Après cinq ans loin de nos scènes, Édouard Lock est de retour à Montréal cette semaine pour la création d’un solo interprété par Rachele Buriassi. Une première collaboration depuis 1996 entre le chorégraphe de renom et les Grands Ballets canadiens, la plus importante compagnie de danse au Québec.

« Arrête de faire la danseuse ! Je ne veux pas voir la danseuse : je veux voir Rachele. » Voilà ce qu’Édouard Lock répétait durant les répétitions d’Écho, un solo qu’il a créé pour Rachele Buriassi, danseuse principale aux Grands Ballets canadiens. On lui avait pourtant dit qu’une expérience de travail avec le célèbre chorégraphe change la vie d’un interprète, peu importe à quel stade de sa carrière il est rendu… Mais pas à ce point !

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Rachele Buriassi

Je danse depuis plusieurs années pour de grandes compagnies de ballet en Europe et en Amérique du Nord. Or, travailler avec Édouard, c’est repousser complètement ses limites. J’ai dû défaire tout ce qu’on m’avait appris depuis 30 ans !

Rachele Buriassi, en entrevue avec La Presse

Et pas seulement d’un point de vue technique. « Ma vision de la danse a changé, poursuit-elle. Dans le ballet, on dit aux interprètes de ne jamais montrer l’effort dans leurs mouvements ; tout doit sembler facile dans l’exécution. Au contraire, Édouard veut que le public voie ce que l’interprète ressent à chaque instant. Édouard est un génie ! »

Montréal, ville ouverte

Depuis la faillite de sa compagnie en septembre 2015, Édouard Lock s’est fait rare sur nos scènes. Il a travaillé surtout avec de grandes compagnies internationales, telles que le Cullberg Ballet en Suède, le Ballet royal de Flandre, l’Opéra de Paris et la São Paulo Companhia de Dança.

Or, le chorégraphe de 67 ans revient toujours à Montréal : « C’est l’endroit où je me sens plus confortable. C’est là où je pense ma danse, où je trouve mon inspiration. Montréal a une identité, un profil unique, un ADN », confie-t-il en entrevue, quelques minutes avant la générale de sa prochaine création, à l’affiche de la Place des Arts dès jeudi soir.

Jusqu’au printemps dernier, il ne connaissait pas Rachele Buriassi. Il voulait faire une recherche chorégraphique avec un nouveau danseur. Une amie lui a présenté la première danseuse des GBC.

On a fait quelques rencontres. Puis, on a entamé un processus de recherche de travail chorégraphique qui a mené à cette création au GBC. On a vraiment des atomes crochus, elle et moi.

Édouard Lock

Au départ, le chorégraphe a écrit son solo pour réaliser un court métrage avec le Centre PHI. Mais les Grands Ballets canadiens ont désiré l’inclure à l’intérieur d’un programme triple qui ouvre la saison de la compagnie (voir encadré plus bas).

Écho est donc la combinaison d’un court métrage, projeté au début de la pièce, suivi de la prestation de la soliste sur la scène. « Ce qu’il y a de particulier, c’est de placer un danseur dans un univers cinématographique. Le film va-t-il affecter la perception des gens sur l’œuvre ? Quel sera l’effet de voir une même danse juxtaposée sur deux médiums différents ? C’est quelque chose de complètement nouveau pour moi. »

Les mystères du corps

Édouard Lock se voit comme un écrivain qui écrit une structure qu’une personne va interpréter. « Ce que je trouve intéressant, c’est d’explorer le corps pour mieux le (re)découvrir, dit-il. On a l’impression de bien connaître nos limites, mais le corps demeure mystérieux. Comme la pensée, l’inconscient, il est libre d’aller dans des directions insoupçonnées. La chorégraphie, c’est de souligner les mystères du corps, tout ce qui le traverse, quand il bouge. »

Lorsqu’on lui demande s’il s’adapte à la personnalité de l’interprète pour créer une nouvelle pièce, ou bien si tout est structuré à l’avance, Lock précise qu’il arrive toujours avec un vocabulaire précis en tête, ne laissant pas de place à l’improvisation. « L’idée, c’est de créer un dialogue chorégraphique avec la personne avec qui je travaille ; de rester ouvert à l’évolution dans cette rencontre. »

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Le chorégraphe Édouard Lock

Dans mon travail, ces rencontres m’amènent souvent dans des directions inattendues. Elles me permettent d’explorer des éléments qui sont relativement nouveaux, moins connus, pour m’éloigner de mon travail passé.

Édouard Lock

Six ans après la fin de La La La Human Steps, est-ce que ça lui manque d’avoir sa propre compagnie ?

« C’est sûr que je m’ennuie de travailler avec un même groupe de danseurs. C’est une belle sensation d’être en contact avec des gens qu’on connaît. Or, depuis six ans, c’est un autre défi. Je découvre des structures nouvelles et des façons de travailler différentes. »

Justement, y a-t-il une grande différence entre les compagnies européennes et une compagnie québécoise, comme les Grands Ballets ?

« Toutes les compagnies sont différentes, selon les cultures et l’histoire de chaque pays, répond-il. Mais jusqu’à un certain point, surtout pour le ballet classique, la danse est aussi universelle. Peu importe le lieu. Il y a une tradition qui tisse un lien entre les artistes et les compagnies. »

Consultez le site des Grands Ballets canadiens

Un programme triple

Le solo Écho d’Édouard Lock fait partie du programme triple Les Quatre Saisons présenté par les Grands Ballets canadiens, du 14 au 23 octobre, à la salle Wilfrid-Pelletier. Le spectacle propose aussi le ballet du chorégraphe Mauro Bigonzetti, au son de Quatre Saisons de Vivaldi, avec l’Orchestre des Grands Ballets. Le Montréalais d’origine néerlandaise Gaby Baars complète le programme avec sa première création de longue durée pour la compagnie, Règle 26 ½.