Elle vient de passer cinq ans de sa vie sur la bande originale des deux versions des Invincibles, et quitte Paris pour enregistrer à Los Angeles son prochain album. En anglais. Avec deux titres en français.

Kim Bingham est une artiste qu'il faut suivre à la trace, en prenant des notes, si l'on veut comprendre le parcours sinueux de sa carrière. Elle est née à Montréal, de parents immigrés qui, aujourd'hui, vivent aux États-Unis. Elle parle naturellement anglais, parfaitement français, fort bien l'italien... et l'ukrainien par sa mère. Toujours par sa mère, elle a hérité de la nationalité polonaise, c'est-à-dire européenne. Ce qui facilite ses tribulations en Europe. Un vieux continent dont, étrangement, elle partage la passion suprême: le football, rebaptisé soccer dans la seule Amérique du Nord. À tel point que, partant de Los Angeles, elle ira en juin en Afrique du Sud pour le Mondial qui s'y déroulera de la mi-juin à la mi-juillet.

 

Elle a commencé au début des années 90 à chanter à Montréal comme membre de Me Mom&Morgentaler. Mais on la retrouvait un peu plus tard à Vancouver à la tête du groupe Mudgirl. En 1999, c'est le Kim Band. En 2006, nouvel avatar: elle est à Los Angeles et fonde le trio féminin Kamikaze Pilot. Ce qui n'empêche pas Me Mom&Morgentaler de reprendre du service et de sortir une nouvelle version «augmentée» de son album en 2007. Kim Bingham est une longue féline qui a déjà plusieurs vies à son actif.

Ces jours-ci, on la retrouve à Paris, où elle s'est installée l'automne dernier. Pour six mois. Avant de repartir au début d'avril pour Los Angeles, où elle entrera en studio pour enregistrer un album - son quatrième - sous la signature de Kamikaze Pilot. Un album en anglais, mais qui comptera deux chansons en français: «Mon projet, explique-t-elle en interview, consiste à sortir un single en français à Montréal et à Paris et en même temps un autre en anglais à Toronto. On verra ce que ça donne. Normalement, le disque devrait sortir en France sous l'étiquette EMI, qui vient d'éditer la bande originale des Invincibles.»

Car voilà le fin mot de l'histoire: si Kim Bingham a atterri à Paris il y a quelques mois, c'était pour terminer la bande-son des Invincibles, version française. «Au final, j'aurai passé la quasi-totalité des cinq dernières années à travailler sur la série. J'ai passé tout ce temps en immersion, dans ma coquille.»

Le travail a commencé en 2006 pour les trois saisons de la version québécoise. Mais, pour la version française commencée en 2008, il fallait une bande originale différente et adaptée à une scénarisation et un découpage entièrement nouveaux. Sans parler d'une sensibilité musicale différente. (La diffusion de la version française doit commencer au Québec le 30 mars sur TV5.)

Mystères de la vie moderne: c'est de chez elle, à Montréal, que Kim Bingham a composé la bande-son des deux premières saisons. Elle était venue à Paris pour se concerter avec les deux réalisateurs. Puis, elle est retournée dans sa coquille montréalaise: pendant un an et demi, la production française et elle se sont échangé les images et les sons et faisaient leurs vidéoconférences sur l'internet.

«Pour la troisième saison, dont j'ai terminé le son il y a quelques jours à peine, j'ai pensé que ce serait bien que je sois à Paris.» Elle a donc trouvé un appartement dans le quartier branché et «chaud» de Belleville et y a installé son studio mobile: «Le seul problème, quand j'enregistrais, c'était de guetter le passage des ambulances ou des pompiers. Pour le reste, le son est parfait, très professionnel.»

Particularité de l'opération: c'est Kim qui réalise la totalité du son, mis à part de courts extraits de «tubes» de Bowie ou des Cure. Elle fait elle-même des guitares et les voix, produit les autres instruments au synthétiseur. Un travail qui l'a passionnée, même si «cette vie monacale n'était pas trop compatible avec une carrière de chanteuse rock».

Relatif anonymat

On ne peut pas dire que la production française des Invincibles l'ait vraiment mise de l'avant. On cherche en vain son nom sur la pochette du CD qui vient de sortir, même si deux morceaux sont signés «Kim», sans autre mention. Mais qu'importe: «Mon travail est maintenant connu dans le milieu professionnel en France. En particulier chez EMI, où on a beaucoup apprécié ce que je faisais.» Les pros ont dû lire en effet les compliments glanés ici et là dans les médias: «Une bande originale vraiment pas mal», note Libération, fort sévère dans ce domaine. La série «renouvelle le monde de la fiction française, notamment avec une bande son très pop rock», écrit Le Figaro. «Quand l'ennui menace, la musique nous sauve», conclut Télérama. Malgré le relatif anonymat de sa contribution, Kim a ainsi droit à des hommages appuyés.

«C'est plutôt une bonne chose pour moi, plaisante-t-elle. Si, à Los Angeles, tous les producteurs ont de la curiosité pour la nouveauté et sont toujours prêts à vous accorder dix minutes, à Paris, il faut déjà être connu ou avoir des relations pour faire son chemin. L'expérience des Invincibles, de ce point de vue, va me servir, quand je reviendrai de L.A. et puis de Montréal.»

Diffusée sur Arte depuis le 9 mars à raison de deux épisodes chaque mardi soir vers 22h, la série, sans provoquer de raz de marée, a tenu ses promesses, avec un peu moins de 2% de parts d'audience et 200 000 téléspectateurs. Un résultat honorable pour cette chaîne culturelle. Les critiques ont été nombreuses et louangeuses. Et la série est en nomination pour quatre prix au festival de télé de Monte-Carlo en juin.

La version française des Invincibles sera diffusée sur TV5 à compter du 30 mars.