Il y a quelque chose de Billy Elliot dans l’histoire d’Alexandre Morin. En effet, les deux garçons ont découvert la danse à 11 ans dans le monde rural. Billy, dans un village minier du nord-est de l’Angleterre. Alexandre, dans une famille de mécaniciens des Basses-Laurentides. Le Québécois réunira ses deux mondes dans L’anatomie d’un moteur, à l’Agora de la danse, du 25 au 28 octobre prochains.

Dans cette œuvre mariant la danse, le cinéma, la musique et la dramaturgie, créée en étroite collaboration avec Mathieu Leroux et Jonathan Goulet, Morin replonge dans son passé. « J’ai grandi dans le bois, dit-il. Nous avons déménagé une dizaine de fois, mais peu importe la maison, il y avait toujours un garage et notre terrain devenait une cour à scrap. J’ai eu envie de creuser ce qu’il me restait de ce milieu-là. »

Un milieu qu’il a longtemps repoussé. « Le travail manuel et l’hypermasculinité m’intéressaient peu. En plus, à l’adolescence, c’était difficile pour moi à l’école. J’étais un gai dans le placard et j’avais hâte de déménager. »

Heureusement, il avait la danse pour égayer ses journées. « Quand j’ai su que je voulais faire carrière là-dedans, je me suis exporté à Montréal et j’ai pu m’épanouir sur les plans artistique et identitaire. »

Pour ce faire, il cependant a mis de côté une part de lui-même. « J’ai beaucoup caché mon côté rural en arrivant en ville et dans le milieu gai. J’avais un accent en français et je parlais tout croche. J’ai voulu cleaner tout ça. »

  • Le chorégraphe Alexandre Morin présente le spectacle de danse Anatomie d’un moteur.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Le chorégraphe Alexandre Morin présente le spectacle de danse Anatomie d’un moteur.

  • Le solo est inspiré de son histoire familiale de fils de mécanicien.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Le solo est inspiré de son histoire familiale de fils de mécanicien.

  • Avec ses collaborateurs, il a choisi des fragments autobiographiques qui dérivent vers la fiction.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Avec ses collaborateurs, il a choisi des fragments autobiographiques qui dérivent vers la fiction.

  • L'œuvre sera présentée à l'Agora de la danse.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    L'œuvre sera présentée à l'Agora de la danse.

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Après une décennie à évoluer dans sa discipline artistique, la maturité et le recul ont nuancé sa perspective sur l’absence de son père et son malaise dans le milieu rural. « Maintenant que je me suis émancipé humainement, artistiquement et sexuellement, j’explore comment je me sens en retournant dans ce lieu en tant qu’adulte. Ça me fait du bien de reconnecter. Je n’ai jamais été aussi proche de mon frère. »

Si la création devait traiter surtout de l’absence du patriarche, le processus a dérivé, plaçant la fratrie au cœur du projet.

On documente mon frère en train de travailler. On le voit à l’écran. On parle de carrosserie et de nos souvenirs d’enfance.

Alexandre Morin

Un frère qui accompagne leur mère et leur sœur à tous les spectacles d’Alexandre. « Après les shows, ils m’attendent dans le lobby pour me féliciter. J’ai l’impression qu’ils n’ont pas toujours les mots pour décortiquer leur expérience de spectateurs, mais ils sont là. »

Présents et très attentifs. « Un jour, mon frère m’a dit qu’à l’adolescence, lorsque j’étais à l’école des loisirs, les danseurs faisaient toujours les mêmes mouvements en même temps sur scène. Mais, maintenant, dans mes shows, il sentait que j’avais trouvé ma propre manière de bouger. Ça m’avait touché d’entendre ça. »

Se « réapproprier le travail manuel »

Morin s’intéresse à son tour au monde de son frère et de leur père, quelques années après que le paternel lui a dit que tant qu’il n’aurait pas des mains sales comme les siennes, il n’aurait pas vraiment travaillé. « Je voulais me réapproprier le travail manuel à ma manière et démontrer que mon métier de danseur est très exigeant lui aussi. »

Pour ce faire, il a observé le travail de son frère et ses stratégies pour ne pas se blesser. « J’étais fasciné de découvrir la chorégraphie de son corps en train de dialoguer avec le véhicule. Dans le show, on offre un dialogue artiste-artisan, en faisant ressortir le côté sensible et artistique de son travail. »

Le danseur ne cache pas son envie de donner des clés de compréhension au public.

Avant, il y avait toujours un filtre abstrait sur ce que je faisais. Cette fois, je veux que le public puisse se raccrocher à des enjeux. Je me raconte un peu.

Alexandre Morin

Avec ses collaborateurs, il a choisi des fragments autobiographiques qui dérivent vers la fiction. « On raconte des bribes de ma vie en leur donnant un traitement théâtral. La portion vidéo versera aussi dans la fiction, en devenant un bar gai western où on peut s’émanciper. »

Appréhende-t-il les réactions de ses proches ? « Je leur laisse leur espace pour recevoir le spectacle. On sait qu’on a été bienveillants dans nos choix. J’aborde l’absence du père sur le corps et l’identité, mais c’est devenu davantage une histoire de reconnexion avec mon frère et mes racines, en les assumant pleinement sur scène. »

Anatomie d’un moteur, Agora de la danse, du 25 au 28 octobre

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