(Cannes) « On voulait que pour une fois on ne se dise pas qu’il n’y a que les Américains qui ont de l’ambition » : avec La Révolution, créée pour Netflix, Aurélien Molas propose une série spectaculaire, à la croisée des genres fantastique et historique.

Difficile de définir cette superproduction en 8 épisodes de 50 minutes, diffusée à partir du 16 octobre et présentée dans la catégorie « What’s next » du festival Canneséries.

« C’est principalement une uchronie où se rencontrent le fantastique et l’historique », décrit le créateur qui signe là sa sixième série, après notamment Maroni et Une île, avec Gaïa Guasti, pour Arte.

« Cette série c’était l’occasion de rendre hommage à toutes mes influences de cinéma et d’essayer d’en faire un tout cohérent qui nous soit propre et qui soit français », poursuit le trentenaire dans un entretien à l’AFP.

L’histoire commence en 1787 dans le comté fictif de Montargis, avec un jeune médecin, Joseph Guillotin (Amir El Kacem) qui, en enquêtant sur des meurtres étranges, découvre la maladie du sang bleu, une épidémie qui se répand dans l’aristocratie et pousse les nobles à s’attaquer au peuple.

L’histoire suit parallèlement la comtesse Élise de Montargis (Marilou Aussilloux) qui se bat pour plus de justice sociale tout en protégeant sa petite sœur Madeleine (Amelia Lacquemant), muette et douée de facultés extrasensorielles.

« On a eu recours à une consultante historienne, mais comme le parti pris de la série c’est d’être une uchronie, ça laisse une vraie liberté où les lignes dramaturgiques, l’ambition romanesque, sont plus importantes que la réalité historique. D’autant qu’on se situe en 1787 donc dans les lointaines origines de la Révolution française », explique Aurélien Molas.

« Je suis fasciné par les grandes figures des révolutions historiques, qu’elles soient silencieuses ou non-violentes ou à la Che Guevara », poursuit-il, révélant que l’un des personnages reprend même dans la série une partie de l’un de ses discours du célèbre guérillero cubain.

Anachronismes assumés

S’il a choisi de faire d’un personnage réel, Joseph Guillotin, l’un de ses personnages principaux, c’est parce qu’il souhaitait un « vecteur d’histoire » et que l’intéressé — qui n’est pas l’inventeur de la guillotine, mais a contribué à la promouvoir — « est un personnage qui n’est pas suffisamment documenté pour qu’il y ait un risque narratif ».

Pas question de faire une décalcomanie de la vie du vrai Guillotin dans cette série fantastique où les anachronismes sont assumés : « On était dans la démarche inverse de Pierre Schoeller lorsqu’il fait Un peuple et son roi », film de 2018 très réaliste sur la Révolution française.

Le créateur, avec sa coauteure Gaïa Guasti, met un point d’honneur à mettre en scène des personnages féminins forts physiquement, armés, indépendants et féministes.

« Il y a plus de personnages féminins forts que de personnages masculins forts », souligne-t-il.

Un élément qu’il ne juge pas si anachronique : « Olympe de Gouges, l’une des pionnières du féminisme, occupait par ses écrits une partie du XVIIIe siècle. On voulait avoir des personnages dans cette continuité parce que c’était les prémices d’un discours féministe assumé ».

Le discours politique de la série, tournée dans des châteaux franciliens et en studio, est lui aussi très contemporain.

Ses références sont multiples : la série coréenne Kingdom qui lui donne envie de « mêler drame historique et zombie thriller », mais il cite aussi Inglorious Bastards « qui réinvente l’histoire » ou Le pacte des loups pour l’ambiance.

L’esthétique particulièrement léchée va autant chercher du côté du western que du jeu Assassin’s Creed.

Interdite au moins de 16 ans, La Révolution n’hésite pas à montrer du sang et des scènes de violence, mais pas de scènes de sexe : « c’est un choix délibéré, parce qu’il y en a beaucoup dans toutes les séries historiques, Les Borgia, Les Tudor, Viking et Game of Thrones évidemment, ça ne nous intéressait pas, car nous avions suffisamment à raconter ».