Illuminer un spectacle comme celui de The Weeknd à la mi-temps du Super Bowl dimanche soir est un défi en soi. Le faire en quatre semaines, en Floride, pendant la pandémie, tout en répondant à des demandes créatives inédites, ça ressemble à un petit miracle. L’équipe de l’entreprise montréalaise PixMob a rempli le mandat et elle en est bien fière.

« Une fois que les yeux [des membres de la chorale] se sont allumés, je me suis dit que c’était bon, que tout allait bien aller », raconte Jean-Olivier Dalphond, président de PixMob, joint par téléphone lundi matin.

Dans nos écrans, l’effet était réussi. Une marée d’yeux rouges flottait dans les immenses gradins lumineux derrière le chanteur torontois The Weeknd. « C’était parfait à la télévision, mais c’est parce que ça fait six jours que l’équipe sur le terrain change les batteries et les teste », explique Jean-Olivier Dalphond, qui, pour une rare fois, a regardé le spectacle dans son salon, comme tout le monde.

« C’était surréel de regarder ça de mon divan, dit-il. Je ne pouvais pas voyager, je n’étais pas essentiel au concert. C’était la première fois que je voyais le spectacle, je n’avais pas vu les pratiques, parce qu’il n’y a aucune photo possible sur le site. J’étais heureux que tout fonctionne bien, j’ai trouvé ça beau. »

Le président de la compagnie se dit fier. Fier du résultat et, surtout, de son équipe. Sophie Blondeau, productrice exécutive, Jacques Vanier et Christophe Lessard-Drolet, ainsi qu’une collaboratrice américaine, Samantha Lynn, ont supervisé toutes les opérations sur place. « On ne peut pas assez dire à quel point c’est eux qui ont livré ce spectacle. Et dans des conditions de travail difficiles », dit Jean-Olivier Dalphond.

Quatre semaines pour des milliers de lumières

PixMob a su qu’elle se chargerait d’illuminer le Super Bowl quatre semaines avant la tenue de l’évènement. Les 150 yeux des choristes, les 500 balises lumineuses DEL dans les mains des danseurs, les 75 masques DEL et les 22 500 bracelets lumineux distribués au public ont tous contribué à la facture visuelle saisissante du spectacle. Mais mis à part les bracelets, PixMob n’avait jamais eu à créer des accessoires du genre, qui viendraient contribuer au spectacle lui-même et non plus seulement illuminer le public. C’est à la demande du Super Bowl qu’ils se sont lancés dans un projet différent de tous leurs mandats précédents.

On attendait plus de 100 millions de téléspectateurs pour le numéro de la mi-temps. C’est beaucoup de monde à impressionner. « On a fait des choses qu’on ne faisait pas avant. Quand on doit innover pour un projet d’aussi grande envergure, avec quatre semaines d’avis, avec des millions de téléspectateurs, il y a un certain stress », témoigne Jean-Olivier Dalphond. Malgré la pression, il est reconnaissant d'avoir eu la chance de travailler sur un projet créatif de cette ampleur.

PHOTO JAMES LANG, USA TODAY SPORTS

PixMob a su qu’elle se chargerait d’illuminer le Super Bowl quatre semaines avant la tenue de l’évènement. Les 150 yeux des choristes, les 500 balises lumineuses DEL dans les mains des danseurs, les 75 masques DEL et les 22 500 bracelets lumineux distribués au public ont tous contribué à la facture visuelle saisissante du spectacle.

Pour cela, PixMob a collaboré avec les équipes de création du Super Bowl et de The Weeknd, à qui ils ont soumis leurs idées. Des professionnels « parmi les meilleurs » dans le milieu, « très humains » et « très coopératifs ». « Nous, on se voit comme un choriste qui accompagne un chanteur principal, illustre Jean-Olivier Dalphond. On est là pour supporter et amplifier que ce que le chanteur amène. »

Du Québec à la Floride en pandémie

L’innovation créative a été un défi de taille pour ce troisième mandat du Super Bowl pour PixMob — le deuxième de suite, puisqu’ils ont participé au spectacle de la mi-temps de Shakira et Jenifer Lopez l’an dernier.

Mais contrairement à l’an dernier, la pandémie est venue ostensiblement compliquer les choses. Un autre défi qu’il a fallu surmonter. Le Super Bowl s’est déroulé à Tampa Bay cette année et la Floride recensait dans la dernière semaine une moyenne d’environ 8000 nouvelles infections à la COVID-19 par jour.

« On fait hyper attention au Canada en termes de santé publique. Et là, on envoie trois personnes en Floride, où ils ont une approche très différente. On avait des équipes de back-up, mais l’équipe sur place [pendant 18 jours] ne voulait surtout pas attraper la COVID-19. La NFL, ce sont des pros, tout est bien géré et respecté. Mais dans l’hôtel, quand tu as 20 personnes au bar qui ne portent pas de masques, tu te dis que ce n’est pas la même réalité. »

Innover pour exister

PHOTO MARK J. REBILAS, USA TODAY SPORTS

PixMob a collaboré avec les équipes de création du Super Bowl et de The Weeknd, à qui ils ont soumis leurs idées.

Le contrat du Super Bowl était particulièrement important cette année pour l’entreprise montréalaise, qui travaille surtout pour des concerts et autres évènements où les foules sont denses. « Oui, on a fait le Super Bowl, mais des évènements, il n’y en aura pas en 2021, à part, peut-être en fin d’année », lance Jean-Olivier Dalphond. PixMob a donc décidé de faire « un pivot », dit-il. « On ajoute une corde à notre arc et on travaille avec le secteur industriel maintenant. »

La compagnie a lancé Safeteams, un objet que les gens portent au travail et qui s’allume lorsque la distance de deux mètres n’est pas respectée. La technologie de PixMob permet aussi le traçage de contacts, tout en respectant la protection de la vie privée.

Et quand la pandémie sera enfin terminée, qu’on n’aura plus besoin de faire attention à nos déplacements et nos contacts ? « On pourra encore innover et s’en servir pour tracer des équipements, des palettes dans des entrepôts ou des véhicules sur une chaîne de montage. On pourra générer des données avec ça », répond Jean-Olivier Dalphond. Bref, des idées, PixMob en a encore plein.