Qu'est-ce qu'un «mononcle»? C'est la question à laquelle tente de répondre un documentaire réalisé par Yves P. Pelletier et porté par Fabien Cloutier. En misant sur une approche ludique, Mononcle, présenté ce soir à Télé-Québec, ferme toutefois les yeux sur des évidences.

Tout commence par une anecdote: un jour, alors qu'il jasait - un peu fort, admet-il - dans une quincaillerie, Fabien Cloutier s'est fait traiter de «mononcle». Ça l'a un peu vexé. «On connaît tous les défauts du mononcle: il est passéiste, il est pris dans ses affaires, il fait des blagues déplacées, il est un peu kétaine», énumère l'acteur, humoriste et dramaturge. Il n'a pas l'impression d'en être un, mononcle. Surtout pas de ce genre-là.

«Ce qui heurte, c'est que ce soit utilisé comme une insulte. C'est ça le moteur du documentaire : pourquoi on a en tête que de se faire traiter de mononcle, c'est insultant?»

Devant la caméra d'Yves P. Pelletier, suivant un scénario de Hugues Bélanger (qui a collaboré à plusieurs émissions humoristiques), l'acteur se lance dans une enquête aux contours vaguement anthropologiques pour mieux cerner ce stéréotype, scruter ses bons et, un peu, ses mauvais côtés.

Mononcle ou mononcle?

Parti à la chasse aux mononcles, Fabien Cloutier va à la rencontre de cinq spécimens potentiels : un professeur de danse sociale, le propriétaire d'un (gros) garage, un exploitant de pourvoirie, un patenteux et un agriculteur réputé pour ses blagues dans les partys de famille. Passant d'un mononcle présumé à l'autre, il montre surtout en quoi ils n'en sont pas vraiment. En suivant cette piste, le documentaire en brouille d'autres : il entretient notamment la confusion entre cet oncle qu'on désigne sans arrière-pensée par le québécisme mononcle et ces hommes aux comportements douteux à qui on accole péjorativement cette étiquette.

Ce n'est pourtant pas nouveau: comme le souligne un vox pop réalisé dans le cadre du documentaire, plusieurs femmes de divers âges associent spontanément le mot mononcle à des commentaires et des gestes déplacés que, comme chacun sait, leurs auteurs tentent de faire passer pour de l'humour. 

Cette association a de plus été renforcée depuis la vague #moiaussi à la faveur de laquelle de très nombreuses femmes ont notamment témoigné du sexisme et des allusions malaisantes ou carrément agressantes auxquelles elles doivent faire face.

Le documentaire d'Yves P. Pelletier passe presque sous silence cette évidence. Il l'effleure, sans jamais l'aborder de front. «Loin de moi l'idée de taire la nécessité de parler des comportements répréhensibles et tout ça. Là, on se questionnait sur autre chose», se défend Fabien Cloutier.

«Un documentaire ludique»

Le fait que le tournage ait eu lieu avant le début du mouvement #moiaussi explique en partie ce silence, selon l'acteur, qui croit qu'on ne doit surtout pas voir ce film comme une réponse à cette vague de dénonciations. «C'est un documentaire ludique», dit-il. 

«Si on avait décidé de creuser l'idée du mononcle cochon, il y aurait eu un paquet d'affaires à faire. C'est justement ce qui nous est raconté depuis longtemps. Je pense qu'on pouvait faire un détour d'un autre côté cette fois-là.»

Fabien Cloutier estime en outre que si le documentaire cherche à déconstruire une certaine image du mononcle, il devait éviter de donner l'impression de vouloir réhabiliter ce mononcle libidineux. «Ce n'est pas un sujet que tu traites avec la légèreté qu'a ce documentaire-là, ajoute-t-il, précisant que le ton faisait partie de la commande. S'il avait fallu faire une réponse à [#metoo], c'est un journaliste qui aurait fait la job, pas moi.»

Mononcle, ce soir, 20 h, à Télé-Québec.