C’est enfin l’heure du retour à Walton avec Léo, Cindy, Chabot et les employés de Dubeau Gâteaux. Après un délai pandémique qui a retardé le tournage d’un an, la troisième saison de la fine comédie de Fabien Cloutier, Léo, est diffusée depuis mercredi.

Il y a beaucoup de tendresse dans Léo. Du respect, de la douceur et de l’amour aussi. Car au-delà de la comédie franchement drôle, Fabien Cloutier et son équipe d’auteurs, formée de Steve Laplante, Erika Soucy et Sonia Cordeau, naviguent brillamment dans chaque épisode entre le rire et l’émotion.

« Cette ligne entre les deux est tellement l’fun, et tellement mince, dit Fabien Cloutier. Rire après être passé par un petit oups qui shake un peu dans le ventre, c’est un gros step à l’intérieur du corps. J’ai toujours aimé ce passage entre les deux. »

La force de Léo, c’est qu’on peut y parler de bouse de vache et d’alzheimer avec, disons, le même sérieux. À l’autre bout du fil, Fabien Cloutier rigole et opine. « C’est sûr qu’il faut le faire avec la même sensibilité, et la même liberté. Les gars parlent de marde de vache, on le fait complètement. Mais si on parle d’alzheimer, on y va aussi. »

Comédie dramatique, série drôle, l’auteur ne sait pas trop comment qualifier Léo. Ce qu’il sait par contre, c’est qu’il ne se met aucune barrière.

Moi, j’écris une comédie qui se permet d’aller dans toutes les directions, et qui fait confiance aux gens. Et comme on joue sur les deux tableaux depuis la première saison, ils l’acceptent.

Fabien Cloutier

On y rit, mais ce n’est pas « tape-cuisse à 100 % » comme le serait une comédie de situation, et on y aborde des sujets plus sérieux sans être « dans le drame immense ». Le plus difficile est de garder l’équilibre entre les deux, et le défi est de « faire vivre des choses » aux personnages, et non de seulement les effleurer.

« Dans la saison 3, l’amitié entre Chabot [Steve Laplante] et Léo va être mise à l’épreuve. Ben on y est allés, dans l’inconfort de voir deux chums en froid. C’est pas juste une scène, et après, c’est déjà passé. On s’est arrangés pour que le monde ait hâte qu’ils recommencent à se parler. »

Tous les angles

La troisième saison commence avec le mariage de Léo et de Cindy (Marie-Laurence Moreau), mais le deuxième épisode nous transporte tout de suite un an plus tard. Bébé Paul est venu au monde et Léo doit retourner travailler après son congé de paternité. Mais le cœur n’y est pas.

« Léo réfléchit beaucoup, mais il met rapidement les choses en action. Dans cette série, si les gens ne sont pas bien, ils le disent. » Ils pleurent, se chicanent, agissent et réagissent, mais l’affection n’est jamais loin et la solidarité est au rendez-vous. Dans cette époque où se crier par la tête sur les réseaux sociaux est devenu une habitude, cette empathie ambiante est réconfortante.

« On se rend compte qu’il y a un potentiel de tendresse dans chaque personnage », souligne Fabien Cloutier, qui aime montrer tous les angles de chacun, et pas juste leurs mauvais côtés. Il concède que certaines fois « on part de loin », comme avec Pouliot (Hubert Proulx), bum au rire hystérique, mais il fait confiance à l’intelligence des spectateurs.

« Oui, il a fait des affaires répréhensibles, oui, il dit des choses épouvantables. Mais on a beau montrer quelqu’un qui a des défauts, il n’est pas juste ça. C’est là que dans l’écriture, on a du fun. »

Moins frontal

Fabien Cloutier s’est fait connaître sur scène par son humour corrosif et son regard implacable. Il avoue que dans Léo, il avait envie de plus de nuances, surtout que la télé oblige à être « plus assis, plus capable de justifier » ses choix, ses angles, son langage.

« Mais peut-être que sur scène, la prochaine fois, ce sera aussi plus doux. Je me suis rendu compte avec le temps qu’avec certains sujets, je n’avais pas besoin de brasser autant pour être utile. »

L’auteur croit aujourd’hui qu’il peut faire bouger « le gros bateau de la société » sans faire de tempête, mais en y allant tranquillement, en mettant « le doigt à la bonne place ».

Quand j’ai commencé à écrire du théâtre, c’était le courant très in your face, très frontal. Peut-être que là, on est ailleurs, et que c’est ben correct que ça ait changé. Je ne remets rien en question de ce que j’ai écrit ! Mais je pense que c’est sain, à 45 ans, d’aborder des choses différemment qu’à 25. Si j’étais encore gueulard comme à 25 ans, ça voudrait dire que moi non plus, je n’ai pas fait de pas.

Fabien Cloutier

Après avoir fait beaucoup de télé au cours des dernières années – sa plus récente tournée s’est terminée il y a quatre ans déjà –, Fabien Cloutier a recommencé à écrire pour un spectacle solo qu’il aimerait présenter en 2023. « Je me sens prêt à me reconfronter à ça, à rebrasser ma petite cage. » Et à essayer de trouver « comment on peut être drôle et utile en 2023 ».

En attendant, Léo et sa bande ont encore des aventures à vivre. La quatrième saison est déjà tournée – « Je commence à recevoir des épisodes montés, je pense que ça va être ma préférée » – et une cinquième est au menu. Mais il pense bien qu’après, il aura fait le tour de cet univers. Qu’est-ce qu’il souhaite à son personnage pour l’avenir ?

« Au début de la série, je me disais que le jour où Léo aurait une blonde, un bébé, et qu’il serait en train de faire un barbecue avec son monde heureux autour de lui, ce serait fini. Tu sais, en avion quand tu descends et que tu vois tous les petits terrains, il y en a, du bonheur, dans ça, des vraies expériences de vie. Nous autres, on met le kodak sur une famille. Quand Léo va se sentir bien et qu’il va avoir envie de se lever tous les jours, il va avoir réussi. »

Léo, à TVA le mercredi et en rafale sur le Club illico