Rachid Badouri, 2Frères, Corneille, Marc Dupré et Louis-Jean Cormier, entre autres, donneront bientôt des spectacles virtuels payants. Juste pour rire tiendra le premier festival numérique d’humour francophone du 21 au 24 mai. Mais une question demeure : le public est-il prêt à acheter ses billets pour des spectacles virtuels ?

Grâce à l’application Yoop, Rachid Badouri, Marc Dupré, 2Frères, Corneille et Louis-Jean Cormier donneront bientôt des spectacles virtuels payants. Le public pourra aussi assister en ligne à une conférence du footballeur Laurent Duvernay-Tardif.

Dimanche, à Tout le monde en parle, le producteur Louis Morissette a annoncé que son entreprise, le Groupe KO, s’était associée à l’entreprise internationale enovLAB, qui développe l’application Yoop.

Le président d’enovLAB, Benoît Fredette, est l’ami de Louis Morissette. Installée à New York, l’entreprise a aussi des bureaux à Montréal.

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Louis Morissette, producteur à la tête du Groupe KO

« Je savais qu’il développait Yoop et je l’ai appelé au début de la pandémie », raconte Louis Morissette.

L’application Yoop permet de réunir des gens en ligne dans « une salle virtuelle ». « Une salle de spectacle, de conférence ou un studio télé », précise Louis Morissette.

> Consultez le site de Yoop

Louis Morissette espère annoncer un premier spectacle qui pourrait avoir lieu avant la fin du mois de mai. Outre les artistes déjà annoncés, il cite les noms d’Ariane Moffatt et de Marie-Mai.

Dans la journée de lundi, au lendemain de son passage à Tout le monde en parle, le producteur indique avoir reçu une cinquantaine de demandes d’artistes intéressés. Il invite par ailleurs les promoteurs et producteurs de spectacles du Québec à collaborer avec lui dans le cadre de ce projet.

Juste pour rire aussi

Louis Morissette n’est pas le seul à faire le pari du spectacle virtuel.

La semaine dernière, Juste pour rire a annoncé la tenue du « premier festival numérique d’humour francophone » du 21 au 24 mai. 

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Patrick Rozon, vice-président au contenu francophone du Groupe Juste pour rire

En voyant les artistes donner leur contenu sur Facebook et YouTube, on s’est dit : peut-on faire quelque chose ?

Patrick Rozon, vice-président au contenu francophone du Groupe Juste pour rire

La programmation sera annoncée dans une dizaine de jours. Sauf un ou deux spectacles en direct, la plupart seront préenregistrés. « Les tournages commencent la semaine prochaine », précise le vice-président au contenu francophone du Groupe Juste pour rire.

Les humoristes filmeront eux-mêmes leur prestation avec de l’équipement fourni par Juste pour rire. « Ils vont parler au réalisateur avec une oreillette. La direction artistique aura été préétablie. Et une équipe de nettoyage passera reprendre l’équipement », détaille Patrick Rozon.

« Je parle aux humoristes, et c’est carrément une nouvelle forme d’art. Sans la réaction du public, il faut trouver le moyen de puncher et de reprendre son élan, souligne Patrick Rozon. L’humour se réinvente. »

Monnayer les prestations

Juste pour rire n’utilisera pas la technologie de Yoop, mais celle d’une autre plateforme – 100 % québécoise –, lepointdevente.com.

> Consultez le site de lepointdevente.com

L’entreprise, spécialisée dans la billetterie en ligne, a déjà pour client le Club Soda et le Lion d’Or à Montréal, ainsi que la salle L’Anti et le théâtre Périscope, à Québec.

Il y a longtemps que le directeur général, Yannick Cimon-Mattar, planchait sur un projet de spectacles payants sur le web. La crise du coronavirus l’a poussé « à déployer sa technologie plus vite que prévu ».

Il faut être prêt à redémarrer la machine, plaide-t-il. 

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Yannick Cimon-Mattar, directeur général de lepointdevente.com

Pour l’instant, l’artiste est pogné à jouer chez lui. Mais dans deux semaines, ce sera peut-être possible d’aller dans un studio ou dans une salle de spectacle vide. Le contenu pourra être de meilleure qualité.

Yannick Cimon-Mattar, directeur général de lepointdevente.com

De son côté, avec l’application Yoop, l’équipe de KO filmera les artistes comme si c’était « une captation télé », explique Louis Morissette. Le tout en respectant les règles de distanciation physique.

Trouver son public

LA question : le public sera-t-il au rendez-vous ? « La technologie est là, mais est-ce que les gens sont prêts à l’adopter ? », lance Yannick Cimon-Mattar.

Patrick Rozon, de Juste pour rire, convient que son festival numérique est un pari risqué. « C’est un nouveau produit, dit-il. Mais je crois en l’effet du Panier Bleu. »

« Je suis confiant, renchérit Louis Morissette. Si on offre un produit de qualité avec un beau rendu visuel et une expérience simple d’achat, le public sera là. Mais à quel prix ? Ça, je ne le sais pas… »

Un contact essentiel

Eli Bissonnette, fondateur et président de Dare To Care Records et de Grosse Boîte (Cœur de pirate, les Sœurs Boulay, Émile Bilodeau), doute qu’il puisse y avoir un « vrai modèle d’affaires » avec les spectacles virtuels dans un petit marché comme celui du Québec.

Il y a néanmoins une certaine demande pour certaines catégories d’artistes internationaux, souligne-t-il. La preuve : le spectacle orchestré par Lady Gaga, One World : Together at Home, qui a été très populaire le week-end dernier. « Mais c’était gratuit », souligne-t-il. Et la qualité sonore n’était pas au rendez-vous même si l’évènement mettait en vedette des superstars internationales qui ont d’énormes moyens.

Or, d’un point de vue très personnel, ajoute Eli Bissonnette, assister en vrai à un spectacle, « c’est une expérience unique qu’on ne peut tout simplement pas recréer devant un ordinateur, aussi sympathique que cela puisse être. Rien ne remplace un vrai concert avec du vrai monde, de vrais amplificateurs, de vraies lumières ».

« Pour moi, le spectacle vivant est avant tout la rencontre entre l’artiste et le public, et ça ne passe pas par un écran, malheureusement », opine Catherine Simard, de la Maison Fauve, qui produit les spectacles de Patrice Michaud, de Michel Rivard et de Vincent Vallières.

Krista Simoneau, de la boîte Les Yeux Boussoles, l’agence de spectacles de Louis-Jean Cormier, est du même avis. « Cela dit, toutes les initiatives méritent d’être évaluées, et nous sommes ouverts à tester de nouvelles façons de faire », dit-elle.

« Le contact avec le public est l’ADN d’un spectacle, convient Louis Morissette. Le spectacle virtuel est un modèle parallèle. »