Vous avez malmené votre foie pendant les Fêtes ? L’équipe du Cabaret Bio dégradable, menée depuis 15 ans par le directeur artistique Didier Morissonneau, commence l’année en ciblant votre rate. En lisant des extraits désopilants d’une douzaine d’autobiographies d’artistes québécois… et de Julio Iglesias.

« J’ai beaucoup parlé jusqu’à maintenant de l’homosexualité et de l’hétérosexualité, mais il existe un état plus navrant : la bisexualité. De nombreuses thèses scientifiques ont prouvé, semble-t-il, que cet état de vie existe. Si tel est le cas, la bisexualité est, à mon humble avis, le pire des états de vie », écrit le défunt journaliste culturel Michel Girouard dans Je vis mon homosexualité, paru en 1980.

« Il fustige les bisexuels, qu’il qualifie plus loin d’hypocrites, de pervers et de dangereux ! En fait, il utilise les mêmes mots qu’on utilisait pour discriminer les homosexuels ! », s’amuse à analyser Didier Morissonneau, rencontré au Lion d’Or la veille de la représentation montréalaise.

C’est lui qui fait le choix des extraits qui sont lus dans ce cabaret présenté depuis 15 ans – malgré une absence de cinq ans entre 2013 et 2018, ainsi que pendant les deux ans de pandémie.

« Durant ces périodes-là, j’ai pu en lire de nouvelles et en ajouter, détaille Didier Morissonneau, qui anime les soirées et qui lit souvent lui-même des extraits d’œuvres. Par contre, ça devient de plus en plus difficile d’en ajouter parce qu’on a une bonne banque de textes. Mais, récemment, on a ajouté le chanteur Robby Johnson et la coach millionnaire Éliane Gamache Latourelle, deux auteurs contemporains solides, qui méritent toute notre attention. »

Pour la petite histoire, Didier Morissonneau rappelle que c’est le producteur André Ménard – cofondateur du Festival international de jazz de Montréal – qui l’a mis sur la piste de ce Cabaret Bio dégradable après avoir appris que Vanna White – l’hôtesse du jeu télévisé Wheel of Fortune – avait publié son autobiographie (Vanna Speaks !) et faisait l’objet d’un spectacle « off Broadway ».

« Un producteur new-yorkais avait organisé une soirée où un comédien lisait des extraits de son autobiographie, où Vanna expliquait entre autres qu’elle avait été choisie parce qu’elle tournait bien les lettres », rappelle en rigolant Didier Morissonneau. Puis, des extraits d’autres autobiographies d’artistes américains ont été lus sur scène, toujours sur ce ton badin.

C’est donc en s’inspirant de ces soirées que le Cabaret Bio dégradable est né en 2008, au deuxième étage du chic Café Cléopâtre.

La plus grande star du Québec !

Parmi les classiques du Cabaret Bio dégradable – outre Michel Girouard –, on retrouve les autobiographies de la chanteuse Marie-Chantal Toupin, du lutteur Maurice « Mad Dog » Vachon, de l’animateur Jacques Boulanger, de la comédienne France Castel, de la concurrente de Loft Story Elisabetta Fantone (qui a écrit : « Qui aurait cru que moi, une Italo-Québécoise de 23 ans, serait un jour la plus grande star du Québec ? »), du chanteur disco Martin Stevens (Love is in the Air), etc.

L’humoriste Sylvain Larocque – qui est aussi, depuis 2021, conseiller municipal à Longueuil dans l’équipe de Catherine Fournier – fait partie du noyau dur des interprètes depuis les débuts du Cabaret Bio dégradable. Entre deux lectures, il lit de courtes phrases tirées du journal intime (publié) de Julie Lemay, gagnante de la première édition de Loft Story.

On y retrouve entre autres perles : « Aujourd’hui, on nous a mis au défi de parcourir à vélo stationnaire la distance équivalente entre Montréal et Chicoutimi : 454 km. Trois heures de bicyclette à 30 km/h. »

Les interprètes du Cabaret ne lisent que des biographies québécoises… sauf pour Julio Iglesias, qui est la « portion internationale » du show, ironise Didier Morissonneau. « On aurait pu faire cinq heures avec lui. Le livre au complet n’a pas de bon sens. Le narcissisme atteint ici des sommets. Il parle de son torse, de ses habiletés à bicyclette, des gens du village qui s’émerveillaient en le voyant, c’est incroyable. »

L’absurde, le prétentieux et l’inintéressant

Afin de trouver ces pépites d’or, Didier Morissonneau lit beaucoup d’autobiographies.

« Il y a des livres qui sont vraiment intéressants, comme la bio de Dominique Michel ou de Gilles Latulippe, ils ne sont d’aucun intérêt pour le Cabaret. Pas plus que les bios où l’on parle d’expériences douloureuses ou tragiques, de maladie ou d’agressions. Il n’y a rien de drôle là-dedans. Il faut trouver des livres qui contiennent une part d’absurdité, qui sont prétentieux ou narcissiques ou pas du tout intéressants. Des livres où on se demande : “Pourquoi ? Et pour qui ?” »

Plusieurs de ces auteurs sont aujourd’hui décédés (Michel Girouard, Mad Dog Vachon, etc.). Est-ce que l’équipe ressent un malaise à la lecture de certains textes ? « Morts sont sans défense », disait Aragon…

« Il y a un dilemme pendant un certain temps, mais ça ne dure pas, répond Didier Morissonneau. Et puis je me suis rendu compte qu’il y a beaucoup de gens dans la salle qui ne savent même pas si les auteurs sont morts ou vivants. » « Moi, je n’ai pas de dilemme, répond Sylvain Larocque. Il ne faut pas oublier qu’on ne fait que les citer, on ne les méprise pas, on ne dit rien contre eux. »

Parmi les interprètes du spectacle de ce vendredi, on retrouvera Anaïs Favron, Pierre-Luc Brillant, Mylène St-Sauveur, Sébastien Trudel, Charles-Alexandre Quesnel, Denis Marchand et Kim Lavack Paquin.

Et dans tout ça, les auteurs au menu expriment-ils une certaine frustration ?

« Ça arrive, répond Didier Morissonneau, mais je leur explique que c’est pour rire. C’est comme une caricature de Chapleau. Les Cyniques disaient : “Si un jour, vous ne valez pas une blague, vous ne vaudrez plus rien.” Honnêtement, on rit de certains passages qu’ils ont écrits, mais on n’a jamais mis fin à une carrière. Si ça se trouve, on perpétue la mémoire de certains artistes ! », dit-il en souriant.

Au Lion d’Or ce vendredi, 20 h ; au cabaret St-John, à Bromont, les 3 février et 7 avril. Une autre représentation sera donnée à Montréal le 27 avril (dans le cadre de Métropolis bleu) pour les 15 ans du Cabaret.

Consultez le site du Cabaret Bio dégradable