Avec On the Verge (Sur le point), la réalisatrice et actrice franco-américaine Julie Delpy présente sa première série sur Netflix. On y suit, à Los Angeles, la vie de quatre amies dans la cinquantaine au bord de la crise de nerfs. Une série drôle et authentique, où on retrouve le regard mordant de Julie Delpy.

Q : Comment avez-vous eu l’idée de la série On the Verge ?

R : Je trouvais intéressant de parler de femmes qui travaillent, qui sont actives, qui vivent à Los Angeles, qui ont 50 ans et qui ne font pas que pourchasser des hommes ou vouloir coucher avec des mecs de 25 ans ! [rires] Je voulais parler des femmes qui élèvent des enfants, qui ont des maris, qui jonglent avec toutes sortes de difficultés au quotidien. Quatre amies qui sont très différentes et qui, en même temps, ont des choses en commun.

Q : C’est l’anti-Sex and the City ?

R : Sex and the City, c’est bien, mais ce n’est pas du tout mon univers. Ce n’est pas du tout la réalité que je connais. Je ne connais personne qui vit comme les personnages de Sex and the City ! Dans la série, ce sont quatre amies, elles sont très humaines, ce ne sont pas des caricatures ni des monstres ou des femmes parfaites. Par exemple, mon personnage a un problème de couple évident et travaille trop, elle culpabilise parce qu’elle ne s’occupe pas assez de son fils ; une autre ne se rend pas compte que son mari a besoin de plus de liberté ; l’autre amie ne sait plus où elle en est parce qu’elle ne travaille plus et ne s’occupe que de son enfant et la dernière n’arrive pas à gérer sa vie du tout. Chaque personnage a ses problèmes, et ce sont des réalités de femmes. Elles se soutiennent, mais ne sont pas toujours d’accord. Elles s’engueulent, elles n’élèvent pas leurs enfants de la même façon, elles ne vivent pas les mêmes choses amoureusement. C’est une amitié réelle, elles ne sont pas tout le temps ensemble, car à 50 ans, on n’est pas tout le temps en train de traîner avec ses copines ! Ça m’est arrivé hier soir, par exemple, mais ça faisait deux semaines que je ne les avais pas vues.

PHOTO FOURNIE PAR NETFLIX

Julie Delpy, actrice et réalisatrice franco-américaine

Q : Vous avez la volonté de montrer qu’à 50 ans, la vie continue.

R : Oui. Les femmes sont au bord de quelque chose d’autre. Il y a toujours cette idée qu’à 50 ans, la vie d’une femme est tracée, qu’il n’y a plus de changement. Ce n’est pas la fin de notre vie à 50 ans ! J’avais envie de donner une voix à ces femmes. Les choses ne sont pas figées à 50 ans. On peut tomber amoureuse, changer de vie, de travail, tout peut basculer. Je n’aime pas l’idée de cette finalité, simplement parce qu’on a 50 ans. Je pense que les hommes ne se posent même pas la question. Moi, je peux tomber amoureuse demain, vous savez ! Enfin, je suis mariée, et je suis heureuse d’être mariée [rires], mais si ça se passe mal, je peux tomber amoureuse demain matin !

Q : Est-ce qu’il y a plus de rôles pour les femmes de 50 ans ? Ça change ?

R : Dans toute cette révolution où on s’est dit qu’il faut donner plus de travail aux femmes, plus de travail aux minorités, on a un peu laissé tomber la femme créative de plus de 40 ans. Tant qu’on donnait du travail à une femme, même jeune, c’était une femme, alors ça allait ! Alors les dirigeants de Hollywood engagent de jolies femmes de 25 ans ! [rires] On va faire la promotion des réalisatrices, mais attention, il faut qu’elles soient attirantes… Je fais des blagues, mais oui, on commence à respecter le point de vue des femmes de plus de 50 ans. Ça va mieux…

Q : Vous avez une culture française, mais aussi américaine, est-ce un avantage ?

R : C’est le truc qui me différencie de mes amies. On peut être d’accord sur plein de choses culturellement, politiquement, intellectuellement, mais alors le truc sur lequel on n’est pas d’accord, c’est sur la façon d’élever ses enfants. Chacune a sa manière. Parfois, j’observe mes amies et je me demande ce qu’elles font, et elles doivent aussi me regarder et se demander ce que je fais… Il y en a qui les protègent trop, d’autres qui ne haussent jamais la voix, d’autres qui font le contraire, mais je n’élève absolument pas mes enfants comme elles, on est vraiment très différentes. Il y en a qui soutiennent leurs enfants tout le temps, leurs enfants font des choses nulles, mais elles leur disent que c’est génial ! C’est très américain progressiste cette façon de faire, c’est extraordinaire !

Q : Il est question aussi, dans votre série, de l’apparence des femmes, des photos retouchées…

R : Je parle du look des femmes. Une femme qui a la gueule de Willem Dafoe sur une photo, des cernes, des rides, ce n’est pas possible, on va se demander ce qui lui arrive ! Alors qu’on va dire de Dafoe : qu’est-ce qu’il est beau ! Il a une gueule géniale, ce qui est vrai ! Plus il vieillit et plus il est beau, mais c’est très rare qu’on dise cela d’une femme ! On est encore dans un système où l’apparence compte avant tout, il faut être mince, faire des régimes, du sport, les hommes aussi, mais pour les femmes, c’est pire. On doit se faire des injections de Botox, avoir une grosse bouche, ne pas avoir de rides sur le front. Moi, je n’ai jamais rien fait ! Même pas une petite injection de Botox. Rien, mais rien du tout. C’est un choix personnel, si les gens veulent se faire retoucher, c’est leur choix, mais ils ne se rendent pas compte qu’ils sont victimes d’une société qui se nourrit de ça. C’est une réalité. J’ai de la chance, j’étais jolie quand j’étais jeune, je pense que je vieillis bien. Les hommes aussi se font du Botox, mais ils ont moins de pression. C’est le business dans lequel on est qui est comme ça, il y a une pression sur les gens, sur le désir, il faut toujours être sexy et désirable. Toujours désirable.

On the Verge est diffusée sur Netflix

My Zoé

Au cinéma, Julie Delpy partage la vedette du film My Zoé, avec Richard Armitage, en salle le vendredi 22 octobre. Elle réalise et signe aussi le scénario.