Perdre lentement la carte. Sombrer dans la folie. Se détacher de la réalité.

Confidence, ici : il s’agit de ma plus grande crainte. Que ma tête parte en vrille, que les fils se touchent, que les bouffées d’anxiété ne s’évaporent plus jamais et que la destination finale ressemble à une grande chambre blanche dans l’aile psychiatrique d’un hôpital.

C’est effrayant et c’est exactement ce que montre, avec acuité et sensibilité, la chavirante minisérie Mon fils, d’Anne Boyer et Michel d’Astous (L’heure bleue), offerte depuis jeudi sur le Club illico de Vidéotron. Une œuvre télévisuelle de calibre A, percutante et déchirante.

Oui, c’est très difficile à regarder. Car Mon fils confirme une autre appréhension : les maladies mentales graves ne discriminent pas en fonction du statut social ou du niveau d’instruction. Elles frappent dans les familles plus aimantes, sans antécédents en la matière. Rien pour nous rassurer.

PHOTO FOURNIE PAR LE CLUB ILLICO

Antoine L’Écuyer et Élise Guilbault dans Mon fils

Heureusement, cette minisérie de six épisodes n’a pas été écrite pour effrayer bêtement les téléspectateurs. La schizophrénie du personnage principal apparaît graduellement, avec des périodes d’accalmie, des rechutes, puis une remontée. C’est hyper crédible.

Le fils au cœur de l’histoire, c’est Jacob Fortin, 18 ans, interprété par Antoine L’Écuyer (Jérémie) dans son rôle le plus marquant jusqu’à présent. Il est bouleversant et très juste dans les scènes de crise.

Jamais on ne sent la caricature ou l’excès dans sa performance, bien calibrée. Ça sent les prix Gémeaux à plein nez pour ce jeune acteur, qui a beaucoup tourné au cinéma, dont dans C’est pas moi, je le jure !, de Philippe Falardeau.

Élevé dans un milieu bourgeois, Jacob est quelqu’un à qui tout réussit. Le handball, le cégep et les filles, jusqu’au jour où sa copine des trois dernières années le largue. En peine d’amour, Jacob vit un épisode dépressif, qu’il engourdit avec du pot et de la vodka. Mauvaise idée. Cette combinaison déclenche son premier épisode psychotique.

Débordée au boulot, Marielle (excellente Élise Guilbault) constate que son fils s’isole, mais croit que c’est la rupture qui explique les sautes d’humeur de son aîné.

Là où Mon fils épate le plus, c’est dans la progression, sous nos yeux, de la maladie sournoise de Jacob, pas encore diagnostiquée. Il pète les plombs. Il s’isole et consomme davantage. Ses notes dégringolent. Il entend des voix, d’abord douces, puis des cris de loup. Et le hamster dans sa tête n’arrête jamais.

Vraiment, la détresse lui sort par tous les pores de la peau. Quand il implore : « Qu’est-ce qui m’arrive, maman ? », le cœur veut nous fendre en deux.

Mon fils s’attarde aussi aux impacts de la schizophrénie sur le noyau familial. La mère, dans le déni, mais quand même vigilante, pense que les hallucinations de Jacob découlent de sa consommation de drogue. Ça va passer, essaie-t-elle de se convaincre. Réussira-t-elle à faire le deuil de son fils d’avant ?

En parallèle, Laurence (Émilie Bierre), la jeune sœur de Jacob, rétablit les ponts avec son père (Patrice Godin), de retour de San Diego après deux ans d’absence. L’état de santé de Jacob chamboulera évidemment l’équilibre précaire de ce clan éclaté.

Vous lisez ces lignes et pensez sûrement : non merci, le sujet est trop lourd, désolé. Je le répète : non, il ne s’agit pas d’une série facile, qui se dévore en une soirée de gavage, bing, bang, merci bonsoir.

Mon fils nous brasse, nous confronte et nous demande des pauses. Mais ça sert aussi à ça, la télévision.

Je préfère tellement que TVA et Club illico investissent dans une production poignante comme Mon fils, plutôt que nous offrir des trucs bâclés comme Le jeu ou Fugueuse 2.

La réalisatrice Mariloup Wolfe (Ruptures, Hubert et Fanny) a l’œil pour les détails qui bonifient une émission. Les décors qu’elle filme ont l’air habités, avec du linge sale par terre, de la nourriture sur la table, du café dans les tasses. Trop souvent, les téléromans se déroulent dans des maisons vides, sans aucune trace d’activité humaine. Et ça mine la véracité du récit.

En terminant, une correction. Dans ma chronique de jeudi, j’ai écrit que Catherine Renaud jouait la mère du petit Marcelin dans Épidémie à TVA. Erreur.

J’avais probablement fumé du pot trop fort de Marie-Jeanne dans 5e Rang. Il s’agit, bien sûr, de la rousse Catherine Bérubé, qui a été super bonne en plus. Mille excuses !