Diane Dufresne a toujours su créer l’événement. C’est encore le cas cette semaine, alors qu’elle fête son 75e anniversaire rien de moins qu’à la Maison symphonique, dans une série de trois spectacles avec l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM) qui s’est amorcée hier soir.

Elle arrive du fond de la scène en marchant à travers les musiciens, et s’arrête parmi eux pour chanter une grande partie de la première chanson, L’amour fou. Vêtue d’une élégante tenue signée Marie Saint Pierre, dont elle changera divers éléments pendant toute la soirée, la plus grande des divas québécoises laisse ensuite tomber doucement devant les spectateurs qui se sont levés pour l’accueillir : « Ce soir, je ne me suis pas mise sur mon 36, mais sur mon 75. L’amour fou, je le porte en moi depuis toujours, et c’est la ferveur de vous revenir. »

En moins de cinq minutes, cette espèce de magie qui opère entre Diane Dufresne et son public avait donc encore fonctionné. Et il le fallait, vu le spectacle tout de même exigeant qu’elle lui a présenté pour l’occasion.

Depuis longtemps déjà on sait que Diane Dufresne n’aime s’asseoir ni sur ses lauriers ni sur les classiques de son répertoire. Hier, c’est une immense majorité de nouvelles chansons qu’elle a choisi d’interpréter, puisant en grande partie dans celles qui figurent sur son album sorti l’an dernier, Meilleur après. Et elle a même osé insérer deux pièces totalement inédites, La star, écrite par Daniel Lavoie, et Parce que tu rêves, un charmant tango créé par Nelson Minville.

Mais le spectacle a tout de même été porté par la grâce de son interprète, véritable force de la nature dont l’énergie semble sans limite, qui arpente la scène de bord en bord, qui cabotine un peu, qui fait du charme, et dont les interventions sont parfois très drôles, mais aussi souvent sérieuses – la survie de la planète l’inquiète depuis longtemps et elle continue de marteler son message.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Diane Dufresne sur la scène de la Maison symphonique, accompagnée des musiciens de l’OSM

Il y avait en fait quelque chose de très émouvant à voir cette chanteuse qui n’a plus rien à prouver, cette femme mûre se mettre en danger ainsi avec un spectacle qui n’est pas a priori un bonbon, et de voir le public répondre avec autant d’enthousiasme.

Les arrangements du chef Simon Leclerc ont donné aux nouvelles chansons beaucoup plus de tonus que sur l’album, mais on peut regretter de ne pas avoir pu bien distinguer toutes les paroles – la voix de Diane Dufresne peinait parfois à se frayer un chemin à travers les instruments. À travers ces pièces moins connues se sont aussi faufilées par exemple l’hyper romantique Que, ou Cendrillon au coton, qui intercalée avec la récente Le temps me fait la peau (un texte de Diane Dufresne sur une musique de Catherine Major) a certainement été un des moments forts de la soirée, avec sa succession de tableaux musicaux qui ont mis en valeur l’orchestre.

Plus tard, c’est d’ailleurs un mash-up postapocalyptique entre Hymne à la beauté du monde et Oxygène – combien de fois encore Diane Dufresne pourra-t-elle la réinventer ? – qui est venu nous surprendre de belle manière.

Quand la chanteuse est revenue à la fin, après avoir été couverte de fleurs et de cadeaux, et cette fois coiffée d’un très poétique chapeau-licorne, et qu’elle a livré la très prenante Je me noue à vous, une adaptation de Show Some Respect de Sting, l’émotion était palpable. L’anniversaire avait été fêté avec classe, les remerciements à son équipe et aux musiciens de l’OSM – « travailler avec eux, c’est atteindre l’Everest tout en faisant de la fine dentelle » – avaient été généreux, et si la voix n’est plus aussi spectaculaire qu’avant, elle reste maîtrisée et contient une charge émotive que seul le passage du temps peut imprégner.

De toute façon, comment résister à une chanteuse qui termine son spectacle en disant « au revoir, mes amours » ? C’est là que réside tout Diane Dufresne, et probablement toute sa force aussi.

Diane Dufresne : un 75e symphonique est présenté encore ce soir et demain à la Maison symphonique.