En 2018, le danseur Charles-Alexis Desgagnés s’est forgé une place dans le cœur du public en accédant à la finale de Révolution. L’année suivante, il époustouflait la galerie dans Seul ensemble, spectacle du Cirque Éloize sur l’œuvre de Serge Fiori. Le voilà qui lance sa propre compagnie de danse, Les sans-papiers, avec un spectacle réunissant 24 interprètes à la maison de la culture de Verdun.

Il allait de soi, pour le créateur, de nommer son entité artistique en faisant un clin d’œil à son parcours scolaire. « Je n’ai jamais suivi un cursus de formation en danse, ni pour interpréter, ni pour chorégraphier, ni pour enseigner, alors que je suis de plus en plus établi dans ces domaines », explique-t-il.

L’artiste voulait également évoquer les sans-papiers de Notre-Dame de Paris qui réunissent les personnes queers, atypiques, prostituées et toutes celles qui ne cadrent pas dans le moule. « Je voulais rassembler des gens qui n’ont pas un parcours typique en danse, qui n’ont pas fait d’école, qui sont des interprètes-chorégraphes et qui veulent chercher avec moi la virtuosité de corps et de cœur. »

Une approche différente

Le premier fruit de sa compagnie pourra être cueilli par le public de J’ai pleuré ce matin dans le métro. Une œuvre à la trame narrative abstraite qui se veut touchante, animale, drôle et « challengeante », selon son créateur.

Regardez la bande-annonce de J’ai pleuré ce matin dans le métro

Bien que Desgagnés n’y danse pas, on verra ce qu’il a dans le ventre comme créateur et professeur. En effet, le spectacle est le point d’orgue d’un stage d’insertion professionnelle de 31 jours avec 24 interprètes qui n’avaient jamais dansé ensemble. « C’est un fichu défi, mais ça fonctionne ! »

Débutant par deux semaines et demie de résidence en studio, le stage a été suivi d’une semaine de résidence technique et d’une semaine sur scène à la maison de la culture de Verdun. Une approche différente des stages de perfectionnement que suivent de nombreux artistes.

Généralement, durant un stage, on passe deux semaines en ateliers avec quelqu’un, ça se termine et merci, bonsoir. Moi, je voulais leur offrir un résultat tangible en créant une chorégraphie de 70 minutes avec lumières et musiques originales.

Charles-Alexis Desgagnés

Les artistes devaient payer 925 $ pour vivre cette aventure d’un mois : 100 heures de travail créatif, trois représentations, une séance photo professionnelle, une participation à des bandes-annonces vidéo et une captation professionnelle qu’ils pourront utiliser par la suite dans leurs démos.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Les sans-papiers, 24 danseurs pour trois spectacles en trois jours…

Malgré ce qu’on pourrait imaginer, l’instigateur du projet est loin de s’en mettre plein les poches. « Jusqu’à présent, je n’ai pas de salaire. Je vais obtenir un salaire décent selon les normes de la danse contemporaine si je remplis la salle les trois soirs. On ne peut pas dire que je me fais de l’argent sur leur dos. Et même si j’en faisais, j’ai investi près de 600 heures dans le projet. »

Créations en chantier

En parallèle, le touche-à-tout travaille sur un court métrage de danse, La peau de l’autre, en collaboration avec le réalisateur Vincent René-Lortie. Une façon pour lui d’explorer la narrativité du corps. « À moyen ou long terme, j’aimerais aussi créer une émission de fiction dans laquelle on raconte une histoire en mouvements. C’est un fantasme que j’ai. »

Il planche également sur la création d’une œuvre solo de 60 minutes financée par le Conseil des arts et des lettres du Québec. Intitulée Homo Deus, la chorégraphie fera écho au livre Homo Deus : une brève histoire de l’avenir écrit par Yuval Noah Harari, à qui l’on doit le best-seller mondial Sapiens : une brève histoire de l’humanité.

« Dans le second livre, il parle de pacemaker, de téléphone dans le corps et d’altérations. J’ai envie de tourner ça vers quelque chose de biologique en vérifiant si je peux incarner sur scène une personne sans limites cardiovasculaires, de corps et d’interprétation. »

Une façon pour lui d’explorer l’infatigabilité.

Est-ce que ça se peut ? De quoi ça a l’air ? Qu’est-ce que ça renvoie émotionnellement au public ? Je m’intéresse beaucoup à la notion de vulnérabilité.

Charles-Alexis Desgagnés

Il est également captivé par l’interconnexion des... champignons. « Je veux m’en inspirer pour établir un rapport direct entre la musique, les mouvements, la scénographie et les éclairages qui va au-delà d’un signal qui en génère un autre. »

Menant actuellement trois œuvres de front, Charles-Alexis Desgagnés se voit de plus en plus comme un entrepreneur culturel.

« Ça faisait près de sept ans que je rêvais d’avoir ma propre compagnie de danse. Je sentais un appel. Si je ne le faisais pas cette année, on dirait que je ne l’aurais jamais fait. Je pense avoir l’énergie pour gérer l’énorme charge d’administration que ça implique. Et je voulais ajouter ce symbole de professionnalisme à mon travail. »

J’ai pleuré ce matin dans le métro, à la maison de la culture de Verdun, les 14, 15 et 16 juillet à 19 h 30