Sous des tonnerres d'applaudissements et dans les rires, l'humoriste américain Jon Stewart a dit adieu jeudi soir à l'émission satirique du Daily Show, où il s'était imposé durant 16 ans comme le roi de la satire politique et médiatique.

Ironie de l'histoire, celui qui a changé le regard de millions d'Américains sur les médias et les hommes politiques est parti le jour même du premier débat républicain pour la présidentielle 2016, dont il se serait régalé.

Bruce Springsteen avait fait le détour jusqu'à ses studios pour l'occasion, plusieurs célébrités avaient enregistré des vidéos d'adieu très brèves, dont Hillary Clinton, le secrétaire d'État John Kerry, le sénateur John McCain, ou encore l'animateur de Fox News Bill O'Reilly. Plusieurs anciens collaborateurs, lancés par le Daily Show, y ont aussi fait des apparitions, dont John Oliver et Stephen Colbert, qui a salué «un grand artiste et un homme bon», auquel, a-t-il dit, «nous devons beaucoup».

Un des comptes Twitter du président Obama lui a également rendu hommage en affirmant : «Vous avez été un immense cadeau pour ce pays».

Place unique

Impitoyable, drôle, résolument à gauche, il avait commencé à présenter le Daily Show sur Comedy Central en 1999, et s'était fait une place unique dans le paysage audiovisuel américain, force d'influence au carrefour de la politique, du journalisme et du divertissement.

Détesté par certains conservateurs, adulé par ses fans, dont certains étaient arrivés jeudi à 4h30 du matin pour assister à sa dernière émission, il faisait rire, mais aussi réfléchir.

Son Daily Show était une parodie de journal télévisé, décryptant au laser, quatre soirs par semaine, l'information du jour, mettant en pièces les déclarations des hommes politiques, soulignant avec humour les incohérences et l'hypocrisie. Il se moquait aussi avec jubilation des couvertures improbables des télévisions tout info, Fox News et CNN notamment.

Et il questionnait un invité quotidien, célébrité ou homme politique : parmi eux trois présidents américains - Jimmy Carter, Bill Clinton et Barack Obama-, mais aussi Hillary Clinton, Angelina Jolie, Michelle Obama ou la jeune Pakistanaise, prix Nobel de la Paix, Malala Yousafzai.

«Nous avons travaillé incroyablement dur et toutes les émissions n'ont pas été bien, mais nous avons tout donné, tout le temps», avait-il déclaré mercredi lors de son avant-dernière émission, avant de s'interroger sur son impact. «Le monde est clairement pire que quand j'ai commencé. Est-ce que j'ai causé ça ?», avait-il plaisanté.

Jon Stewart était regardé en moyenne par 1,3 million d'Américains par jour, des centaines de milliers d'autres le regardant sur internet, notamment des jeunes qui s'informaient grâce à son émission.

Certains voyaient en lui un repère dans les moments de crise. Après le 11-Septembre, incapable de contenir ses larmes, il avait demandé aux téléspectateurs «Est-ce que ça va»? avant d'ajouter: «Je veux vous dire pourquoi je pleure, mais aussi pourquoi je ne désespère pas».

Lors de la première élection de George W. Bush en 2000, il se régale du recomptage des voix, baptisé «Indécision 2000». Ses critiques répétées lors de la guerre en Irak alimentent les doutes de certains Américains.

En juin dernier, exceptionnellement grave, il avait dénoncé l'«attaque terroriste» dans une église noire de Charleston et fustigé le drapeau confédéré.

Ses invités politiques en prenaient régulièrement pour leur grade, y compris le président.

«Dans quelle équipe sommes-nous au Moyen-Orient? Qui bombardons-nous?» demande-t-il le 21 juillet à Barack Obama.

«Comment les États-Unis pouvaient-ils ne pas y être?», interroge-t-il aussi quand le président américain ne se rend pas à Paris pour la grande manifestation après le massacre de Charlie Hebdo.

Le Daily Show, qui a valu à Jon Stewart 22 Emmy Awards et deux Peabody Awards, et permis de lancer de nombreux talents, sera repris en septembre par le comédien sud-africain Trevor Noah. Il a fait une brève apparition jeudi soir, prenant les mesures de son futur espace.