C’était soir de première, vendredi dernier à Kingsey Falls, pour l’équipe de Benoît Landry, qui a mis en scène cette comédie musicale inspirée de la vie de la célèbre effeuilleuse américaine Lili St-Cyr. Un spectacle efficace, qui nous offre un répertoire de nouvelles chansons, accrocheuses, livrées par des interprètes inspirés.

Lili St-Cyr a pris l’autoroute 20, traversé les rangs 7 et 13, est passée par Saint-Lucien et Sainte-Séraphine, pour se rendre à Kingsey Falls, près de Drummondville, où l’attendait au Théâtre des Vieux Chênes une foule… en délire. Bon, disons une foule en bermudas.

Mais imaginez un instant si la magnétique performeuse, sexe-symbole des années 1940 et 1950, avait véritablement fait deux heures de route – pour éviter les règlements municipaux contraignants de Montréal – afin de livrer une prestation ici même, se frayant un chemin entre des groupes de quidams… hostiles.

C’est dans cet état d’esprit (un peu tordu, c’est vrai) que nous attendions l’entrée en scène de Marie-Pier Labrecque, qui incarne sur scène l’artiste américaine subversive ayant fait les beaux jours du Théâtre Gayety au milieu des années 1940 (là où se trouve le TNM aujourd’hui).

Le numéro d’ouverture donne le ton. Marie-Pier Labrecque emprunte les traits de l’effeuilleuse avec charisme, toujours en mode séduction, fait quelques clins d’œil au public et chante (avec un petit accent english) les paroles de Mélissa Cardona, mises en musique par Kevin Houle.

Mais rassurez-vous (ou protestez, c’est selon), il n’y aura point de quidam hostile, ni parfum à scandale, ni geste de provocation à Kingsey Falls – contrairement aux prestations de Lili St-Cyr à Montréal –, Benoît Landry optant ici pour un divertissement familial aux allures de comédie burlesque.

Ce qui n’empêche pas Marie-Pier Labrecque de livrer une jolie performance – incluant la scène du célèbre striptease inversé –, mais on aurait souhaité la voir interagir davantage avec le public, comme elle avait commencé à le faire dans la scène d’ouverture, le titiller un peu plus, créer de petits malaises…

On aurait également aimé voir plus de chorégraphies dans Lili St-Cyr, d’autant plus que le décor est assez minimal avec ces petites structures d’acier qui évoquent vaguement le centre-ville de Montréal.

Mystérieuse Lili

Dans le livret écrit par Mélissa Cardona, Lili St-Cyr est courtisée par les gérants du Théâtre Gayety et du Club El Morocco, Thomas Cloutier et Jimmy Orlando (Maxime Denommée et Stéphane Brulotte). Elle signera un contrat avec Gayety et aura une liaison avec Jimmy, un ancien joueur de hockey.

Pour accueillir Lili St-Cyr sur la scène du Gayety, son gérant Thomas doit retirer de la marquise le nom de sa propre femme, Sophie (formidable Lunou Zucchini), qui chante du Édith Piaf…

Tout cela se passe à l’époque où Montréal, qui a échappé à la loi sur la prohibition et envoyé ses hommes au front, est une capitale du jeu, du sexe et de la drogue. Une conseillère municipale, Jessie Fisher (toujours excellente Kathleen Fortin), fera d’ailleurs campagne pour éradiquer le Red Light montréalais. Au grand dam de ces messieurs – avocats, policiers, journalistes, juges, etc. – qui apprécient le spectacle…

PHOTO HUGO B. LEFORT, FOURNIE PAR LE THÉÂTRE DES GRANDS CHÊNES

Lunou Zucchini, Maxime Denommée, Stéphane Brulotte, Roger La Rue et Kathleen Fortin complètent la distribution de Lili St-Cyr.

La conseillère fera adopter un règlement stipulant qu’un artiste ne peut quitter la scène avec moins de vêtements qu’en arrivant. Ce qui poussera Lili St-Cyr à faire un numéro de striptease inversé où elle apparaît nue dans un bain en début de prestation, puis s’habille progressivement. L’unique moment où les spectateurs de Kingsey Falls ont retenu leur souffle et rougi dans la pénombre.

Lili St-Cyr s’entichera de Jimmy Orlando – une relation qui a véritablement eu lieu, mais qui n’ira nulle part vu les infidélités de l’ex-joueur des Red Wings. Une rare occasion d’entrer dans la vie de l’artiste qui, après deux heures de spectacle, demeure entourée d’une aura de mystère. Au bout du compte, on n’en saura pas plus sur Marie Frances Van Schaack.

Un ensemble cohérent

Cela dit, les six interprètes forment un ensemble cohérent et il y a dans Lily St-Cyr un bel équilibre entre les numéros individuels et les pièces chantées en chœur.

Chapeau à Lunou Zucchini, qui interprète Piaf à merveille, mais qui a chanté quelques autres pièces magnifiquement, dont la chanson Dans un escalier en colimaçon, moment émouvant du spectacle s’il en est un. Maxime Denommée et Stéphane Brulotte ne sont pas en reste, chacun trouvant le registre qui convient pour interpréter les pièces de Mélissa Cardona.

Autre mention importante : Roger La Rue, qui interprète une foule de personnages, allant du propriétaire du Gayety à l’ex-coach du Canadien Dick Irvin en passant par un animateur radio, un journaliste, une téléphoniste, un policier, un juge, et qui encore ? Le comédien excelle à chacune de ses présences sur scène, même s’il cabotine par moments.

La scène du procès de l’effeuilleuse, suivi du verdict, qui conclut le spectacle, fait écho à la chanson Patricia, de Chris De Burgh… La comédie musicale se termine ainsi sur une note jubilatoire. Après sa série estivale, Lili St-Cyr entreprendra une tournée québécoise qui la mènera certainement à Montréal l’an prochain. En espérant d’ici là qu’elle trouvera le moyen de nous faire rougir encore plus.

Consultez le site du Théâtre des Grands Chênes
Lili St-Cyr, théâtre musical

Lili St-Cyr, théâtre musical

Avec Marie-Pier Labrecque, Lunou Zucchini, Maxime Denommée, etc. Mise en scène : Benoît Landry.

Au Théâtre des Grands Chênes, Kingsey Falls, Jusqu’au 3 septembre

7/10