Les cotes d’écoute en baisse des Jeux olympiques de Pékin ne traduisent pas nécessairement un désintérêt du public québécois. Les chiffres, ce n’est qu’une partie de l’histoire.

Radio-Canada publiera ce mardi son communiqué bilan des JO d’hiver 2022. Bien qu’on ignore sa teneur exacte, on sait qu’il révélera une chute des auditoires télé.

Les quelques données grappillées au cours des deux dernières semaines reflètent cette tendance.

Par exemple, la cérémonie d’ouverture du 4 février, animée par Marie-José Turcotte et Céline Galipeau, a rallié 872 000 amateurs sur ICI Télé et RDS, selon Numéris (203 000 personnes en direct le matin et 669 000 en rediffusion en soirée). Aux précédents Jeux d’hiver de PyeongChang en 2018, elle avait attiré un total de 1 125 000 sur ICI Télé et RDS. Il s’agit d’une chute de 23 %.

Présentée dimanche, la cérémonie de clôture a essuyé une baisse encore plus importante.

Ses deux diffusions ont rallié un total de 547 000 téléspectateurs sur ICI Télé, une diminution de 38 % comparativement aux 888 000 de PyeongChang.

Aux États-Unis, c’est sensiblement la même histoire. D’après un article du Hollywood Reporter mis en ligne lundi, les chaînes du groupe NBCUniversal, détenteur des droits de diffusion des Jeux de Pékin sur le sol américain, ont enregistré une moyenne de 11,4 millions de téléspectateurs à heure de grande écoute au cours des deux dernières semaines, en baisse de 42 % par rapport à 2018, alors que 19,8 millions de téléspectateurs étaient fidèles au poste.

Migration numérique

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La cérémonie d’ouverture des Jeux, le 4 février dernier

Un certain nombre d’éléments peuvent expliquer ce fléchissement des cotes d’écoute. Vice-présidente, activation, chez Cossette Média, une agence spécialisée en placement média, Geneviève Marchand mentionne premièrement la décroissance de l’écoute télé en général. En effet, chaque année, la télévision linéaire (dite « conventionnelle ») perd des plumes. En termes de portée, on parle d’une chute de 6 % de 2020 à 2021.

La popularité grandissante des services de vidéo sur demande comme Netflix entre également dans l’équation.

Autre facteur non négligeable : la possibilité de regarder les Jeux olympiques ailleurs qu’au petit écran ; sur l’application du diffuseur, notamment.

Radio-Canada permet aux gens de suivre les Jeux olympiques sur d’autres plateformes. Ça nous donnait la chance de regarder certaines performances pendant nos heures de travail. Ces chiffres ne sont pas recensés en termes d’écoute.

Geneviève Marchand, vice-présidente, activation, chez Cossette

Radio-Canada dévoilera ses données numériques ce mardi. Logiquement, elles devraient montrer une progression.

Entre décalage et controverse

Certains facteurs étroitement liés aux JO d’hiver de 2022 ont également provoqué l’effritement des auditoires télé. Le décalage horaire de 13 heures entre Pékin et Montréal est notamment responsable.

« On n’a assisté à presque rien en direct », commente Pierre Barrette, directeur de l’École des médias de l’Université du Québec à Montréal. « Les Jeux olympiques, c’est le genre d’évènement qu’on veut voir en direct. Cette impression d’être toujours en retard, ça joue. »

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La patineuse russe Kamila Valieva

La mauvaise presse entourant les Jeux de Pékin pourrait aussi avoir sapé leurs cotes d’écoute. On pense notamment à l’affaire Kamila Valieva, cette patineuse artistique russe de 15 ans autorisée à poursuivre son rêve olympique malgré un test antidopage positif. De plus, avant même que débutent les compétitions, nombre d’observateurs critiquaient vertement la décision du Comité international olympique de tenir ces Jeux en Chine, un pays qui bafoue les droits de la personne.

« Ça peut avoir rendu l’écoute un peu moins intéressante pour certaines personnes, indique Pierre Barrette. Chose certaine, ça n’a pas redoré le blason des Jeux. »

Facteur COVID

La COVID-19 aurait également joué un rôle. Parlez-en aux organisateurs de galas. En effet, depuis bientôt deux ans, tant aux États-Unis qu’au Québec, les cérémonies de remise de prix (Oscars, Gémeaux, Artis) peinent à égaler les chiffres qu’elles atteignaient avant la pandémie. Le fait qu’elles soient organisées à huis clos explique en grande partie cette érosion. La popularité des JO aurait souffert du même syndrome.

« Je n’ai jamais été un grand fan de patinage artistique, mais devant un tel spectacle, j’aime bien avoir l’impression de suivre un évènement qui rallie les foules », déclare Pierre Barrette.

En temps normal, les gradins sont pleins. L’ambiance est bonne. Mais aux Jeux de Pékin, on voyait trois ou quatre personnes disséminées dans l’audience. Ça rendait les choses un peu froides. C’était moins agréable.

Pierre Barrette, directeur de l’École des médias de l’Université du Québec à Montréal

En somme, la liste des raisons qui expliquent le déclin des cotes d’écoute est longue. Les performances des athlètes canadiens, grâce auxquels le Canada apparaît en 4position du tableau des médailles, n’en font vraisemblablement pas partie.

« Les athlètes québécois ont gagné plusieurs médailles, souligne Geneviève Marchand, de Cossette Média. Ce n’est certainement pas leurs performances aux Jeux qui ont influencé les cotes d’écoute. Les gens avaient quand même de l’intérêt. »