L’émouvante soirée des Francos, dimanche soir, tenait davantage de la célébration de la vie que de l’oraison funèbre. C’est que Karim Ouellet, mort le 17 janvier à l’âge de 37 ans, a eu le temps et le talent pour déposer des dizaines de perles pop sur son chemin. L’amour, Fox, Rien ne sert de courir, Marie-Jo, L’amour est un monstre, Je vous salue Marie, La mer à boire : autant de pierres qui nous ramèneront à lui pour la suite du monde. Et qui se sont alignées sur la grande scène pour nous guider vers l’amour, le temps du spectacle Bye Bye Bye Karim – La veillée des ami.e.s.

Le vrai frisson a traversé la foule en fin de concert, lorsqu’a retenti dans les haut-parleurs une chanson inédite de Karim Ouellet, consacrée à ses parents et à sa sœur, la rappeuse Sarahmée.

« La famille, c’est tout ce qui compte, c’est tout ce qui compte », répète-t-il dans la sublime Héréditaire, en clignant de l’œil vers ses potes musiciens d’Alaclair Ensemble. Il y confesse aussi des mots sibyllins : « Je ne pense pas que je vais me rendre. » Le petit garçon d’Élise Bégin, ancienne choriste et amie de Karim Ouellet, a déposé au micro les derniers mots de la chanson posthume… et du même coup des larmes sur des milliers de joues.

Les rappeurs d’Alaclair ont tôt fait de renverser l’ambiance, en répondant avec leur rassembleuse La famille. Eman a demandé à la foule, mains dans les airs, de modifier le refrain pour l’occasion : « Rest in peace. À Karim, à Karim, à Karim. »

Photo CATHERINE LEFEBVRE, collaboration spéciale

Les spectateurs étaient nombreux devant la scène Bell, dimanche soir.

Sarahmée, qui a participé à l’organisation du concert aux côtés de la metteuse en scène Ines Talbi et du directeur musical Olivier Beaulieu, n’a pas chanté, mais elle a fait une apparition remarquée en fin de soirée, question de saluer les festivaliers entassés jusqu’à la rue Sainte-Catherine. « Maman, regarde comment les gens aiment Karim », a-t-elle lancé, aussi solide qu’émue.

Continuez à écouter Karim, à le faire découvrir à vos enfants. Mettez le son fucking fort.

Sarahmée, sœur de Karim Ouellet

« On est là pour se souvenir de quelqu’un d’important. On se fait une petite veillée entre amis », avait lancé Laurent Saulnier en guise d’introduction, avant que ne démarre l’enregistrement studio intégral des Brumes, dispersé au travers d’un silence solennel.

Sur la scène, des bulles affichaient des images chères au chanteur : le Petit Prince, un renard et un personnage de manga. En arrière-plan, des photos de Karim Ouellet étaient projetées sur la façade d’un pavillon de l’UQAM.

  • Sur la scène, des bulles affichaient des images chères au chanteur.

    Photo CATHERINE LEFEBVRE, collaboration spéciale

    Sur la scène, des bulles affichaient des images chères au chanteur.

  • En arrière-plan, des photos de Karim Ouellet étaient projetées sur la façade du pavillon de l’UQAM.

    Photo CATHERINE LEFEBVRE, collaboration spéciale

    En arrière-plan, des photos de Karim Ouellet étaient projetées sur la façade du pavillon de l’UQAM.

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Ariane Moffatt a d’entrée de jeu offert un des moments les plus poignants de la soirée en entonnant seule au micro Il était une fois. Mais c’est sa version de Plume et ses mots tristement prophétiques, en milieu de concert, qui ont engendré le vrai recueillement. « Tu peux m’appeler comme tu veux, je ne serais plus jamais malheureux », a doucement chanté Ariane derrière son piano.

La musique d’abord

Pour le reste, l’équipe de Bye Bye Bye a pris le parti de la fête et de la lumière pour honorer Karim Ouellet, duquel d’aucuns retiennent le visage ingénu et le sourire timide. Des amis musiciens de la scène de Québec (Gabrielle Shonk, Hubert Lenoir, Amelie No), des complices ponctuels (La Bronze, Valaire, Fanny Bloom, Claudia Bouvette) et d’anciennes choristes (Audrey-Michèle Simard, Noémie Tisserant et Élise Bégin) ont généré davantage de déhanchements que de sanglots. Dans le lot, presque aucun discours ; ils ont laissé parler la musique.

Photo CATHERINE LEFEBVRE, collaboration spéciale

Élise et Claude Bégin rendent hommage à leur ami Karim Ouellet.

Claude Bégin, âme sœur musicale et frère d’armes discographique de Karim Ouellet, a été particulièrement actif : au côté de sa frangine Élise pour les tubes Fox et Rien ne sert de courir – « Celle-là, tu ne l’as jamais faite en show. On s’est permis de la faire ce soir » – et avec Alaclair Ensemble, collectif hip-hop intimement lié à l’ascension du renard. La bande a notamment interprété L’amour, chanson-phare sur laquelle le public est venu déposer sa voix à l’unisson.

L’hommage trouvait davantage sa chaleur et son humanité dans ces moments de communion. Les moments plus enlevants entraînaient souvent une saturation sonore qui faisait ombrage aux mots de l’« hommagé ». A contrario, le passage de Claudia Bouvette, pour Les roses puis pour Oh ! Non avec Hubert Lenoir, a été une parfaite démonstration de groove et de retenue, à l’image du prince de la soirée.

À la toute fin du concert, sous un ciel qui a fait un pied de nez aux prévisions météo, tous se sont avancés pour entonner en chœur Karim et le loup. « Tout va finir le temps de le dire. Sommes-nous seuls au monde ? », y demande Karim Ouellet.

Dimanche soir, le renard aurait trouvé une bonne partie de la réponse sur la scène principale des Francos. La famille est en vie.