« Ce soir, je vais danser au bord du précipice », lance Olivier Dubois en accueillant le public à l’Agora de la danse, bouteille de mousseux à la main, pour mieux afficher les couleurs d’une soirée qui sera très festive. Mais aussi émouvante, déroutante et même un peu brutale. En un mot, unique.

Le mot précipice n’est pas une hyperbole. Si la danse est un art éphémère qui exige de se mettre en danger, chaque soir, devant une foule, on n’aura jamais autant ressenti l’enivrant vertige que procure la création pour un interprète, doublé de son désir de partager ce plongeon avec nous, que dans Pour sortir au jour d’Olivier Dubois. La star de la danse en Europe fait corps à corps avec le public, dans un véritable strip-tease physique et métaphysique. Et c’est très beau !

Le spectacle est un solo « participatif », puisque le spectateur est souvent sollicité et appelé à monter sur scène. « On n’est pas au cinéma, c’est du spectacle vivant. Allez, les doudounes dans les rangées du fond, on bouge ! »

A priori, ces appels au public peuvent être dérangeants, voire inconfortables. Or, le danseur a le mérite de rappeler aux spectateurs que son rôle n’est pas passif, tel un accessoire qui meuble la représentation.

Le public fait donc partie du spectacle. Il choisit, entre autres, les pièces qu’Olivier Dubois revisitera devant lui ; les titres et la musique se trouvent dans des enveloppes qu’il remet à des membres du public, puis en exécute des extraits, dans un exercice qui tient à la fois de la mémoire et de l’endurance physique.

À 47 ans, Olivier Dubois met son corps (et son âme) véritablement au défi chaque soir. Ce « corps de patate » — pour reprendre ce que lui a dit le chorégraphe Andy de Groat, à l’époque où Dubois faisait la souris grise dans Casse-noisette —, ce corps « atypique » se souvient fort bien du grand nombre de positions, de mouvements, des entrées et des sorties.

D’Avignon à Vegas

Mercredi soir, on a eu droit à des fragments de pièces de William Forsythe, Angelin Preljocaj, Jan Fabre, et de Tragédie, une création de son propre répertoire qu’on avait vue à Montréal en 2014. Il a aussi fait un clin d’œil à sa participation au spectacle A New Day, de Céline Dion, en 2003 à Las Vegas. Une aventure de courte durée pour lui, car son rôle a été coupé par le metteur en scène Franco Dragone après quelques représentations seulement. (En voyant la gestuelle appuyée et malhabile, on comprend pourquoi !)

Dans une scène à la fois drôle et troublante, Dubois demande à des spectateurs de « recréer » le scandale de la première d’une création de Jan Fabre, à Avignon en 2005, alors que la troupe avait été huée et insultée sans ménagement par le public du Festival. « Pas mal », a jugé l’artiste, au son des cris et des hurlements que lui adressaient les spectateurs de l’Agora.

Le danseur a eu l’idée de Pour sortir au jour au souvenir « des milliers de gestes et de mouvements, des litres de sueur, des centaines de blessures, d’une bonne dose de joies et de peines » qu’il a connus en 25 ans de carrière. Il rejoue tout ça avec force et humour, beauté et sagacité.

En fin de compte, il invite la foule à plonger avec lui dans son délire jouissif. Parce que la danse et le spectacle vivant restent le meilleur moyen de communier ensemble. Et de se sentir moins seuls.

★★★★

Pour sortir du jour. Olivier Dubois. À l’Agora de la danse, édifice Wilder, jusqu’au 15 février.

> Consultez le site de l’Agora de la danse : https://agoradanse.com/