À Gilead, on crève les yeux des femmes trop comiques, on excise celles qui aiment d’autres femmes et on tranche les doigts des curieuses qui osent lire des livres.

Dans les plus récents épisodes du troisième chapitre de La Servante écarlate (The Handmaid’s Tale), soit le sixième et le septième, on a vu une nouvelle forme de torture dirigée spécialement envers les citoyennes trop bavardes. L’alerte au divulgâcheur hurle ici comme Tante Lydia le jour d’une exécution publique.

On leur coud maintenant la bouche avec des anneaux métalliques et on les force à porter une muselière rouge, qui leur dévore la moitié du visage.

Pendant que ses consœurs périssent au bout de la corde, « par sa main », notre héroïne June (Elisabeth Moss) défie de puissants commandants, bavasse avec des diplomates suisses et envoie paître Serena Joy, une des architectes de cette république théocratique oppressante.

June a également kidnappé la petite Nichole, tenté de fuir au Canada, fugué dans un manoir (mais pas celui de Coors Light) et entretenu une liaison illicite avec un chauffeur.

La façon dont la brave June a réussi à échapper aux colonies, aux mutilations ou à la lapidation ne tient pas la route. 

J’adore La Servante écarlate, mais cette troisième saison, même si elle s’améliore de semaine en semaine, manque encore de cohérence.

Prenez le commandant Fred Waterford. Il a été démis d’importantes fonctions après le fiasco de la double évasion de June et de bébé Nichole. Puis, à Washington, le commandant George Winslow, très haut placé dans l’État théocratique, l’accueille à bras ouverts — très, très ouverts, même — dans son château et lui fait même miroiter une promotion. Comme la brave June, Fred est imperméable aux punitions. Sa maison brûle, sa femme le plaque, sa fille unique passe au Nord et hop, il grimpe les échelons.

Plusieurs trous ponctuent ce récit dystopique. Comment la communauté internationale réagit-elle au traitement qu’inflige Gilead à ses citoyens ? Aucun pays n’intervient pour libérer ces esclaves sexuelles vêtues de rouge ? Ce serait bien d’élargir la lunette par laquelle nous épions cette société totalitaire.

Que se passe-t-il dans les colonies ? Et le reste des États-Unis qui a résisté au régime ultrareligieux, il n’essaie pas de renverser la dictature de Gilead ?

Le comportement erratique de Tante Lydia pose aussi problème. Dans une scène, elle pleure devant June qui s’émeut des servantes de Washington dont on a scellé les lèvres de façon permanente. Le lendemain, boum, Tante Lydia est super fringante et excitée à l’idée de pendre des femmes, dont une, Martha, qui a trop parlé dans une épicerie vide. Rien ne tombe sous le sens.

Autre truc qui cloche ? Le commandant Fred Waterford demandant des conseils matrimoniaux à June, qui sert ensuite d’intermédiaire entre les époux aliénés. Voyons donc. Le tout en grillant une longue cigarette près de la piscine intérieure. Ne manquait que le scotch sur glace.

Cette valse compliquée d’attraction et de répulsion entre Serena et June a assez duré. On s’aide, on se poignarde dans le dos, on se comprend, on se ment, c’est lassant. Bien hâte également d’en savoir davantage sur l’énigmatique commandant Joseph Lawrence, dont on ne connaît pas les véritables intentions. Et pourquoi June ne participe-t-elle pas à des cérémonies avec le nouveau commandant et son épouse neurasthénique Eleanor ? Mystère.

Cette troisième saison divise les fans. Il y a les admirateurs dévoués, dont la foi en cette télésérie n’a pas fléchi depuis la première formation au Centre rouge de Rachel et Leah. Et il y a ceux, comme moi, qui se demandent où l’intrigue se dirige (à part vers Toronto et le Canada).

À ce sujet, le déplacement de l’action principale de Boston vers Washington a insufflé de l’air frais à la série, qui avait besoin de sortir de son carcan répétitif. Les scènes de l’esplanade nationale ont été magnifiques, comme le reste des images. S’il y a une constante depuis le tout premier épisode de La Servante écarlate, c’est la beauté de la direction artistique. Vraiment, c’est superbe.

Si je râle autant, c’est que cette série a été tellement épatante que c’est décevant de voir autant de potentiel gaspillé.

Vous pouvez regarder La Servante écarlate sur le Club illico de Vidéotron. En anglais, l’émission se trouve sur le service Crave de Bell Média ou en s’abonnant à la chaîne câblée Bravo.

Ce serait bien dommage que ce fruit béni devienne pourri, sous son œil moins vigilant.