Le journaliste Alain Gravel se penche sur la crise climatique et ses impacts au Québec dans un documentaire intitulé Le choc environnemental. Sa quête, très personnelle, l’amène à retracer les catastrophes qui ont contribué à l’éveil d’une conscience écologique locale.

L’idée de « choc environnemental » du titre est à prendre au sens large dans le documentaire d’Alain Gravel. Il renvoie bien sûr au réchauffement de la planète et aux changements climatiques (inondations, canicules, incendies de forêt, etc.), mais aussi à des incendies toxiques et à la destruction des terres agricoles par l’étalement urbain.

Ces chocs environnementaux, que l’on vit personnellement ou collectivement, « auraient dû ou devraient nous ouvrir les yeux », dit d’entrée de jeu le journaliste dans son documentaire qui sera diffusé ce jeudi, à 21 h, sur ICI Radio-Canada Télé. Ce qui l’incite à se demander si nous sommes conscients de la gravité de la situation.

Un regard personnel

Son choc environnemental à lui, c’est la destruction des terres agricoles du village où il a grandi, Sainte-Dorothée, devenu depuis un quartier résidentiel de Laval. « Ç’a été scrapé pour des maisons et de l’asphalte, il n’en reste plus rien », dit-il. Ces terres étaient réputées parmi les plus riches du Québec, précise-t-il.

Comme journaliste, Alain Gravel a aussi vécu les premiers chocs environnementaux du Québec : l’incendie d’un entrepôt de BPC à Saint-Basile-le-Grand en 1988, qui a créé un nuage toxique provoquant l’évacuation de plus de 5000 personnes, et celui, en 1990, d’un dépotoir de pneus à Saint-Amable.

Deux catastrophes qui marquent un tournant, selon les anciens journalistes spécialisés en environnement Lionel Levac et Louis-Gilles Francœur, interviewés dans le documentaire.

Il était déjà beaucoup question des pluies acides dans les années 1980, rappelle Alain Gravel. « C’était plus abstrait », observe-t-il toutefois. Ces incendies survenus en un peu plus de deux ans étaient quant à eux très concrets. Le panache de fumée de Saint-Amable était visible à des dizaines de kilomètres du brasier.

« Ça a frappé l’imaginaire », relève Alain Gravel. Dans la foulée, dit Louis-Gilles Francœur, les sondages ont montré que l’environnement devenait une préoccupation pour la population québécoise.

Éveil environnemental

En posant un regard sur le passé — le documentaire remonte jusqu’à l’adoption de la Loi sur la protection des terres agricoles, à l’orée des années 1980 –, le journaliste montre notre parcours collectif, mais cherche aussi à rendre aux pionniers de l’éveil environnemental ce qui leur revient.

« L’hurluberlu d’hier devient le visionnaire de demain et le ministre d’après-demain », constate aujourd’hui le journaliste, précisant que les militants ont longtemps été perçus comme des « pelleteux de nuages ».

Steven Guilbeault, qui a notamment milité au sein de Greenpeace, et l’environnementaliste Daniel Breton sont en effet devenus ministres. Alain Gravel juge aussi que la couverture des enjeux environnementaux est désormais prise au sérieux par les médias, ce qui n’allait pas de soi lorsqu’il a débuté dans le métier.

Le journaliste s’inquiète de voir d’autres territoires agricoles subir le même sort que le village de son enfance. Il pressent qu’avec le troisième lien, à Québec, il y aura des pressions sur la Commission de protection des terres agricoles pour permettre le développement urbain au sud de la capitale nationale. Or, s’il se dit pessimiste de nature, faire ce documentaire lui fait croire que certaines choses vont dans la bonne direction.

L’électrification des transports et une modification de nos façons individuelles de nous déplacer (une combinaison de transports actif, collectif et individuel, idéalement) constituent « une partie de la réponse », selon lui.

« Quand je vois Purolator qui investit 1 milliard dans une infrastructure autour du vélo cargo et de petits véhicules, 1 milliard sur cinq ans dans des affaires qui, il y a sept ou huit ans, étaient [jugées] cute, observe-t-il, [c’est qu’on] n’est plus seulement dans le cute. »

Le choc environnemental, ce jeudi, à 21 h, sur ICI Radio-Canada Télé.