Yolande James n’a pas chômé depuis qu’elle a été nommée directrice générale, diversité et inclusion, de Radio-Canada, en juin 2021. Et rien n’indique qu’elle connaîtra une accalmie bientôt puisqu’elle devra s’assurer qu’au moins une personne LGBTQ+, issue des minorités visibles, en situation de handicap ou d’origine autochtone occupe un poste clé dans toutes les émissions du diffuseur public d’ici 2025.

C’est ce qu’a rappelé l’ex-députée et ministre provinciale lundi durant notre entrevue. Annoncé en 2019 par Catherine Tait, présidente-directrice générale de CBC/Radio-Canada, cet objectif est certainement ambitieux, d’autant plus qu’il concerne les emplois de producteur, d’auteur, de réalisateur et d’acteur principal.

Mais comme toutes les autres visées du diffuseur en matière de diversité et d’inclusion, il revêt une grande importance, insiste Yolande James. « La diversité, ce n’est pas une opinion ; c’est une réalité. »

Yolande James a pris son temps avant d’accepter notre demande d’entrevue. Douze mois, pour être précis. Durant notre rencontre, notre interlocutrice justifie son silence radio en plaidant qu’elle avait « beaucoup de travail ».

« Je voulais faire mes devoirs, constituer mon équipe et monter mes plans d’action. »

Des réalisations

La création à Radio-Canada d’un poste de direction, diversité et inclusion, a suscité de nombreuses questions, l’été dernier. Aujourd’hui, Yolande James semble ravie de remettre les pendules à l’heure et d’expliquer son rôle, qui paraît encore flou aux yeux de certains téléspectateurs.

« Comme diffuseur public, on s’est donné le mandat d’être le reflet du public, non seulement dans notre programmation, mais parmi nos employés. Mon rôle, c’est que ça se fasse. Et pour ce faire, je dois travailler en coordination avec tous les secteurs : l’information, la télévision, les communications, les finances, etc. »

Lorsqu’on lui demande d’énumérer ses réalisations depuis son arrivée, Yolande James ouvre en parlant d’un programme de stage accélérateur réservé aux minorités. Elle mentionne ensuite une initiative qui fera en sorte qu’on voie et qu’on entende davantage de nouvelles voix en ondes. Des gens « compétents » et dotés d’une vaste « expertise », précise celle qui dirige une équipe de sept personnes.

Yolande James signale également l’objectif de 22 % du recrutement, c’est-à-dire que dans les embauches, une personne sur cinq soit issue d’un groupe sous-représenté.

Du même souffle, elle relève un programme de « leaders émergents », qui chapeautera leur cheminement à Radio-Canada. « Ça nous a été dit en 2020 : les groupes sous-représentés estimaient qu’ils n’avaient pas d’opportunités de progresser dans l’organisation. »

Le diffuseur s’est aussi donné la mission de doubler son taux de rétention des personnes autochtones, racisées et handicapées qu’il engage. « Il faut s’assurer que leur intégration se passe bien, note Yolande James. Il faut aussi s’assurer que l’ensemble des employés partagent ces valeurs, qu’ils soient membres d’une minorité ou pas. »

Pour faire en sorte qu’une forte majorité de travailleurs adhèrent aux politiques inclusives de Radio-Canada, Yolande James encourage tous ceux qui doutent à venir lui exprimer leur malaise. Elle affirme n’avoir aucun problème à mener des conversations difficiles. « Il faut avoir le courage et l’humilité de répondre aux questions. »

Non, les nouvelles mesures de Radio-Canada concernant les promotions ne veulent pas dire qu’une personne blanche n’a plus aucune chance d’être promue, jure-t-elle. Ces règles tentent simplement de corriger des injustices passées.

« La représentation, c’est tellement important. Il faut la voir pour y croire. Devant et derrière la caméra », souligne-t-elle.

Face aux critiques

Yolande James n’a pas jeté un coup d’œil aux critiques quand Radio-Canada a créé le poste de directrice générale, diversité et inclusion. Des observateurs ont sourcillé devant l’avènement d’une telle fonction, avançant que l’ancienne politicienne allait être payée pour parler de racisme systémique.

Aujourd’hui, elle est fière de défendre l’existence du poste dont elle a hérité.

Dans ce nouveau rôle, je suis au service de tout le public. Je dois m’assurer que tout le monde peut être vu, entendu et valorisé. Je ne suis pas gênée de ce qu’on fait. J’en suis extrêmement fière. On ne compte pas les heures. On sait où est-ce qu’on s’en va. Je suis très à l’aise avec tout ça. Je dors très bien la nuit.

Yolande James

Radio-Canada ayant la réputation d’être un gigantesque paquebot qui bouge lentement, Yolande James devra probablement s’armer de patience avant d’observer des changements réels et durables. Mais puisqu’elle a déjà travaillé au gouvernement, elle sait à quoi s’attendre.

« Tu n’arrives pas dans une organisation comme Radio-Canada en pensant que tu vas tout transformer en même temps. Mais je sens qu’on est dans un contexte favorable. On progresse. Un jour, ça ne sera peut-être plus nécessaire d’avoir une personne en charge de l’inclusion. Mais en attendant ce jour, je vais continuer à travailler pour l’élimination de mon poste. »