Ce printemps, Anne-Élisabeth Bossé comble son besoin de légèreté en assurant la narration de 5 gars pour moi, une téléréalité de TVA dans laquelle, chaque semaine, une nouvelle participante accueille cinq prétendants chez elle, dans l’espoir de trouver l’amour. Nous avons discuté avec l’actrice, qui explique également les raisons très personnelles pour lesquelles elle a récemment accepté de devenir la porte-parole des Sociétés Alzheimer, un rôle qu’elle espère tenir longtemps.

Êtes-vous une grande consommatrice de téléréalités ?

Oui. Je n’ai jamais snobé ça. J’ai regardé Survivor, Love Is Blind, Big Brother… Mais je me reconnais plus dans quelque chose comme 5 gars pour moi, L’amour est dans le pré ou Si on s’aimait. C’est quétaine, mais c’est très sincère, ce que je vais dire : la quête de l’amour, je trouve ça noble. J’y crois. Dans la vie, je suis contente d’être en couple. J’ai vraiment été bafouée en amour, mais je n’ai jamais été cynique. Le cœur est résilient.

5 gars pour moi est l’adaptation québécoise d’un format britannique. Sur papier, qu’est-ce qui vous plaisait dans cette émission ?

J’aime qu’on permette aux femmes de choisir. Parce que depuis quelques années, je constate qu’autour de moi, chez mes amies qui ont des dates, les gars ghostent beaucoup [du jour au lendemain, ils ignorent les messages et ne donnent aucun signe de vie]. Avec cette émission, on essaie de renverser la vapeur, de redonner du pouvoir décisionnel aux femmes. Je sais que c’est gros, ce que je dis. Je sais que je généralise, mais c’est ce qu’on veut.

UNE IMAGE TIRÉE DE L’ÉMISSION 5 GARS POUR MOI

Comment ce projet a-t-il atterri dans votre cour ?

C’est une offre que j’ai reçue. Au début, j’étais convaincue que je n’étais pas la bonne personne pour faire ça.

Pourquoi ?

J’aurais pensé qu’ils cherchaient un humoriste pur et dur. Mais je n’avais jamais regardé la série originale. Je pensais qu’il fallait vraiment être rigolo. Quand ils m’ont expliqué que ce n’était pas le ton qu’ils cherchaient, ça m’a rassurée. J’allais guider le téléspectateur et soulever les situations embarrassantes et drôles, mais sans moqueries personnelles. Des roasts [bien cuits], c’est toujours drôle. Mon chum [l’humoriste Guillaume Pineault] en fait. Avec son œil de lynx, il voit tout. Ça me fait beaucoup rire. Mais dans un contexte comme celui de 5 gars pour moi, dans une démarche aussi sincère, ça n’a pas sa place. Quand un candidat s’ouvre et révèle qu’il est orphelin, ça n’a pas de sens d’arriver après et dire : « Hey, ton chandail est laid, blablabla… » Ça serait de mauvais goût.

Comme dans toute bonne téléréalité, les situations de malaise pleuvent dans l’émission. Dans la vie, êtes-vous perméable aux malaises ?

Extrêmement ! C’est la raison pour laquelle je ne fume pas de pot. D’emblée, je sens les frettes. Je suis hyper sensible. Et quand je fumais du pot, si quelqu’un disait une phrase qui tombait à plat, j’étais dans tous mes états ! J’étais comme : « Ah non ! Y a un frette ! Faut que je fasse quelque chose ! » C’est mon petit côté première de classe.

La Fédération québécoise des Sociétés Alzheimer vous a proposé d’être sa porte-parole. Pourquoi avez-vous accepté ?

Les raisons sont super personnelles. Mon père est atteint d’alzheimer. Je n’en ai jamais vraiment parlé [publiquement]. C’est un alzheimer précoce. Il a reçu son diagnostic à 65 ans. Ça fait deux ans et demi. Ça a bouleversé notre famille au grand complet. Ça a changé nos vies. Ça a changé ma vie. C’est la pire maladie, je trouve. C’est un deuil blanc : tu fais le deuil d’une personne pendant qu’elle est encore là. C’est un sentiment très, très dur.

C’est aussi une maladie difficile pour l’entourage…

Oui, parce qu’une fois qu’elle atteint un certain stade, la personne ne sait plus qu’elle est malade. Mais le stade avant, où elle le sait, c’est dégueulasse. C’est trash. Parce que sa vie lui échappe, sa lucidité lui échappe… Mon père était enquêteur. Sa mémoire, c’était toute sa vie. C’était sa plus grande force. La première fois qu’on s’est assis ensemble et qu’il m’a annoncé qu’il commençait à perdre la mémoire… J’ai vu toute sa détresse. J’ai vu qu’il s’est caché. Il n’avait plus envie de faire face au monde. Il avait peur de ce qu’il allait dire. Il s’est isolé. Ce n’est pas facile.

Qu’est-ce que vous souhaitez accomplir comme porte-parole ?

Ce n’est pas une cause très populaire. Ça n’amasse pas énormément d’argent. Et moi, j’ai une belle cote de popularité depuis quelques années. Je veux m’en servir pour aider à amasser des sous, pour stimuler la recherche, pour trouver un traitement, etc. Mais aussi pour briser le tabou qui entoure l’alzheimer. C’est tabou parce qu’on n’aime pas parler de vieillesse. Ça nous fait peur… Mais ça fait partie de nos vies. Ça serait bien qu’on en parle davantage.

Comment va votre père aujourd’hui ?

C’est très, très avancé. L’alzheimer précoce, c’est hyper fulgurant. Je trouve que c’est allé vite. Et on est très bouleversés par chaque changement de stade. Aussitôt qu’on commence à s’habituer, il en reperd. Il ne sait plus du tout qui je suis. Je suis encore en train d’essayer de gérer tout ça.

Vous avez commencé les tournages d’Indéfendable, la nouvelle série quotidienne de TVA, qu’on attend en septembre. On vous connaît pour En tout cas, Les Simone et Plan B, des séries saisonnières. Le rythme de tournage d’une quotidienne, c’est comment ?

On l’oublie, mais j’ai déjà fait trois saisons dans 30 vies. Je jouais Karine Pagé, une travailleuse sociale qui portait des tuques rigolotes…

Vous saviez donc ce qui vous attendait ?

À 100 %. Le rythme d’une quotidienne, c’est sportif, mais j’adore ça. On est une équipe très positive, très soudée. On adore les textes. J’adore mon personnage. J’ai hâte de rentrer dans le salon des gens et d’être Marie-Anne Desjardins, l’avocate qui retourne plaider après avoir vécu un traumatisme. Je suis très, très fière de faire ça.

Les attentes sont énormes envers Indéfendable, d’autant que District 31 quitte l’antenne dans quelques semaines. Sentez-vous cette pression en tournage ?

Non. Il faut dire que j’ai une belle naïveté par rapport à tout ça. J’ai fait du théâtre expérimental sachant pertinemment que personne n’allait en parler. Je viens d’une place beaucoup plus gavroche que ça. Je sais bien qu’en haut de moi, les ambitions sont grandes, parce que c’est une grosse entreprise. Faire une quotidienne, ça coûte cher. C’est un méchant pari. Mais je n’ai aucun contrôle là-dessus. Tout ce que je peux faire, c’est bien jouer mes scènes.

Cette attitude de laisser-aller, l’avez-vous toujours eue ?

Oui. Même pour mon one woman show, je n’ai pas fait de première médiatique. Je voulais faire quelque chose de plus intimiste. Je n’ai pas envie d’être nommée aux Olivier. Je ne me suis pas inscrite. Je ne suis pas du tout là-dedans. Bien sûr, comme tout le monde, j’ai un ego. J’ai déjà gagné un Gémeaux avec Les Appendices et j’étais contente. Mais je trouve que c’est une machine qui nous détourne vraiment des vraies raisons pour lesquelles on pratique ce métier. La game d’ego, s’acheter des bateaux et avoir des parts de productrice, ça n’est pas quelque chose qui m’intéresse. Du moins, pas pour l’instant. Dans ma tête, j’ai encore 21 ans. Et j’ai l’impression de sortir de l’école. Je n’ai rien compris encore. Je fais les affaires comme il y a 10-15 ans. Je veux juste jouer des personnages. C’est très excitant pour moi. Et c’est suffisant.

TVA présente 5 gars pour moi du lundi au jeudi à 19 h. À partir du 11 avril. La Fédération québécoise des Sociétés Alzheimer organise une marche pour l’alzheimer le dimanche 29 mai. Plus de renseignements au alzheimer.ca/federationquebecoise/fr