Goulmira Joumagoulova pèse 125 kilos. Cette jeune femme kazakhe participe à un camp pour obèses dans une téléréalité qui fascine les téléspectateurs du Kazakhstan, un pays qui avec la chute de l'URSS et l'indépendance a découvert l'obésité.

Son petit ami l'a quittée alors qu'elle était enceinte. «Il m'a dit: «Je ne pourrai jamais te présenter à ma famille. Comment pourrais-tu même enfiler une robe de mariage?»», a raconté à l'antenne cette femme de 28 ans, candidate avec quinze autres à la seconde saison de House of Scales, diffusée au Kazakhstan par la chaîne russe 31.kz.

Leur objectif: perdre 500 kilos, toutes balances confondues. Les candidats doivent également veiller à ne pas être évincés chaque semaine par le vote du public, afin de rester le dernier dans la maison et gagner 350 000 $.

Suivis par un psychologue et un entraîneur, les participants ont la vingtaine, parfois la trentaine. Ils représentent la première génération à avoir grandi au Kazakhstan après la chute de l'URSS.

La télévision kazakhe n'est pas la première à proposer une émission de téléréalité sur les problèmes de poids, les États-Unis et les pays européens ayant des programmes similaires. Mais au Kazakhstan, une telle émission illustre la vitesse avec laquelle la société kazakhe s'est éloignée du mode de vie héritée de l'époque soviétique.

Dans ce pays d'Asie centrale, les fast-foods américains ont vite remplacé les cafétérias soviétiques et fait tomber en désuétude le beshbarmak, le plat national composé de viande de cheval et de nouilles, auprès des Kazakhs qui vivent en ville.

Avec de graves conséquences sanitaires: 23,4% de la population adulte souffre d'obésité, selon des données recueillies en 2014 par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS).

Le Kazakhstan, qui a connu une croissance économique fulgurante grâce à ses ressources en hydrocarbures, se place en termes d'obésité au 4e rang des anciennes républiques soviétiques, derrière la Lituanie (où 25,9% de la population est concernée), la Russie (24,1%) et la Lettonie (23,7%).

«Pendant l'époque communiste, la plupart des aliments très caloriques n'étaient tout simplement pas disponibles», raconte Batirbek Taïjanov, qui a gagné la dernière saison de House of Scales, passant de 178 kg à 129 kg.

«Aujourd'hui, on court toujours partout, sans penser à ce qu'on ingurgite: un burger avec beaucoup de calories ou une canette de coca-cola qui contient beaucoup de sucre», remarque celui qui a rencontré sa femme au cours de l'émission.

Des tentations permanentes

L'émission a séduit les téléspectateurs kazakhs mais a aussi suscité des critiques, notamment de diététiciens.

L'Académie de la diététique a ainsi déclaré à l'AFP que House of Scales n'était «pas en phase avec l'approche moderne de traitement de l'obésité, que ce soit d'un point de vue scientifique ou éthique».

Pendant la première saison, les candidats étaient confrontés à la tentation permanente de bonbons et de friandises et devaient suivre d'intenses exercices physiques quotidiens.

Beaucoup de candidats avaient fini par perdre pied, observés par leurs familles et amis à travers les murs vitrés qui entourent House of Scales.

Sourde aux critiques, la chaîne 31.kz a promis une deuxième saison «plus réaliste, plus dure et plus intéressante», sa productrice Azel Toïanova estimant que l'émission permet «aux gens de changer de vie».

«Beaucoup de participants ont des problèmes dans leur vie personnelle qui les ont conduit à grossir ou qui sont la cause de cette prise de poids», affirme-t-elle à l'AFP. «Notre émission a permis aux gens de parler de ce problème et d'y trouver une solution».

À l'antenne, Goulmira renchérit: «Je sens bien que je suis une limite au bonheur de mon fils. Je ne peux pas grimper dans les montagnes russes des parcs d'attraction car je ne peux pas me serrer dans leurs sièges», dit-elle.

Batirbek Taïjanov estime que l'émission a changé sa vie: «Je lui dois beaucoup. J'ai gagné beaucoup d'argent, j'ai rencontré la femme de ma vie, je pèse à peine plus de 100 kg et j'ai pour but de descendre à 80 kg», dit-il à l'AFP.