«Vous êtes sûr, sûr que vous allez être là?» Au bout du fil, Carole, de l'agence Public Cible, s'assure qu'on ne lui posera pas de lapin pour assister au tournage des Dieux de la danse.

Normal: l'auditoire pour des émissions tournées devant public est aussi fondamental que la neige pour une station de ski.

Le soir de l'enregistrement de l'émission - qui sera diffusée pendant l'hiver -, environ 250 personnes attendent devant le studio 42, au rez-de-chaussée de la grande tour de Radio-Canada. À part une classe d'une école secondaire privée de Varennes, les spectateurs de la demi-finale sont assez âgés.

Une file d'attente VIP (dont des proches des artistes) mène aux places à l'avant; dans l'autre file, c'est premier arrivé, premier servi. «C'est la première fois que je viens, mais j'écoute religieusement l'émission. J'ai hâte de découvrir qui sont les artistes!» s'enthousiasme une dame d'un groupe de l'âge d'or venu de Saint-Calixte.

Le studio 42 est clinquant. Les gens prennent place dans les fauteuils confortables des gradins. Jocelyn Laliberté, l'animateur de foule, leur demande de se lever pour danser sur des tubes à la mode.

On est aux Dieux de la danse, après tout.

Un jeune émule de Michael Jackson y va même d'un moonwalk. Après, on enregistre les applaudissements - les «applau», dans le jargon - de tous les angles possibles. On accueille ensuite chaleureusement les juges Serge Denoncourt, Chantal Lamarre et Nico Archambault, suivis de l'animateur Jean-Philippe Wauthier. Ce dernier distribue quelques blagues, pendant qu'une armée de maquilleuses retouche tous les membres UDA présents.

Les numéros de danse défilent. Après le tournage, la salle se vide rapidement, malgré la présence de quelques artistes disponibles pour prendre des photos. Le studio doit être démonté avant le lendemain matin. L'équipe de Tout le monde en parle prendra le relais.

De La fureur à aujourd'hui

Derrière l'expérience des enregistrements devant public, il y a des agences qui travaillent d'arrache-pied pour recruter des auditoires. La clé pour y parvenir: les participants doivent y vivre une belle expérience. «Ils ne sont pas payés pour être là. On se bat un peu pour défendre la cause du public», explique Marie-Eve Pigeon, patronne du Pigeonnier tv, qui existe depuis 17 ans.

«Pour certaines productions, le public est vraiment accessoire et c'est malaisant. Il nous arrive de refuser des shows si on considère que les conditions ne sont pas gagnantes.»

Ces émissions constituent néanmoins une minorité, selon elle.

Les émissions tournées devant public pullulent depuis que La fureur a mis de l'avant la participation de l'auditoire, dans les années 90. «Je travaillais dans un bar et les producteurs de l'émission venaient recruter chaque semaine 20 gars et 20 filles», raconte Caroline Tremblay, à la tête d'une autre agence, Public Cible, depuis 2005.

Aujourd'hui, les enregistrements se tiennent à différents moments de la journée, une façon d'aller chercher des gens de tous les âges. «L'émission de Marina Orsini n'attire pas le même public que Deux hommes en or», explique Caroline Tremblay.

Parlant de Marina Orsini, nous avons essayé d'assister à l'enregistrement de son émission dès septembre, mais c'était complet jusqu'en décembre. L'engouement est également fort pour Éric Salvail - dont le passé d'animateur de foule le rend sensible au public - et n'importe quel projet de Véronique Cloutier. «Ils font déplacer les foules», observe Mme Tremblay.

Ginette Calamatas, croisée dans l'auditoire de Deux hommes en or, fait partie d'un quatuor d'amis habitués aux tournages d'émissions. Elle carbure aux enregistrements. «L'arbitre, Les enfants de la télé, Pénélope, Le tricheur, Marina: c'est pratiquement une job à plein temps! Mais ça prend de la patience», confie cette retraitée.

«Ç'a été ma thérapie pour passer à travers une retraite forcée», explique son ami Pierre Larocque, qu'elle a rencontré sur le plateau des Échangistes.

Si les émissions comptent leur lot d'habitués, Marie-Eve Pigeon signale qu'ils ne constituent pas nécessairement la crème recherchée.

Parce que oui, le fait de placer les plus beaux spécimens au premier plan est une réalité. «Ça m'énerve, la mode des plateaux à la française avec le monde derrière, comme Tout le monde en parle. À cause de ça, on n'a pas le choix de faire une sélection», admet-elle.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Diffusée de 1998 à 2007 à Radio-Canada, La fureur favorisait la participation du public.