Plus d’un an après la sortie de son premier album, Gab Bouchard faisait vendredi soir ce qu’il est convenu d’appeler sa « rentrée montréalaise ». Un spectacle explosif, rock and roll et, disons-le, jouissif, qui a transporté le public hors du temps de la COVID pendant un bout de soirée.

Triste pareil est sorti le 28 février 2020 et l’auteur-compositeur-interprète originaire de Saint-Prime avait eu le temps de faire un seul spectacle, le 12 mars à Québec, avant que tout ne soit arrêté par la pandémie.

Gab Bouchard était donc « un peu stressé », mais heureux de venir à la rencontre du public montréalais, ce qu’il aurait dû faire beaucoup plus tôt en des circonstances normales, nous a-t-il confié au téléphone jeudi.

« Je ne suis pas sûr qu’on aurait sold out La Tulipe trois soirs, par contre ! » Il faut dire qu’avec les mesures sanitaires, une Tulipe à guichets fermés signifie exactement 111 spectateurs sur une capacité de 760 – c’est pourquoi il y donnera encore deux spectacles ce samedi, en après-midi et en soirée.

Chanteur total

« J’ai hâte de ploguer ma guit, nous disait-il jeudi. D’avoir un peu les jambes qui shakent, de pousser deux ou trois fausses notes au début… J’ai hâte que la première toune soit passée et d’en profiter ! »

Et on peut dire que c’est ce qu’il a fait vendredi soir. Dès la première chanson, on a senti que le chanteur, entouré de ses quatre musiciens, était mûr pour un gros show. Et le public lui a rendu cette énergie, malgré la distance entre les tables, malgré le masque, malgré le couvre-feu qui planait – le spectacle commençait à 19 h –, malgré tout.

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Un maximum de 111 personnes peuvent assister à un spectacle à La Tulipe actuellement, sur une capacité de 760.

À la deuxième chanson, son hit Tu m’connais trop bien, Gab Bouchard était déjà en feu. « Vous me faites triper », lançait-il après la troisième. À la quatrième, il avait les cheveux dans les yeux pendant son solo de guitare. Il buvait parfois une gorgée de bière entre deux pièces – « Vous n’avez pas le droit de consommer, je vais boire à votre santé ! » –, avait prévu un moment plus intime seul avec le claviériste Mathieu Quenneville, a assumé complètement son attitude rock. Mais surtout, il s’est écorché intensément la voix sur ses formidables chansons de peine d’amour, qui sont la trame de Triste pareil et un exutoire parfait pour un public en quête d’émotion.

Gab Bouchard est un chanteur total, capable de s’investir tant dans Les aurores de Mara Temblay que dans son hymne La vie c’t’une peine d’amour. Et toute cette ardeur s’est retrouvée canalisée dans la dernière ligne droite du spectacle, complètement rock.

« Je voyais vos têtes bouger, c’était cool », a-t-il dit à la fin de Roses, probablement le meilleur moment de la soirée, avec effets stroboscopiques, paroles déchirantes et décibels au maximum.

Puis il a tenu le décompte des dernières chansons – « Il en reste trois, pis il n’y aura pas de rappel ; il en reste deux ; c’est la dernière, je vais essayer de la faire, mais ma voix est cassée… » Ces 75 minutes chargées se sont terminées avec Femme de rêve, de Claude Dubois, devant un public qui en redemandait… en sachant que c’était impossible.

Chanceux quand même

L’année qui vient de passer n’a pas été facile pour les artistes de la relève. Gab Bouchard se trouve quand même chanceux – même s’il aurait aimé « faire le tour du Québec et donner deux shows par fin de semaine », nous disait-il jeudi.

« J’ai des amis qui ont sorti d’excellents disques cette année et qui n’ont même pas pu faire de lancement. »

Et puis il n’a pas chômé, a fait une chouette websérie de six épisodes intitulée Cool pareil, et a recommencé à écrire des chansons.

Regardez la websérie Cool pareil

Je me suis dit que j’avais le choix de déprimer ou de me botter le cul et de faire des trucs que je n’aurais pas eu le temps de faire si j’avais été en tournée.

Gab Bouchard

Résultat : le chanteur, qui vient tout juste d’avoir 23 ans, rentrera en studio lundi avec une douzaine de chansons en poche pour enregistrer son deuxième album, qui devrait sortir en 2022.

Il a aussi de nombreux spectacles au programme, au moins une trentaine, qui l’amèneront un peu partout au Québec jusqu’à l’automne, qu’il est content de donner même si les conditions ne sont pas optimales.

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Gab Bouchard à la Tulipe, vendredi soir

« Et quand la vie va reprendre son cours, ce sera encore meilleur. »

On a bien hâte à ce moment-là, se disait-on après le spectacle en marchant rue Papineau alors qu’il faisait encore clair, couvre-feu oblige. Mais en attendant, il y a Gab Bouchard pour mettre un peu de rock et d’authenticité dans nos vies sans modération, et de la musique vivante qui reprend peu à peu, pour notre plus grand bien. Courez-y.