C’était il y a 25 ans. Un 2 1/2 ne coûtait pas 1400 $ dans le Mile End, Pascale Bussières se baladait en patins à roues alignées dans le film Eldorado et Télé-Québec relayait la première vraie téléréalité québécoise, Pignon sur rue.

Les pignons — c’était le petit surnom des colocs — habitaient dans un immense loft décoré par Michel Robidas, dans le Village gai. La mode des murs de couleur vive défigurait alors tous les appartements du Plateau Mont-Royal. Rouge, mauve, orange, mal de cœur.

Les Chrystian, Mélanie-Audrey et Danny de Pignon sur rue étaient, en quelque sorte, les Trudy, Claudie et Kiari de leur époque.

Anecdote : je connais personnellement deux ex-candidates de la deuxième saison de Pignon sur rue, qui travaillent aujourd’hui dans le monde de la télévision (salut Rosalie l’idéaliste, allô Valérie la rebelle). Fin du potinage.

PHOTO FOURNIE PAR CLUB ILLICO

Les cinq colocs de L’appartement

Comme dans Pignon sur rue, la docuréalité L’appartement du Club illico paie le loyer et les factures de ses cinq participants. Comme dans Pignon sur rue, les cinq colocs de L’appartement proviennent des régions et s’installent en ville pour réaliser leurs rêves.

Si Pignon sur rue s’approchait du documentaire classique, L’appartement calque le mode narratif des séries de fiction plus léchées. Résultat : on sent davantage l’écriture derrière certaines scènes de L’appartement.

Le premier épisode — sur un total de 10 — manque de naturel et les colocataires s’accrochent dans des répliques qui ont été plaquées pour expliquer l’histoire aux téléspectateurs. Toi, Thomas du Nouveau-Brunswick, tu fais quoi aujourd’hui ? Ah, j’ai une audition au bar Le Jockey, parce que je veux devenir humoriste. Wow, c’est super ça !

Ça se tasse à partir du troisième épisode, où les échanges deviennent plus fluides. Cela dit, les cinq colocataires vingtenaires de L’appartement ont bien été sélectionnés. Pierre-Alexandre, de Lévis, subira une vaginoplastie d’ici un an pour compléter sa transition en femme. La caméra le suit dans ses séances de psychothérapie et ses rendez-vous chez le médecin. Comme Khate Lessard, Pierre-Alexandre démystifie les démarches, peu connues du grand public, d’un changement de sexe.

Sarah-Maude, de Magog, souhaite percer dans le monde du mannequinat, Shadlyne, de Saint-Jean-sur-Richelieu, travaille comme accessoiriste sur un plateau de cinéma et Loïc, de Granby, exploite une petite entreprise de production vidéo.

J’ai vu la moitié de la série et, pour une téléréalité, elle manque de piquant. Oui, c’est amusant de voir ces jeunes découvrir Montréal, prendre le métro pour la première fois et râler contre les odeurs pestilentielles de la métropole. Mais ça ne crée pas de rebondissements.

C’est une conséquence de l’effet OD, qui nous a habitués à des disputes, des triangles amoureux et de la bisbille. Pour le moment, ça demeure très tranquille à L’appartement. Au moins, c’est beau et c’est propre, propre !

Les chats de Magnotta

PHOTO FOURNIE PAR NETFLIX

Deanna Thompson dans le documentaire Don’t Fuck with Cats

Dans Occupation double, on ne touchait pas à Polina, OK ? Sur le web, on ne niaise pas avec les chats, d’accord ?

La minisérie documentaire Don’t Fuck with Cats de Netflix se bouffe sans cligner des yeux. Trois épisodes d’une heure et on est rassasié.

Ne hurlez pas tout de suite : non, il ne s’agit pas d’une reconstitution du meurtre/démembrement abominable commis en 2012 par Luka Rocco Magnotta dans un appartement délabré, en bordure de l’autoroute Décarie.

Don’t Fuck with Cats, offert en anglais et en français, s’attarde plutôt à un groupe de geeks qui ont traqué Magnotta avant qu’il n’attaque l’étudiant chinois Lin Jun.

Quelques années avant ce crime d’une atrocité sans nom, Luka Rocco Magnotta torturait des chatons, les tuait et publiait des vidéos de ses « exploits » sur YouTube.

À Las Vegas et à Los Angeles, Deanna Thompson et John Green, qui ne se connaissaient pas, ont décidé de traquer ce détraqué. Pendant des milliers d’heures, ils ont analysé les vidéos de chats martyrisés dans le microdétail : les prises de courant dans la chambre du maniaque, les affiches sur les murs, le modèle de l’aspirateur en arrière-plan, le Petro-Canada dans un égoportrait de Magnotta, etc.

Grâce à Google Maps, Deanna et John ont même repéré Magnotta au Canada et alerté les policiers de Toronto. Mais personne n’a pris au sérieux ces deux justiciers de l’internet, aux méthodes pourtant hyper rigoureuses.

On visionne cette minisérie captivante, dont le deuxième épisode se déroule entièrement à Montréal, et on ne peut que se demander : Lin Jun serait-il encore vivant si les enquêteurs avaient écouté ces deux détectives amateurs ? La réponse m’enrage encore.