Plus de 25 comédiens et chanteurs, un orchestre de 10 musiciens, une trentaine de représentations en anglais et en français au Théâtre St-Denis d’ici la mi-janvier : cette nouvelle adaptation de La mélodie du bonheur, mise en scène par Gregory Charles, est fort ambitieuse. Mais c’est la brillante prestation de la nouvelle venue Klara Martel-Laroche dans le rôle de Maria Rainer qui est le clou de ce spectacle charmant, mais tiède.

On connaît l’efficacité de la trame et la beauté des airs de La mélodie du bonheur, qui ont traversé les décennies et n’ont plus leurs preuves à faire. C’est donc dans les détails que se joue une production comme celle-ci, surtout que la célèbre comédie musicale n’en est pas à sa première adaptation ici – Denise Filitrault l’avait montée avec succès en 2010 et en 2013.

Au rayon des plus, il y a donc la prestation vocale de Klara Martel-Laroche, chanteuse classique de 25 ans à peine sortie du Conservatoire, qui embrasse le rôle de Maria avec grâce et ferveur. Autant par sa voix juste et très riche que par son interprétation et son jeu habités, elle réussit à donner à son personnage toutes les nuances qu’il faut.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Klara Martel-Laroche

L’ensemble de la distribution est à la hauteur vocalement et la rencontre avec l’opéra est réussie, avec les comédiens Éric Paulhus en capitaine Von Trapp et Éveline Gélinas en baronne Elsa Shroeder (très justes tous les deux), les chanteurs lyriques Monique Pagé – vue récemment dans l’opéra Albertine en cinq temps et impressionnante dans Va sur la montagne – en mère Abesse et Éric Thériault en ami Max, le chœur des religieuses. Le tout rehaussé par le choix d’avoir des musiciens sur scène plutôt que des bandes enregistrées, un autre atout de cette production.

La bande des enfants Von Trapp, menée par Audrey-Louise Beauséjour en Liesl exubérante – belle revanche pour l’évincée de Star Académie, qui est la seule des interprètes des enfants qui sera de toutes les représentations –, assure bien évidemment l’élément charme du spectacle. Les artistes chantent bien et leurs numéros de groupe sont jolis et enlevants, même si on peut constater que Gregory Charles ne réussit pas à atteindre la même direction de ses jeunes acteurs que, par exemple, Serge Denoncourt dans Les choristes.

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Les sept enfants de la famille Von Trapp. Plusieurs comédiens se relaient d’une représentation à l’autre pour les interpréter, sauf Audrey-Louise Beauséjour (à gauche), qui incarne l’aînée, Liesl.

Même si certains moments sont plus réussis – la présence de deux danseurs dans la scène de bal par exemple, qui ajoute beaucoup de poésie –, l’ensemble de la pièce souffre d’une mise en scène un peu brouillonne et d’idées étranges : on se demande encore pourquoi le voile de mariée géant disparaît d’un coup entre les marches de l’église. Résultat, un manque de tonus qui s’étire sur deux heures et demie (plus un entracte de 15 minutes, soyez averti si vous y allez avec de jeunes enfants), qu’on ressent surtout dans les scènes parlées, mais aussi dans les transitions.

Des problèmes récurrents

S’ajoute à cet effet confus le fait qu’avec tous ces interprètes qui portent des micros, les bruits, bruissements, mauvaise balance de son et autres clacs sont nombreux, et ce, pendant toute la durée du spectacle. Des problèmes récurrents et dérangeants, indignes d’une production de cette envergure – les billets coûtent entre 38,48 $ pour quelques rangées au fond du balcon et 141,96 $ pour le premier tiers du parterre, plus 10,95 $ de frais.

Dans le même ordre d’idées, on s’interroge aussi sur le choix de ne pas avoir de décor du tout – hormis un escalier –, mais bien des projections sur des panneaux et des tissus, où se dessinent une montagne, les vitraux d’une église, des arbres ou la lune. L’effet est assez réussi comme tel, mais unidimensionnel à la longue si aucun élément réel ne vient l’équilibrer.

Et on ne peut passer sous silence ce qui a interloqué le public lors de la première présentée lundi : les paroles de ces chansons qu’on connaît par cœur ne sont pas les mêmes que celles du film, en partie ou en totalité. C’est le cas en particulier de Do ré mi, probablement la plus connue du lot, où « Fa, c’est facile à chanter » devient « Fa, la moitié de Fabien », « La, l’endroit où vous allez » devient « La, le féminin de le », et ainsi de suite…

La production a expliqué mardi que la licence de la version française, qui doit être négociée avec la firme Concord Theatricals à New York, implique que tous les textes utilisés doivent provenir de l’adaptation scénique, et non de celle du film qui est venue quelques années plus tard en 1965 – avec des paroles parfois différentes, comme dans le cas de Do ré mi. Pour obtenir les droits des textes des chansons du film, il aurait donc fallu en plus négocier avec les ayants droit du film, un long processus dont le résultat n’était pas garanti.

C’est par ailleurs les paroles des chansons du film qui avaient été interprétées pour la production montée par Denise Filiatrault il y a une douzaine d’années. Mais quelle que soit la raison, cet aspect qui aurait dû être communiqué au moment de la mise en marché fait de l’ombre à un spectacle qui manque surtout de relief, porté par une chanteuse plus qu’inspirée, mais qui n’est certainement pas à la hauteur de ses ambitions.

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La mélodie du bonheur

La mélodie du bonheur

Mise en scène de Gregory Charles. Avec Klara Martel-Laroche, Éric Paulhus, Évelyne Gélinas, Monique Pagé, Éric Thériault, Audrey-Louise Beauséjour, Simon Dufresne et plusieurs autres.

Au Théâtre St-Denis et à la salle Albert-Rousseau, Du 8 décembre au 14 janvier 2023 et du 4 au 20 août 2023.

6/10