L'offensive française de Luc Langevin se poursuit. Mais le magicien québécois ne compte pas se limiter à l'Hexagone... La Presse l'a rencontré à Paris, où il lançait jeudi dernier son nouveau spectacle.

Il les a bluffés. Il les a mystifiés. Il les a fait rire. Et émus, peut-être un peu. 

Ce n'était pas acquis.

L'atmosphère a mis un temps à se réchauffer. Les premiers tours ont reçu un accueil poli, sans plus. Au point où l'illusionniste a presque dû supplier les spectateurs d'être un peu plus réactifs. Mais plus la soirée avançait, plus on sentait qu'il les avait sous son joug. À la fin du show, conquis, ils se sont levés pour l'applaudir.

Ainsi s'est déroulée, jeudi dernier, la première française du nouveau spectacle de Luc Langevin (Maintenant demain) au Casino de Paris, salle mythique de 1500 places située dans le 9e arrondissement. Une soirée en crescendo, à l'image de sa carrière en France, qui semble résolument sur les rails.

Même s'il n'a pas la stature d'une Céline Dion, Luc Langevin est loin d'être un inconnu dans l'Hexagone. Plusieurs Français l'ont découvert par YouTube ou par l'entremise de l'émission Diversion, diffusée sur une grande chaîne télé nationale (TF1). À Paris, impossible d'ignorer ses immenses affiches sur les murs du métro, avec son visage de sympathique surdoué en gros plan.

Coup de pouce de Drucker

Connu, oui. Mais tout cela n'est pas arrivé par magie. L'illusionniste québécois a travaillé d'arrache-pied pour investir le marché français, qu'on devine très concurrentiel. Quatre ans d'allers-retours incessants entre Montréal et Paris. Des émissions de télé à la pelle, des spectacles en province, beaucoup d'argent investi et pas mal de résilience.

«La première tournée en 2015 a été un échec financier, dit-il. Mais ç'a été le début de tout pour moi ici», raconte Langevin, qu'on rencontre, la veille de son spectacle, dans les coulisses de l'émission Vivement dimanche, animée par Michel Drucker.

Coïncidence? C'est sur ce plateau que Luc Langevin a eu sa première chance en France en 2015, quand personne ne le connaissait.

Drucker, qu'on sait sympathique à la cause québécoise, dit avoir tout de suite été séduit par le «talent», le «calme incroyable» et le «physique d'étudiant» de ce jeune magicien venu du froid. Il n'a pas hésité à le programmer sur son show, et il le réinvite régulièrement depuis, une «plogue» considérable vu son auditoire moyen de 2 millions de téléspectateurs.

«Il est moderne, il apporte quelque chose de différent. Il a le langage et le physique. Il rassemble beaucoup de conditions pour faire une grande carrière», lance l'animateur, qui nous reçoit dans son bureau avant l'enregistrement, visiblement fier d'avoir été le premier Français à croire en Luc Langevin.

L'heure des récoltes

Quatre ans plus tard, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts de Paris. Outre ses nombreux passages au petit écran, Langevin en est à sa troisième tournée dans l'Hexagone, où 35 dates sont prévues à Paris et en province jusqu'au début mai.

Mais cette fois, la stratégie est différente. Plus besoin d'investir des sommes folles dans la publicité : les réseaux sociaux et la réputation grandissante du magicien font une partie du travail.

«On récolte les fruits de ce qu'on a semé», résume Claude Veillet, agent, producteur et associé du magicien, tandis que son protégé se fait interviewer par Drucker.

Veillet, 66 ans, est celui sans qui rien de tout cela ne serait arrivé. Ce producteur de télévision, fondateur de la boîte Téléfiction, a été le premier à croire en Langevin, dès 2007. Il avait les contacts, la vision, la stratégie, à une époque où la magie n'intéressait plus grand monde. Ensemble, ils ont peaufiné cette image de magicien aux allures de guy next door qui fait désormais recette dans le milieu.

À chacune de leurs présences en France, la mécanique se précise. Un peu plus de YouTube. Un peu plus de présences à la télé... Le spectacle, de son côté, est légèrement adapté au public local. L'accent est adouci, les expressions québécoises sont gommées, quelques «du coup» sont ajoutés dans le mix. La performance fait le reste.

Il fallait voir, jeudi soir, ce garçon de 8 ans, invité à monter sur scène, ébahi par un tour de cartes du magicien. Ou ce public attendri quand l'illusionniste s'est confié sur sa femme et son fils. Pour Luc Langevin, la magie ne doit pas seulement être spectaculaire, elle doit faire vibrer.

«Je ne ferai pas disparaître la tour Eiffel comme David Copperfield. Ce n'est pas mon style. Mais je me rends compte que quand on touche une émotion, on va au-delà de la magie.»

C'est ce qui plaît en France, comme au Québec. Et c'est aussi ce qui pourrait plaire aux États-Unis, marché que lorgnent désormais Langevin et Veillet.

Le tandem ne s'en cache pas: la France n'est qu'un «premier pas» vers une carrière internationale. Si le plan fonctionne comme prévu, Langevin attaquera New York dès 2021 avec comme objectif de «devenir le plus grand magicien du monde», rien de moins.

L'illusionniste lance cette phrase sans une once de prétention. C'est d'ailleurs, pour beaucoup, ce qui fait son charme. Intelligent, beau bonhomme, d'une confiance apparemment inébranlable, Luc Langevin n'en demeure pas moins d'une grande simplicité, d'une charmante humilité. Tout le personnage est là, dans cette façon de faire cohabiter «l'ordinaire et l'extraordinaire», comme il le dit lui-même.

Cette magie opérera-t-elle aux États-Unis ? L'avenir le dira. Mais ce passage par la France, où Langevin et Veillet ont appris à la dure, n'aura certainement pas été en vain. «On y va en connaissance de cause», résume le magicien.

Le reste est affaire de rythme, de progression, de crescendo. Comme la première de jeudi, au Casino de Paris.