Il faut un peu de tout et d’un peu de tous pour faire un monde. Cet été, notre journaliste parcourt les festivals à la rencontre de ceux et celles qui composent cette mosaïque humaine.

Un livre à la main, le musicien Yannick Parent savoure l’instant, parfaitement sur son X au cœur d’une ville qui vibre aux sons de la musique francophone. Lors de notre rencontre aux Francos la semaine dernière, le batteur prévoyait jouer sur l’une des scènes en compagnie d’une collaboratrice de longue date, Geneviève Binette.

Fébrile ? « Peut-être tantôt, mais là, non », répond-il, foncièrement zen tandis que des gouttelettes s’échappent de la fontaine à laquelle il est adossé et procurent juste ce qu’il faut de fraîcheur. Aujourd’hui, il s’est offert une journée de congé – enfin, presque – pour venir flâner en ville et apprécier le travail de ses pairs.

« Je suis musicien, j’aime la musique. Pour moi, c’est juste naturel de profiter de cette offre qui est magnifique, raconte l’ancien de Vulgaires Machins. J’observe les autres pour apprendre, pour apprécier leur travail, leur dévouement. »

À 41 ans, Yannick Parent a fait sa carrière en musique. Il accompagne les artistes, enseigne, compose à l’occasion pour le théâtre, donne le tempo sur des airs de bossa-nova lors d’événements d’entreprises et joue dans le band folk Mentana.

Le musicien se considère comme privilégié de pouvoir gagner sa vie avec la musique et dans ce qu’il évalue être une position stratégique : sur scène, mais pas au premier plan, ce qui sied à sa nature introvertie. 

Moi, j’aime créer des vêtements pour les chansons. Ça m’allume. J’ai cette chance de travailler avec plein de gens qui me permettent d’embarquer sur leur bateau.

Yannick Parent

Quand les notes se marient aux mots

Il y a quelques années, il a eu des doutes, avoue-t-il. « J’étais mêlé. Je remettais beaucoup de choses en question. » Il a donc décidé de remettre de l’ordre dans ses pensées sur les bancs de l’université. Et comme il aimait lire, la littérature s’est naturellement imposée. « Je ne suis pas très carriériste. Mon idée était d’avoir des connaissances dans un autre domaine et sur la vie. Tu comprends beaucoup mieux la société quand tu lis. »

Ces jours-ci, il tourne les pages de La fin des exils, de Jean-Martin Aussant, un essai qui soulève des questions bien pertinentes, selon lui, sur la dérive de l’individualisme. Juste avant, c’était une biographie de David Saint-Jacques, « un héros moderne et un homme fascinant ». La lecture, dit-il, l’inspire, même si elle devient un luxe maintenant qu’il est père.

« J’ai lu un livre, enchaîne-t-il en citant un autre auteur, qui disait qu’avec la naissance d’un enfant vient l’instinct du tueur. C’est un peu carré comme façon de présenter les choses, mais disons qu’il y a une conscience de la bouche à nourrir lorsqu’on devient parent. »

L’arrivée de son fils s’est accompagnée d’un besoin de structure. « Je ne peux pas perdre de temps avec des choses qui ne marcheront pas ou qui sont moins bien organisées. Je cible davantage. Le fouillis à l’intérieur de soi ou dans la vie, ça ne marche pas avec un enfant. »

Musique rassembleuse

Alors que le temps file vers l’heure de sa prestation, Yannick Parent commence à ressentir « le thrill ». « J’adore être sur scène. D’arriver à faire danser les gens, y’a rien de plus noble, disait Franz Ferdinand. Et moi, comme batteur, c’est mon rôle de le faire. C’est un feeling vraiment excitant. »

Prendre une chanson et la faire « shiner » pour que les gens tripent, c’est magique, ajoute encore l’artiste. Faire en sorte d’estomper un peu de leurs soucis aussi.

Il y a plein de manières de le dire, mais je pense que la plupart des musiciens décriraient leur plaisir un peu de cette façon : procurer de la joie, du rêve, partager, se connecter à l’autre…

Yannick Parent

Être musicien est un privilège ; pouvoir partager sa musique, un honneur, a dit un jour Daniel Lanois. « Je trouve que c’est tellement vrai. On l’entend tout le temps, mais je ne sais pas si les gens savent à quel point c’est senti quand un artiste dit à son public qu’il l’aime. »

Ce soir, des gens se déplaceront, et prendront de leur temps et de leur argent pour venir voir son spectacle. « C’est vraiment apprécié. Et je pense que cette reconnaissance est présente pour tous les gens qui font de la scène. »

« Tsé, on parle beaucoup du fait qu’on est dans une société individualiste, dit-il en revenant sur le livre d’Aussant, mais au fond, on rêve un peu tous d’être ensemble. » Et la musique a ceci d’essentiel et de profondément humain : elle est rassembleuse.