Plus de 1600 fusillades dans des écoles se sont produites aux États-Unis depuis 1970. Elles ont fait près de 600 morts et presque trois fois plus de blessés. Derrière ces tueries, il y a des victimes cachées : les pères et les mères des tireurs. Trois d’entre eux prennent la parole à l’écran dans Parents de tueurs, documentaire au titre-choc, mais à la manière délicate présenté la semaine prochaine sur ICI RDI.

On nomme de moins en moins les auteurs de tueries de masse afin d’éviter toute forme de glorification et de plutôt mettre l’accent sur les victimes et leurs familles. Les documentaristes Frida et Lasse Barkfors osent tourner le regard vers des personnes intimement liées aux fusillades, mais qui restent généralement dans l’ombre : les parents des tueurs.

Ceux de l’adolescent qui a tué quatre élèves au Michigan au mois de novembre ont été inculpés d’homicides involontaires pour avoir laissé leur fils utiliser une arme qu’ils lui avaient offerte. Une accusation rare dans de telles circonstances.

Ceux qui prennent la parole dans Parents de tueurs n’ont pas été tenus responsables par la justice des gestes de leur enfant. Ce poids, ils se le mettent tout de même sur les épaules. Il fait partie des émotions déchirantes qu’ils vivent pour n’avoir pas pressenti que leur enfant avait des envies de meurtre : culpabilité, sentiment d’échec et, quand le tireur s’est donné la mort, deuil.

Sue Klebold, la mère d’un des auteurs du massacre de Columbine, en 1999, résume la chose de façon brutale. Lorsqu’elle a su que son fils avait commis un acte prémédité, tout ce en quoi elle croyait a disparu.

« La personne que je pensais être a cessé d’exister », ajoute la femme aux cheveux blancs, qui pensait jusque-là avoir été une bonne mère et avoir inculqué de bonnes valeurs à ses enfants.

Parents de tueurs ne cherche pas à dépeindre ces pères et cette mère comme des victimes. Ou très peu. Surtout à les écouter raconter leurs douleurs, notamment l’inquiétude lorsqu’ils ont appris qu’une fusillade avait eu lieu à l’école de leur enfant, comme n’importe quel parent, et leur incrédulité quand on leur a confirmé que c’était leur fils qui avait semé la mort autour de lui. Aucun n’avait vu la tragédie venir. Chacun d’entre eux s’en veut encore, même des décennies plus tard.

Le documentaire de Frida et Lasse Barkfors avance avec beaucoup de finesse dans ces tragédies, racontant les contextes familiaux de chacun, ce que ces adolescents ont vécu, mais sans jamais excuser quoi que ce soit. Il laisse Jeff Williams exposer les sévices vécus par son fils à l’école et Clarence Elliot parler de l’intimidation vécue par le sien. Sans laisser entendre que ces explications justifient leur geste.

Il lève aussi le voile sur le traitement réservé aux parents de ces adolescents : certains ont été pourchassés par les médias, un autre a carrément été victime de harcèlement à répétition dans le coin de la Californie où il vivait. Il montre aussi la force de l’amour parental, comment il est possible de soutenir un fils qui a commis un acte qu’on trouve horrifiant.

On nomme de moins en moins les auteurs des tueries de masse. Dans Parents de tueurs, on les entend à répétition. Oui, ça redonne une part d’humanité à ces jeunes hommes. Ça souligne aussi l’immensité du drame vécu par ces pères et ces mères qui ont élevé des enfants en souhaitant qu’ils deviennent des gens bien. Surtout pas des assassins.

Le mardi 19 avril, 20 h, 22 h, sur ICI RDI