L’Opéra de Montréal a inauguré samedi soir sa saison 2022-2023 avec la première d’Il trovatore de Verdi à la salle Wilfrid-Pelletier. Un spectacle d’une belle tenue malgré quelques bémols sur le plan vocal.

Cette œuvre phare du répertoire verdien – elle forme une trilogie bénie avec Rigoletto et La traviata – avait été montée la dernière fois dans la métropole en 2012, un spectacle que notre regretté collègue Claude Gingras avait qualifié de « bon, beau, pas cher » à cause de la simplicité du dispositif scénique.

Les décors actuels de Jean Bard, mariés aux subtils éclairages d’Eric Champoux, n’ont pas dû non plus vider les coffres de l’institution : un large plan incliné tapissé d’une surface réfléchissante permet aux protagonistes d’évoluer devant des arrière-plans évocateurs. De temps à autre, une pièce de décor (une série d’arcades, une balustrade, etc.) descend des cintres et suffit à nous transporter sur les lieux de l’action.

Les costumes maison, assortissant des cuirasses médiévales à des robes et des paletots d’une époque beaucoup plus proche de la nôtre, se fondent bien dans l’ensemble, en particulier la magnifique robe jaune moutarde de Leonora au premier acte.

La mise en scène de Michel-Maxime Legault n’est pas moins efficace, si on excepte quelques idées discutables au chœur (mouvements de lances ou de bâtons un peu trop systématiques…).

Mais Il trovatore, ce sont d’abord des voix. On ne vient pas là pour l’histoire, une des plus biscornues de l’histoire de l’art lyrique.

Il y a d’abord le couple formé par le baryton Étienne Dupuis et sa femme, la soprano australienne Nicole Car, qui avaient fait forte impression il y a trois ans dans Eugène Onéguine de Tchaïkovski.

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Nicole Car, soprano australienne, dans Il trovatore

Le premier déploie sa voix splendide dans le rôle du comte de Luna. On aurait bien pris plus de chair dans son unique air, Il balen del suo sorriso, mais le chanteur semble avoir volontairement voulu le faire plus intime. On est également surpris de la sobriété générale de son jeu, lui qui a l’habitude de s’emparer de la scène.

Nicole Car est peut-être un peu moins à sa place en Leonora. Non que le chant ne soit pas magnifique. Il l’est ! Mais nous ne sommes pas dans La traviata, qui fait davantage « opéra de chambre ». Ce sont des Maria Callas, Zinka Milanov et Leontyne Price qui comptent parmi les grandes titulaires du rôle. Il faut donc plus un grand soprano dramatique qu’une Marguerite ou une Juliette.

Le rôle le plus périlleux est sans contredit celui de Manrico. Le ténor abitibien Luc Robert a assurément un timbre d’exception, pas très loin de celui de l’Argentin Marcelo Álvarez. Son manque d’assurance apparent empêche toutefois trop souvent sa voix de prendre sa véritable expansion. Il nous a donné la frousse dans Ah, si ben mio, la voix tendant à se rengorger dans le médium-aigu, mais il a néanmoins miraculeusement assuré dans la périlleuse cabalette suivante, Di quella pira.

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Luc Robert dans le rôle de Manrico

Le quatrième rôle principal, mais non le moindre, est celui de la gitane Azucena. Marie-Nicole Lemieux a chanté cela sur les plus grandes scènes, mais il n’est pas sûr que ce soit un rôle pour elle. Les rôles de mezzo de Verdi sont généralement trop aigus pour une contralto comme elle. Les suraigus étaient la plupart du temps criés. Mais autant son Stride la vampa que son Condotta ell’era in ceppi ont néanmoins été réalisés avec un indéniable raffinement et une présence aussi intense que savamment contenue.

Dans les rôles plus secondaires, la basse Matthew Treviño se signale en Ferrando par son éloquence, malgré un timbre quelque peu ingrat et des aigus courts. Belles apparitions également de Kirsten Leblanc en Iñes et du ténor Angelo Moretti en Ruiz.

Le chef Jacques Lacombe, à la tête de l’Orchestre Métropolitain, est un excellent accompagnateur, même s’il aurait pu davantage savourer les passages élégiaques de la partition.

L’opéra sera de nouveau présenté ce mardi et jeudi à 19 h 30 et dimanche à 14 h.

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