Comme diraient les anglos, this is it pour This Is Us, qui quitte l’antenne mardi après six saisons. À défaut d’avoir transformé le paysage télévisuel, l’offrande du réseau américain NBC laissera le souvenir d’une série énormément populaire, hautement lacrymogène, construite avec ingéniosité (des retours en arrière, des sauts en avant !) et gorgée de bons sentiments.

Bien entendu, l’œuvre de Dan Fogelman n’est plus le phénomène qu’elle a déjà été. En 2017-2018, elle ralliait chaque semaine 18 millions de téléspectateurs aux États-Unis, selon Nielsen. Depuis deux ans, elle franchit rarement la barre des 10 millions.

On observe un essoufflement semblable des cotes d’écoute au Québec, confirme Radio-Canada, qui présente la version doublée en français (rebaptisée Notre vie). Le feuilleton conserve toutefois sa place dans le top 5 des émissions les plus suivies d’ICI ARTV.

Ce fléchissement d’auditoire n’a pas refroidi les ardeurs des amateurs, qui sentent monter les larmes rien qu’en pensant aux adieux qu’ils devront adresser au clan Pearson, qui comprend les parents Jack (Milo Ventimiglia) et Rebecca (Mandy Moore), et leurs trois enfants, Kevin (Justin Hartley), Kate (Chrissy Metz) et Randall (Sterling K. Brown). Plusieurs irréductibles prient pour qu’on leur serve une conclusion satisfaisante, qui répondra aux nombreuses questions qui taraudent leur esprit. Qu’est-ce que l’avenir réserve à Kate ? Après avoir pleuré pendant une heure mardi soir dernier, ma réserve de mouchoirs est-elle suffisante pour survivre aux scènes finales ? Dois-je arrêter de boycotter mon Crock-Pot ?

PHOTO EFF LIPSKY, FOURNIE PAR NBC

Milo Ventimiglia (Jack) et Mandy Moore (Rebecca) dans This Is Us

Puisque plusieurs d’entre vous regardent la série en décalage sur Netflix, ICI ARTV (où l’ultime saison sera présentée en décembre) ou ICI Télé, ce texte n’inclura aucun divulgâcheur. Soulignons simplement qu’aux dires des comédiens, qui multiplient les apparitions médiatiques depuis quelque temps, la conclusion sera « chargée émotionnellement ».

Le contraire aurait été surprenant.

Une influence au Québec ?

Malgré son succès populaire et critique, This Is Us n’a pas entraîné l’arrivée d’une armée de clones au pays de l’Oncle Sam, où pullulent toujours des drames policiers et médicaux. Son influence ne s’est pas fait sentir au Québec non plus, bien que certains croyaient l’avoir détectée dans certaines séries.

Quand TVA a commencé à diffuser Les moments parfaits, l’automne dernier, les comparaisons ont effectivement fusé. Même les acteurs (Catherine Trudeau, Gabriel Sabourin) avaient tracé le parallèle en entrevue.

Sur papier, les séries présentent assurément des similitudes. Elles marient drame et comédie légère, et sont toutes deux articulées autour d’une famille tissée serrée comptant trois enfants.

PHOTO FABRICE GAËTAN, FOURNIE PAR TVA

Catherine Trudeau (Catherine), Gabriel Sabourin (Alex), Samuel Gauthier (Hugo) et Antoine Marchand-Gagnon (Tristan) dans Les moments parfaits

Joint au téléphone, l’auteur principal des Moments parfaits, Marc Robitaille, est catégorique : This Is Us n’a pas influencé son projet, lequel percolait depuis 2004. L’écrivain et scénariste reconnaît toutefois que l’incroyable succès du feuilleton américain l’a « conforté » quant aux chances de réussite d’une série familiale et chaleureuse, dépourvue de fusils, de drames shakespeariens et d’appels catastrophes au 911.

« Je me suis dit qu’il y avait moyen d’accrocher des gens en racontant des histoires pleines d’humanité, qui montrent des personnes qui connaissent des désillusions, qui vivent de petits espoirs, de petites trahisons… On est dans une époque avec beaucoup de choses rugueuses, beaucoup de Game of Thrones, beaucoup de têtes qui tombent, beaucoup d’hémoglobine, de personnages de psychopathes. Ça fait que l’auditoire s’attend à vivre des émotions fortes tout le temps. Ça crée une surenchère de situations extrêmes. Ça donne des séries boostées aux stéroïdes. Un enlèvement ? Ce n’est pas assez. Un enlèvement d’enfant ? Pas assez non plus. Un enlèvement d’enfant handicapé ? OK, on tient peut-être quelque chose… »

Une série « feel good »

La productrice Anne Boyer affirme qu’elle n’avait pas encore regardé This Is Us lorsqu’elle a trouvé – avec l’auteure Dominick Parenteau Lebeuf – la prémisse derrière Nous, cette série réconfortante décrivant un groupe de millénariaux attachants. Réalisée par Yannick Savard (L’heure bleue, Piégés) et mettant en vedette Marianne Fortier, la première saison du feuilleton est offerte sur illico depuis décembre.

PHOTO ERIC MYRE, FOURNIE PAR TVA

Nicolas Fontaine (Alexis) et Marianne Fortier (Camille) dans Nous, offerte sur illico.

Au fil des années, Anne Boyer a rattrapé son retard sur This Is Us. Si bien qu’aujourd’hui, elle pourrait réclamer sa carte de fidèle téléspectatrice. « Toutes les saisons n’ont pas été également heureuses, mais de manière générale, c’est une très bonne série. J’aime l’aspect feel good. Il n’y en a pas des tonnes, des séries comme ça. »

« Je suis aussi jalouse des moyens qu’ils ont eus ! », ajoute la productrice.

Pour sa part, Marc Robitaille n’a pas suivi assidûment This Is Us. Agacé par l’entêtement des auteurs à constamment « chercher la larme », il admet avoir tiré la plogue après une saison et demie. Malgré tout, il salue leur travail.

« C’est admirable, ce qu’ils ont fait. C’est tout un défi d’explorer des personnages, d’aller fouiller dans leur vérité, dans leurs drames, sans essayer d’y aller par coups d’éclat. Ça prend de l’audace. »

Selon Simon Dupuis, directeur des acquisitions chez Radio-Canada, This Is Us doit son succès (en partie, du moins) au thème central qu’il exploite avec « authenticité » : la famille.

« Ça touche n’importe qui, peu importe ta classe sociale, d’où tu viens, dans quel type d’environnement tu évolues… Ça demeure un show fleur bleue, mais le public s’est identifié aux personnages. Il s’est reconnu en eux. Il n’y a pas nécessairement de bons, de méchants. Ce sont des gens accessibles. Ça peut être tes amis, tes voisins. »

NBC et CTV présentent la finale de This Is Us mardi à 21 h.