

À ce sujet, Rita Baga précise qu’elle est entourée d’un jury qui l’épaule et qu’elle fait tout pour maîtriser la culture belge.

J’ai le syndrome de la première de classe. Je n’ai pas la prétention de dire que je connais autant la culture belge qu’un Belge, mais je mets tous les efforts en amont pour comprendre les subtilités.

Rita Baga

D’ailleurs, la Québécoise prévoit s’approprier le concept très formaté avec son humour et son positivisme. « Comme je suis moi-même passée par là, je tiens à donner des commentaires constructifs et bienveillants qui vont servir aux drags. C’est un rêve pour la majorité des drags dans le monde de faire partie de cette émission. On n’a pas besoin d’ajouter une pression supplémentaire en étant négatifs. »

Donner au suivant

Cette humanité lui a également servi durant les tournages de La drag en moi qui sera diffusée dès le mois août. L’émission, qui ne vise nullement à transformer les gens en drags, a pour but de soutenir les participants et les participantes en vue d’un évènement important : mariage, coming out, lancement d’entreprise, etc. « On vient en aide à des gens qui ont besoin d’un coup de pouce pour ce qui est de la confiance en soi. Qui de mieux que trois drags pour les aider ? »

Rita Baga sera accompagnée par Sasha Baga et Petula Claque, des coanimatrices colorées, altruistes et possédant des compétences non négligeables. La première a 10 ans d’expérience en commerce de détail dans le monde du vêtement et une formation en coiffure, alors que la deuxième enseigne le maquillage artistique.

Aussi bienveillante soit l’émission, les coanimatrices feront certainement sourciller les gens qui croient que les drags prennent trop de place. Ou ceux qui annulent des évènements de drag destinés aux tout-petits, comme L’heure du conte animée par la drag queen Barbada.

« Tout ça est guidé par la peur et l’ignorance. C’est un gros retour en arrière, après tant d’avancées faites dans les dernières années. Le plus abject, c’est que c’est souvent guidé par une envie d’être politiquement correct, alors que Sébastien, derrière Barbada, est un pédagogue d’expérience. »

À ses yeux, on ne peut donc pas remettre en question ses compétences.

« La peur vient de l’ignorance de ce que c’est, être un ou une drag. Je trouve ça dommage que sous l’étiquette de ne pas vouloir blesser des gens, on prive la prochaine génération d’avoir accès à du contenu éducatif sur l’acceptation et l’ouverture », lance Rita Baga.