L’histoire de mes chansons est une série de quatre spectacles-conférences rendant hommage à des auteurs incontournables du répertoire québécois. Nous avons assisté à la captation de celui consacré à Clémence DesRochers, le premier à être webdiffusé ce jeudi.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Parmi les chanteuses invitées à interpréter le magnifique répertoire de Clémence : Marie-Élaine Thibert et Luce Dufault, qu’on voit ici dans leur loge. « J’ai été déçue quand on a appris que ce ne serait pas devant public, mais contente que ça tienne quand même », dit Luce Dufault, qui venait de lancer un nouvel album lorsque tout s’est arrêté en mars et qui, depuis sept mois, n’a fait que quelques apparitions ponctuelles. « C’est un beau projet, j’aime les chansons, les artistes… même si c’est sûr qu’il manque un gros morceau, le public ! Je n’aurais jamais choisi ce métier sans cet échange qui vient avec la scène. Mais le plaisir de ce métier commence dans la loge, alors on en a déjà une partie. »

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Monique Giroux anime les quatre soirées, pendant lesquelles les auteurs commentent leurs chansons, qui sont interprétées ensuite par des invités. Clémence DesRochers n’a pas toujours répondu aux questions de l’animatrice, mais avec son sens de la répartie et sa vivacité, elle a donné à l’évènement une touche de folie. « Qui va payer les frais de tout ça ? », a-t-elle lancé en voyant qu’il n’y avait pas de public, juste avant le début de la captation. « C’est toi ! », lui a répondu à la blague Monique Giroux. « O. K. d’abord », a répondu Clémence en faisant mine de quitter la scène… C’est sur ce ton joyeux et souvent badin que s’est déroulé l’entretien : du Clémence à son meilleur, quoi.

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Joe Bocan était nerveuse avant de monter sur scène. « Ma chanson [La robe de soie], c’en est toute une à apprendre. Et en plus, chanter devant Clémence, ça me stresse ! Je l’ai vue souvent en spectacle et je l’aime tellement. C’est vraiment une femme qu’on admire. » La plupart des interprètes réunis pour cette série font partie de l’écurie du producteur Martin Leclerc. Joe Bocan, dont la tournée Pour une histoire d’un soir, avec Marie Carmen et Marie Denise Pelletier, a été interrompue après huit représentations — sur un calendrier de 60 spectacles répartis sur plus d’un an ! —, est reconnaissante. « Il trouvait ça important de nous faire travailler. Il y a tenu et il a continué à y croire. »

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Marie Denise Pelletier, qu’on voit ici se préparant dans sa loge, a interprété deux chansons : L’homme de ma vie, que Clémence a composée en hommage à son père, et Deux vieilles, en duo avec Marie Michèle Desrosiers. Si, pendant ses interventions, Clémence semblait parfois dissipée, elle écoutait avec une attention plus que soutenue chaque morceau. « Elle est belle, cette chanson ! », a-t-elle commenté à la fin de Deux vieilles, si émouvant poème sur l’amour entre deux femmes. Clémence a avoué qu’elle avait mis du temps avant d’oser l’écrire. « J’avais peur du jugement des gens. »

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Luce Dufault, qui a interprété La ville depuis et Full mélancolie, ressentait une énorme fierté à chanter du Clémence devant Clémence — ce qu’elle a d’ailleurs fait en la regardant souvent directement dans les yeux. « Cette femme, chaque fois que je la croise, elle me touche, elle me chavire… » Rencontrée avant la captation, la chanteuse nous disait être vraiment heureuse de pouvoir rendre hommage à tous ces « grands artistes incontournables » — elle a participé à trois des quatre spectacles et en est bien contente : chanter lui manque et elle ne peut pas s’en cacher. « On assiste aux répétitions des autres, on voudrait qu’elles durent plus longtemps, on ne veut plus s’en aller… On est rendus là ! »

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Clémence DesRochers était tout heureuse de voir arriver Marie Michèle Desrosiers, qu’elle fréquente depuis longtemps — elle est parente avec Louise, son amoureuse — et avec qui elle a souvent collaboré. Un album live tiré d’un spectacle commun qu’elles ont donné en 2019 sortira d’ailleurs le 6 novembre. L’ex-chanteuse de Beau Dommage a interprété Je ferai un jardin, et Clémence en a profité pour souligner l’apport du compositeur Marc Larochelle à plusieurs de ses chansons mémorables. « Ses mélodies ont porté mes mots. » Clémence DesRochers assume la mélancolie de son répertoire. « C’est quoi, ce spleen qu’on a en soi, cette tristesse difficile à expliquer… Il faudrait demander à Rimbaud, à Baudelaire, à Barbara. »

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Marie Carmen a chanté La vie d’factrie en duo avec Joe Bocan. « Une chanson parfaite », estime Monique Giroux, qui figurait sur le premier album de Clémence DesRochers en 1962, et qui a été intronisée cet été au Panthéon des auteurs et compositeurs canadiens. Clémence raconte qu’elle en a eu l’idée en observant les ouvrières qui passaient derrière chez elle pour se rendre à l’usine. « J’ai toujours ramassé mes sujets dans la vie. »

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Ces 70 minutes enregistrées sans interruption, comme si le spectacle était présenté live — sauf une fois pour un détail technique à régler —, ont été bien remplies. Est-ce que l’émotion ressentie sur place traversera nos écrans lors de la webdiffusion ? C’est à vérifier. Par contre, les (nombreux) éclats de rire, les bribes de souvenirs, les poèmes récités à l’impromptu, les chansons interprétées avec cœur et respect, tout cela ne peut être complètement altéré. Cette série, surtout en ce moment, est plus que nécessaire et clairement un baume pour l’âme, autant pour les artistes qui y participent que pour le public qui la regarde.