Lena Dunham a chamboulé la télé avec la grinçante comédie Girls. Phœbe Waller-Bridge a repoussé les limites avec la série géniale Fleabag. Et c’est maintenant au tour de la jeune Britannique Michaela Coel de briller avec l’audacieuse télésérie I May Destroy You.

Coproduite par HBO et la BBC, I May Destroy You aborde les sujets chauds de l’heure : racisme, violences sexuelles chez les milléniaux, validation par les réseaux sociaux, consentement et zones de gris qui balisent les relations instantanées à l’ère de Tinder et de Grindr.

Le premier épisode (sur un total de 12) est couci-couça. Puis, on est aspiré par cette proposition originale et moderne, campée dans l’est de Londres. Détails techniques : I May Destroy You est présentée les dimanches à 22 h 30 sur HBO Canada, puis les mardis à 21 h sur Super Écran, en version sous-titrée en français. Tout se rattrape sur Crave. Ne désespérez pas, les activités de doublage reprennent graduellement.

PHOTO FOURNIE PAR HBO

Michaela Coel écrit, coréalise et coproduit I May Destroy You, en plus d’y jouer.

Dans I May Destroy You, nous suivons Arabella — jouée par la scénariste Michaela Coel —, auteure de 32 ans et « fille de party » qui a connu la célébrité sur Twitter et qui a publié un livre dérivé de ses gazouillis intitulé Confessions d’une milléniale exaspérée.

Brillante et comique, Arabella boit, consomme des drogues dures et pratique l’art de la procrastination, incapable d’achever la première version de son deuxième bouquin.

Pendant un sprint d’écriture, Arabella sort prendre un verre, un seul, avec des copains et se réveille avec une blessure au front. L’écran de son portable est brisé. Et des souvenirs confus de la soirée lui reviennent par bribes. Mais que s’est-il passé ?

Sarah-Maude Beauchesne, 30 ans, auteure et actrice dans l’excellente série Fourchette sur Tou.tv, est tombée à la renverse en visionnant I May Destroy You. « Il y a tout là-dedans. Voici l’histoire à plusieurs couches d’une jeune femme noire, victime d’agression sexuelle, qui nomme des choses que je ne savais pas. C’est complet, c’est révolutionnaire. Une chance que Michaela Coel existe », s’enthousiasme-t-elle.

L’idéatrice de L’Académie du Club illico poursuit : « Je suis encore sous le choc. Chacune des scènes est importante. Chacune des scènes passe un message sans que ça ressemble à une plogue. »

C’est très vrai. I May Destroy You ne s’apparente pas à une vidéo éducative du type « mon corps, c’est mon corps, ce n’est pas le tien ». Les nuances ponctuent le récit, tout comme les injustices et l’incompréhension.

Arabella dénonce son violeur à une policière bienveillante, dévouée et respectueuse. Est-ce que son histoire deviendra rose bonbon pour autant ? Pas du tout.

Le meilleur ami d’Arabella, l’instructeur d’aérobie Kwame, subit une attaque de la part d’un homme rencontré sur Grindr. Kwame dénonce aussi son agresseur, mais tombe sur un enquêteur maladroit et pas du tout outillé pour traiter ce type de dossier délicat.

Malgré ses thèmes lourds, I May Destroy You intègre beaucoup d’humour dans ses intrigues, notamment grâce à la personnalité pétillante de l’héroïne. C’est habilement tricoté.

À la fin du troisième épisode, vous verrez une séquence rarement montrée à la télévision généraliste, je crois. Arabella a ses règles et en informe son partenaire d’une nuit. Aucun problème, dit l’amant, en lui retirant son tampon ensanglanté et en le déposant sur la table de nuit. Je ne divulgâche pas la suite.

Peu de temps avant, Arabella dansait dans une boîte de nuit, et les ailes de sa serviette hygiénique dépassaient de ses sous-vêtements. Oui, Arabella portait une double protection.

Comme Phœbe Waller-Bridge pour Fleabag, Michaela Coel écrit, coréalise et coproduit I May Destroy You, en plus d’y jouer. Elle y raconte quasiment sa propre vie de jeune adulte fauchée catapultée à vedette des réseaux sociaux.

Arabella sombre doucement dans le virtuel, en y puisant du réconfort et de la validation, au détriment de ses amis, bien réels. Situation très 2020.

I May Destroy You s’élève au-dessus des clichés. Femme noire, Arabella pense qu’avoir une éditrice noire sera un atout pour sa carrière. Erreur. Les alliés ont des couleurs de peau différentes ici.

La bonne copine d’Arabella, Terry, aspirante actrice, en découdra également avec des stéréotypes associés aux femmes noires. L’épisode sur les cheveux crépus est super éclairant, comme celui dans la première saison de This Is Us, où Rebecca (Mandy Moore) apprenait à s’occuper de la tête de son jeune fils Randall.

Une trame sonore irrésistible et éclectique ponctue les épisodes, rythmés par Rosalia, Daft Punk, Little Simz, Janelle Monáe et une tonne d’artistes émergents de la scène rap.

À voir et à entendre. Maintenant.