C’est une musique qu’on connaît souvent sans savoir la nommer, qui s’est immiscée dans l’imaginaire collectif à coups de séries, de films et de messages publicitaires. Invité à créer sur l’imposante musique de Carmina Burana pour les Grands Ballets, le chorégraphe d’origine roumaine Edward Clug a décidé ne de pas emprunter la voie facile et de déjouer (en douceur !) les attentes du spectateur. La Presse a assisté à une répétition, à quelques jours de la première, à la salle Wilfrid-Pelletier, qui réunira 36 danseurs, 70 musiciens, 40 choristes et 3 solistes.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Si dans le cas de Stabat Mater, la première réaction du directeur du Ballet Maribor, en Slovénie, a été de se dire que « c’est à peu près impossible de danser sur cette musique », c’est l’impression opposée qu’il a eue avec Carmina Burana. « C’est une musique qui invite à danser, et c’était mon problème ! La trame sonore est tellement… évidente ! », lance-t-il.

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Cela dit, le créateur dit aimer être mis au défi, dans une position où il n’a pas le choix de trouver des solutions nouvelles. C’est ainsi qu’il a abordé Carmina Burana. « Il fallait en quelque sorte trouver la “clé” pour débloquer la “roue de fortune”, une image qui est l’impulsion première d’O Fortuna », ce segment très connu qui ouvre et ferme la pièce musicale.

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Cette image de la roue, du cercle, est reprise en ouverture et fermeture de la chorégraphie et aussi dans la scénographie. « Carmina Burana, c’est le réveil de la nature. Le cercle rappelle le fait que la vie est composée de cycles que nous expérimentons sans cesse. C’est aussi une forme, une formation chorégraphique que j’ai explorée et qui est fascinante. Avoir 36 personnes dans un cercle crée une énergie spéciale, alors que toute l’attention se porte vers le centre », remarque Clug.

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L’éveil de la nature, c’est également, pour le chorégraphe, la nature même des hommes et des femmes, cristallisée dans cette « attraction inévitable que nous tentons de contrôler parce que nous sommes civilisés et éduqués… ». Le cercle éveille cette tension, créant l’amorce d’un « rituel intime », où les danseurs sont tour à tour à la fois attirés vers le centre, comme des aimants, puis projetés en orbite, complétant un cycle infini. Sur la photo, la soliste Maude Sabourin et James Lyttle.

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« C’est une constante attraction, et c’est, pour moi, la métaphore de la pièce : les femmes et les hommes, chacun de leur côté, et ce besoin, cette force invisible qui continue de les attirer les uns vers les autres », suggère Clug.

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Pour les danseurs, que la compagnie soit ainsi réunie sur scène comporte un aspect très spécial, note Éléonore Thomas, qui danse avec Les Grands Ballets depuis quatre ans. « Il y a dans cette pièce un esprit de groupe, une élévation qu’on va apporter tous ensemble. C’est la force de toute la compagnie réunie sur scène, avec le chœur, l’orchestre, et cette musique qui est prenante. C’est génial ! »

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À la grandiloquence de la musique, Clug répond avec un certain minimalisme dans la gestuelle, une façon de ne pas tomber dans le piège de la facilité, croit-il. « Le plus grand défi a été de trouver la place pour les bons mouvements sur cette musique. J’ai cherché comment briser les règles ; comment être discipliné alors que naturellement la musique donne envie de crier avec les mouvements. »

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Ne pas trop en faire est manifestement un défi pour les interprètes, alors que la musique appelle à cela. « Je crois que l’expression less is more représente parfaitement l’esprit de cette pièce. Pas besoin d’en faire trop car avec l’effet du groupe, un geste minimaliste devient amplifié, très puissant », constate Raphaël Bouchard, un des danseurs de la compagnie.

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« Je crois que grâce à cela, notre proposition est assez étonnante et j’espère que, malgré les attentes et expériences de tout un chacun par rapport à cette musique, je vais réussir à venir créer, tout en douceur, une nouvelle expérience », dit le chorégraphe.

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« Si vous me demandez quel est le style de danse de la pièce, je répondrais simplement le style Carmina Burana ! Je pense que nous avons trouvé une bonne façon d’entrer en relation avec la musique ; pas nécessairement en la suivant, mais sans non plus vouloir lui échapper. Une balance naturelle, en quelque sorte », conclut le chorégraphe, qui ajoute que, malgré ses appréhensions de départ, tant les créations de Stabat Mater que de Carmina Burana ont été des expériences « fabuleuses ». « Je suis vraiment surpris et satisfait du résultat. »

Du 3 au 19 octobre, à la salle Wilfrid-Pelletier