La force du personnage de Fanny dans Fugueuse et sa popularité auprès des jeunes filles a fait de son interprète une porte-parole de choix pour défendre la cause de la lutte contre l’exploitation sexuelle. Le fait que Ludivine Reding est montée sur scène avec le rappeur controversé Enima, dimanche dernier, remet-il en question son implication bénévole pour la cause ? Les avis sont partagés.

« C’est toujours décevant de voir ce genre de nouvelles, surtout que depuis plusieurs années, on mène une offensive pour contrer l’exploitation sexuelle des femmes », se désole Pina Arcamone, directrice générale d’Enfants-Retour Québec, pour qui la comédienne de 22 ans est ambassadrice depuis février 2018.

Regardez une vidéo de Ludivine Reding avec Enima (YouTube)

Avec la popularité instantanée de Fugueuse, l’hiver dernier, l’organisme a vu en l’interprète principale de la série une porte-parole idéale du programme AIMER, qui vise à contrer l’exploitation sexuelle des jeunes. Rôle qu’elle assure depuis, bien qu’Enfants-Retour n’ait pas eu de contact direct avec la comédienne depuis 11 mois, en raison de « son horaire très chargé », explique-t-on. Or, les événements de dimanche soir pourraient porter ombrage à cette collaboration.

« On a une réunion du conseil d’administration la semaine prochaine, et j’imagine que cette question sera soulevée et que le C.A. décidera de la suite des choses. » — Pina Arcamone, directrice générale d’Enfants-Retour Québec  

Mme Arcamone perçoit en l’événement de dimanche un « manque de jugement ».

« Il est évident que des questions seront posées. Surtout quand on représente un programme, il doit y avoir de la cohérence. Elle est ambassadrice non seulement du Réseau Enfants-Retour, mais du programme pour contrer l’exploitation sexuelle », souligne Pina Arcamone.

« Victime de sa notoriété »

Au Service de police de l’agglomération de Longueuil (SPAL), avec qui Ludivine Reding collabore occasionnellement, on refuse de lui jeter la pierre.

« Je pense qu’elle est beaucoup plus victime de sa notoriété dans tout ça que de tout le reste. Ça demeure une excellente porte-parole, […] elle se rend disponible, et justement, ça se peut qu’elle en soit victime », avance Ghislain Allard, porte-parole du SPAL, convaincu que la jeune femme ne connaissait pas le passé de l’artiste de street rap, sans quoi « elle ne serait pas montée sur scène à ses côtés », croit-il.

PHOTO TIRÉE DE FACEBOOK

Ludivine Reding, lors de sa nuit de patrouille avec le Service de police de l’agglomération de Longueuil, au début d’avril

Il y a deux semaines, le SPAL annonçait sa collaboration avec Ludivine Reding, Patrice Michaud et l’Orchestre symphonique de Longueuil pour un concert-bénéfice le 7 juin prochain. L’objectif : sensibiliser la population à la lutte contre l’exploitation sexuelle. Au début d’avril, la jeune femme a effectué une patrouille avec des agents dans le cadre du projet MOBILIS, qui se consacre à la lutte contre la prostitution juvénile sur le territoire de l’agglomération de Longueuil. La jeune femme refuse d’empocher un cachet, qu’elle préfère voir remis à la cause.

« On considère qu’elle demeure la même personne capable d’en parler mieux que bien des gens au Québec », soutient l’agent Allard.

« Une erreur »

Dimanche, dans le cadre du Festival Metro Metro de Montréal, Ludivine Reding est montée sur scène pendant une prestation du rappeur controversé Enima, allant le rejoindre, bouteille de champagne à la main. Plusieurs photos des deux artistes ensemble à l’arrière-scène ont aussi été publiées sur internet. Le rappeur a déjà interpellé Ludivine Reding et son personnage Fanny, notamment en lui demandant de participer à un de ses vidéoclips. 

Regardez un GIF publié par Enima

Le rappeur, de son vrai nom Samir Slimani, a été accusé devant la cour criminelle ontarienne en 2017 d’une série de crimes liés à la traite de personne et au proxénétisme. Au-delà de ces accusations qui sont tombées l’année suivante, Enima — dont les vidéos cumulent des centaines de milliers de visionnements sur YouTube — est reconnu pour les paroles de ses chansons faisant l’éloge de l’argent facile et de la domination des femmes.

Dans un message publié sur ses médias sociaux au lendemain des événements intitulé « Leçon de vie », la comédienne s’est excusée pour son « erreur » et admet qu’elle « aurait dû réfléchir davantage et être plus vigilante ». La Presse a tenté à maintes reprises de la joindre pour obtenir sa version du déroulement des événements, sans succès. Nathalie Goodwin de l’Agence Goodwin, qui représente la jeune artiste, a réitéré que, mis à part son message Facebook, Ludivine Reding ne ferait aucun autre commentaire.

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