GoGo Penguin n’avait pas mis les pieds au pays depuis un bail, et vient tout juste de commencer à présenter sur scène les pièces de son excellent album homonyme lancé il y a déjà près de deux ans. L’attente a valu la peine, le groupe britannique ayant offert une performance à la hauteur de son jazz frais et incomparable.

Atomised et Signal in the Noise, tirées de leur plus récent album, permettent dès les premières notes de saisir l’essence de GoGo Penguin, mené par la contrebasse de Nick Blacka et le piano de Chris Illingworth, qui s’échangent mélodies et parties rythmiques avec une fluidité déconcertante. Bardo, la suivante, nous initie au génie d’Illingworth, qui étouffe la résonance de certaines des cordes de son piano pour ensuite leur attribuer des effets numériques, transformant littéralement la sonorité de son instrument. Lui et son collègue Blacka se permettent aussi d’utiliser des boucles de certains passages de leur jeu, au service d’une musique décloisonnée et unique.

Pourtant, GoGo Penguin demeure incroyablement digeste, très accessible en fait, car le trio se tient loin de la formule classique du jazz qui consiste à alterner thèmes et improvisations parfois déroutantes.

Ici, la structure est celle de chansons pop, les solos des talentueux musiciens s’inscrivant toujours dans une forme mélodique bien contenue.

Avec Wave of Decay, l’une des quatre nouvelles chansons sorties chaque mois depuis mars et qui sont regroupées dans un nouveau mini-album dévoilé ce vendredi, Illingworth se permet de jouer sur son synthétiseur, apportant des textures encore plus électros qui trouvent leur juste place dans l’écrin organique tissé par la contrebasse et la batterie nerveuse de Jon Scott.

Public au rendez-vous

GoGo Penguin aura finalement gardé pour la fin quelques-unes des meilleures pièces de son album v2.0, qui avait été nommé en 2014 parmi les finalistes du Mercury Music Prize, prestigieuse récompense remise au meilleur album britannique de l’année. À l’écoute de Murmuration, on comprend aisément pourquoi ; accueillie avec quelques cris sentis des spectateurs, la pièce permet de voir de quel bois se chauffent les trois musiciens, dans leurs solos, mais aussi dans la finale syncopée complètement délirante, entraînant la foule à se lever d’un bond à la fin de la pièce.

C’est un autre jeune trio britannique qui s’est chargé de la mise en bouche, Mammal Hands offrant une performance inspirée, notamment avec la pièce Kudu, tirée du deuxième album Floa. Le public a réagi avec vigueur à la fin de l’envolée ensorcelante du saxophone de Jordan Smart, appuyée par la rythmique du piano de Nick Smart et sublimée par la batterie survoltée de Jesse Barrett. La formule est toutefois répétée à chaque pièce ou presque, révélant moins d’originalité et d’audace que leurs contemporains de GoGo Penguin, qui auront marqué au fer blanc la première soirée du Festival de jazz 2022 à la Place des Arts.