Se fier aux apparences est une grave erreur lorsqu’il s’agit de Dolly Parton. Son image de Barbie de campagne aux coiffes opulentes l’a servie autant qu’elle lui a nui. Dolly Parton – Here I Am, offert sur Netflix, pose un regard sensible sur cette personnalité complexe et attachante, devenue rien de moins qu’un monument de la musique country et de la pop.

« Je sais que j’ai l’air totalement bizarre et artificielle en apparence, mais je suis tout à fait vraie à l’intérieur », affirme Dolly Parton au début du documentaire réalisé par Francis Whately (David Bowie – Finding Fame). Dolly Parton — Here I Am tente de percer le mystère de cette dualité. Il n’y parvient pas. C’est sans doute ce qui le rend si intéressant.

Le film commence à l’automne 2019 alors que la chanteuse s’apprête à célébrer les 50 ans de son intronisation au Grand Ole Opry. Ce n’est pas un détail dans son parcours : fouler la scène de cette salle mythique — c’est le temple de la musique country aux États-Unis — était l’objectif à atteindre lorsqu’elle a mis le pied à Nashville, au milieu des années 1960.

Elle avait alors 18 ans et savait qu’elle mettait le pied dans un monde d’hommes, mais ce n’était rien pour l’arrêter. Son calcul était simple : soit j’échoue, soit je réussis. Il est évident, aussi, qu’elle entendait faire les choses à sa manière. Son tout premier single, publié en 1966, s’intitulait Dumb Blonde et disait en résumé : ne vous fiez pas aux apparences, je suis blonde, mais je suis loin d’être une nouille. Il est fascinant de la voir chanter ce morceau d’un air tout léger, avec cet éclat dans l’œil qui aurait dû être vu comme un avertissement.

Ceux qui sous-estiment Dolly le font à leur péril.

Jane Fonda, dans Dolly Parton — Here I Am

Ce qui ressort de Dolly Parton — Here I Am, c’est que la chanteuse est une femme sûre d’elle, qui a fait son chemin sans faire de vague, mais sans s’en laisser imposer. Qui passait des messages de manière assez directe dans ses chansons (Just Because I’m a Woman, qui parle clairement d’égalité des genres), mais qui évitait de prendre position en entrevue. Elle ne s’est jamais dite féministe, mais elle a un « parcours féministe », souligne une musicienne spécialiste de l’œuvre de la star.

Songwriter avant tout

L’autre dualité mise en valeur dans le film, c’est l’écart phénoménal entre sa vie publique et sa vie privée. Dolly Parton a été partout : sur scène, à la télévision, au cinéma. Or, elle se dévoile très peu, signalent plusieurs interviewées, parmi lesquelles Kylie Minogue et Linda Perry (4 Non Blondes). Elle est mariée depuis 1966, mais son mari et elle ont rarement été vus ensemble en public.

Dolly Parton — Here I Am relate bien sûr sa carrière, en mettant l’accent sur ses chansons emblématiques : Here You Come Again, 9 to 5, Islands in the Stream, Jolene et bien sûr I Will Always Love You. Le documentaire rappelle qu’Elvis souhaitait enregistrer ce dernier morceau, mais qu’il exigeait d’en obtenir les droits. Dolly Parton a refusé. Ce fut une sage décision : en 1992, I Will Always Love You a été reprise par Whitney Houston, et son succès phénoménal a rapporté gros à son autrice-compositrice.

Je prends l’écriture de chansons plus au sérieux que tout ce que je fais d’autre. Je suis une autrice-compositrice [songwriter] avant tout. C’est ma façon de m’exprimer.

Dolly Parton

Il est d’ailleurs franchement rafraîchissant de l’entendre parler en toute simplicité de la façon dont elle a écrit certaines de ses chansons comme 9 to 5 et The Grass Is Blue, tirée du premier des trois albums bluegrass qu’elle a publiés au tournant des années 2000. Elle est inspirée, mais ne se la joue pas « artiste inspirée » : elle cherche, elle travaille et elle s’amuse aussi.

Dolly Parton — Here I Am ne perce pas le mystère qui entoure son sujet. Il montre toutefois une artiste ambitieuse, attachante, vraie malgré les artifices, d’une intelligence et d’un humour vifs. Ce documentaire n’est pas de la dernière nouveauté, mais le voir avec un peu de retard colle aussi au parcours de la chanteuse : Dolly Parton n’a-t-elle pas obtenu sur le tard du mérite pour tout ce qu’elle a accompli ?

Le documentaire Dolly Parton — Here I Am est offert sur Netflix.