Les téléspectateurs ne manquent pas d’adjectifs pour décrire Pierre Bruneau : éclairant, passionné, rigoureux, intègre, gentleman, engagé… Mais parmi cette horde de qualificatifs élogieux, l’un d’eux revient immanquablement : rassurant.

Aux dires du public, le vétéran chef d’antenne de TVA assure une « présence rassurante » en ondes. Dans l’état actuel du monde, il s’agit d’un facteur non négligeable pour expliquer son immense popularité. Et c’est l’une des raisons pour lesquelles son départ laissera bien des Québécois endeuillés, jeudi soir, lorsqu’il prendra sa retraite après 46 années de loyaux services.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Joëlle Barbeau, fidèle téléspectatrice de Pierre Bruneau, qui prend sa retraite après 46 ans à TVA

Fidèle téléspectatrice habitant en Montérégie, Joëlle Barbeau se rappelle plusieurs moments marquants des XXe et XXIe siècles qu’elle a passés scotchée devant son écran, avec Pierre Bruneau comme seule lanterne. En entrevue, elle mentionne le massacre de Polytechnique du 6 décembre 1989, à Montréal, et l’effondrement des tours jumelles du World Trade Center du 11 septembre 2001, à New York.

« C’était des moments bouleversants et dramatiques, mais il n’a jamais craqué, déclare la femme de 58 ans. J’étais apaisée dès qu’il entrait en ondes. J’étais en confiance, je savais que j’aurais l’heure juste. »

Même écho chez Louise Chartrand, qui parle d’un animateur « rassurant », « attentif » et « consciencieux ». La résidante de Brossard n’est pas qu’une téléspectatrice assidue ; elle a côtoyé Pierre Bruneau pendant une quinzaine d’années à titre de secrétaire au service des nouvelles de TVA, alors qu’il amorçait sa carrière, au milieu des années 1970.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Louise Chartrand a côtoyé Pierre Bruneau pendant une quinzaine d’années à titre de secrétaire au service des nouvelles de TVA.

« C’est un gars qui gérait bien son stress », raconte la femme de 85 ans au téléphone.

Homme de confiance de TVA en période d’élections, Pierre Bruneau a également tenu les rênes d’un nombre incalculable de soirées électorales.

Pour Richard Laberge, 75 ans, l’animateur dégage beaucoup de « leadership » et d’« humanité ». De surcroît, sa voix « radiophonique » est « agréable », et son français, « impeccable ».

« Dans l’animation des débats politiques, M. Bruneau est respectueux envers chacun des participants », souligne ce citoyen de Saint-Bruno.

« Professionnalisme familial »

Phénomène inusité, la cote de popularité de Pierre Bruneau n’a jamais faibli, augmentant même d’année en année. Le TVA Nouvelles de 18 h demeure le bulletin d’information numéro 1 au Québec, selon Numéris. Et selon toute vraisemblance, le présentateur de 70 ans aurait récolté son 24e trophée Artis – et son 12e consécutif – le mois dernier si TVA n’avait pas choisi de reporter la cérémonie en raison de la pandémie de COVID-19.

Directeur de l’École des médias de l’Université du Québec à Montréal, Pierre Barrette affirme qu’un certain nombre de facteurs expliquent l’indéniable popularité de Pierre Bruneau. Sa longévité en fait partie.

« C’est une figure extrêmement familière, souligne le spécialiste télé. Il fait partie du paysage depuis tellement longtemps. Les gens peuvent s’y raccrocher. L’effet de cumul joue pour beaucoup. »

Pierre Barrette signale également la « télégénie » de l’animateur, qui décrit les malheurs du monde d’une voix qu’il qualifie – sans surprise – de « rassurante ».

« Il incarne ce qu’est l’information à TVA, tout comme Bernard Derome incarnait ce qu’était l’information à Radio-Canada, avec sa voix de stentor, avec son côté pince-sans-rire cynique, probablement un peu trop intello pour beaucoup de gens. »

Pierre Bruneau, c’est tout le contraire. C’est quelqu’un qui livre la nouvelle avec émotion, chaleur et bienveillance. C’est quelqu’un qui incarne l’information avec une sorte de professionnalisme familial qui n’a pas son égal. Il s’adresse directement à monsieur et madame Tout-le-Monde en employant le langage qu’ils comprennent. C’est quelqu’un qu’on voudrait avoir comme père, comme grand-père.

Pierre Barrette, directeur de l’École des médias de l’Université du Québec à Montréal

L’histoire personnelle de Pierre Bruneau a certainement contribué à solidifier son lien avec l’auditoire, estime Pierre Barrette. On pense évidemment à la mort, en 1988, de Charles, son fils aîné de 12 ans, au terme d’une longue bataille contre une leucémie.

Après s’être relevé, le journaliste a créé, en 1990, la Fondation Charles-Bruneau, avec pour mission de procurer aux enfants atteints d’un cancer les meilleures chances de guérison en finançant la recherche en hémato-oncologie pédiatrique.

« Les grandes vedettes, les gens auxquels le public s’attache véritablement, ce sont habituellement des personnes qui débordent du cadre, indique Pierre Barrette. Elles ne sont pas seulement des figures télévisuelles : elles sont des figures humaines, qui portent en elles un récit auquel on peut s’identifier. C’est ce qui est arrivé avec M. Bruneau. Il est devenu une figure de résilience extraordinaire en développant la Fondation Charles-Bruneau, en y mettant toutes ses énergies. Les gens l’ont aimé encore plus après. »

PHOTO MARTIN CHEVALIER, ARCHIVES JOURNAL DE MONTRÉAL

Pierre Bruneau au Face-à-face de TVA, lors des dernières élections fédérales, en septembre 2021

La bonté

Catherine Pépin, une autre téléspectatrice, peut témoigner des qualités humaines de Pierre Bruneau. En 2018, son petit garçon, Logan, alors âgé de 8 mois, a contracté un cancer. Lorsqu’il était en rémission, l’entrepreneure a contacté la Fondation Charles-Bruneau pour s’impliquer.

La première fois qu’elle a rencontré Pierre Bruneau, c’était en 2021 lors d’une activité-bénéfice, le Tour de vélo CIBC. La jeune femme de 28 ans admirait le chef d’antenne de loin depuis l’adolescence. Et cette fois, elle pouvait le côtoyer.

« J’aime sa bonté, son sourire, sa disponibilité et son indulgence, déclare la résidante de Terrebonne. Je suis tellement reconnaissante qu’une fondation comme Charles-Bruneau existe. J’ai vécu la maladie, mais contrairement à Pierre Bruneau, je n’ai pas perdu mon enfant. Je trouve ça puissant et inspirant de voir quelqu’un se relever et construire quelque chose d’aussi grandiose, malgré une peine immense. Avec cette fondation, il sauve des milliers d’enfants chaque année. L’amour que j’ai pour Pierre Bruneau – et pour sa femme, Ginette – est énorme. »

Comme de nombreux téléspectateurs, Catherine Pépin vivra un certain deuil dans quelques jours, quand Pierre Bruneau tirera sa révérence du TVA Nouvelles. Selon elle, il s’agit d’une grande perte pour tout le Québec.

« Même s’il mérite amplement de prendre sa retraite et d’avoir plus de temps pour lui, c’est triste qu’il s’en aille. C’est un point de repère qu’on perd. »

Pierre Bruneau animera son dernier bulletin d’information à TVA le jeudi 16 juin à 18 h. Il retrouvera toutefois son poste aux commandes du débat des chefs de TVA l’automne prochain. Il pilotera également la soirée électorale Québec 2022.