Quinze minutes. Pas une seconde de plus. Et pas question de tricher ou d’ajouter du temps au compteur.

À partir du mercredi 15 juillet, si la situation de la COVID-19 demeure sous contrôle au Québec, la Santé publique permettra aux comédiens de jouer des scènes à moins d’un mètre de distance les uns des autres, pour un maximum de 15 minutes par jour.

Quinze minutes. Cela semble court, mais cet assouplissement sauvera du naufrage les séries de fiction de la saison 2020-2021, croient les deux producteurs qui ont négocié ces allégements avec le gouvernement de François Legault, Guillaume Lespérance et Alexis Durand-Brault. L’actrice, scénariste et productrice Sophie Lorain a également participé à ces discussions pendant les dernières semaines.

Autre changement notable : la distance de deux mètres exigée actuellement sur les plateaux raccourcira à un mètre dans les zones (ou bulles) où travailleront toujours les mêmes équipes, sans masque ni visière de protection.

« À deux mètres, c’était impossible pour 80 % des séries de reprendre leurs tournages. À un mètre, la plupart des productions vont pouvoir repartir », note le producteur Guillaume Lespérance (Tout le monde en parle, Bonsoir bonsoir ! et Discussions avec mes parents).

Alexis Durand-Brault, qui a réalisé les téléséries Au secours de Béatrice et Les invisibles, ajoute :

À un mètre de distance, on peut tourner des scènes en voiture, des soupers de groupe et même deux personnes couchées dans un lit.

Alexis Durand-Brault

Par contre, la Santé publique interdit encore toutes les séquences impliquant des « contacts intimes » entre les acteurs. Pas de baiser ni de relations sexuelles simulées, donc. Les accolades, les étreintes, les bagarres, la main sur l’épaule, les balades côte à côte et les arrestations seront autorisées, ce qui facilitera grandement la tâche des scénaristes et des réalisateurs.

PHOTO BERTRAND CALMEAU, FOURNIE PAR RADIO-CANADA

Le tournage de 5e rang a repris la semaine dernière, dans le respect des normes strictes de la Santé publique.

N’oublions pas que ces « transgressions » physiques en temps de pandémie dureront un maximum de 15 minutes par jour, par acteur. Évidemment, quelqu’un chronométrera tout ça et gardera le score pour empêcher les débordements. « En bas de 15 minutes, les risques de transmission du virus sont minimes », note Alexis Durand-Brault.

Ces mesures applicables aux séries et téléromans québécois ont été inspirées de protocoles présentement appliqués en Autriche, en Finlande, en Norvège, en Espagne et au Royaume-Uni.

La Santé publique a rejeté la proposition d’isoler les acteurs pendant 14 jours afin de leur permettre de ne plus respecter les règles de distanciation physique.

Cette stratégie trop « contraignante » aurait nécessité le confinement de toutes les personnes sur le plateau, ce qui aurait été peu acceptable dans le contexte québécois, notamment en ce qui a trait aux normes du travail, peut-on lire dans une directive gouvernementale transmise aux producteurs de télé, vendredi après-midi.

Et les tests quotidiens de COVID-19 pour tous les acteurs et techniciens de plateau ? Alexis Durand-Brault, qui prépare la série Sortez-moi de moi pour le service Crave de Bell Média, avait négocié avec un laboratoire de Terrebonne pour l’achat de tests à 230 $ l’unité. « Seulement pour une de mes productions, j’avais pour 150 000 $ de tests », indique Alexis Durand-Brault.

Toutefois, cette « stratégie très musclée de testing nous est apparue très intrusive et très intense du côté des ressources pour les tests », selon la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST).

De plus, le test de la COVID-19 a un taux « non négligeable de faux négatifs et ne reflète la réalité qu’au moment où le test est fait », indique la CNESST.

Donc, pas de tests pour les équipes de télé et pas de séjour confiné dans un hôtel du groupe Germain pour les comédiens principaux de Discussions avec mes parents. « À un mètre, je peux quand même tourner Discussions avec mes parents », assure le producteur Guillaume Lespérance.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Jay Du Temple, animateur d’Occupation double

Maintenant, que se passera-t-il avec Occupation double : chez nous de la chaîne V, qui misait sur le confinement de ses célibataires pour « légaliser » les rapprochements ?

La téléréalité produite par Julie Snyder tombe dans une zone floue. Ses « personnages principaux », recrutés par des auditions publiques, ne sont pas des membres de l’Union des artistes, le syndicat présidé par Sophie Prégent. Les techniciens font cependant partie de diverses associations professionnelles.

Lundi en fin d’après-midi, l’équipe d’Occupation double : chez nous se disait optimiste de trouver une solution qui satisfera la Santé publique, tout en assurant la sécurité de tous ses employés. Comme le dirait Jay Du Temple : la bisbille, on la veut à l’écran, pas en coulisse !