Le Festival des Arts de St-Sauveur (FASS) prend son envol jeudi prochain avec une programmation qui fait la part belle à la danse. La soirée 100 % féminine Danse à trois temps réunit quatre chorégraphes canadiennes réputées dans trois créations originales qui ont en commun d’explorer les liens unissant les individus.

La soirée promet, avec une nouvelle pièce de Gioconda Barbuto présentée en première mondiale, un intrigant duo signé Anne Plamondon et Emma Portner, ainsi qu’une pièce de groupe s’annonçant très physique, de la chorégraphe torontoise Hanna Kiel.

La Presse a pu assister à une répétition de Vis-à-vis, la nouvelle création de Gioconda Barbuto, cette semaine, dans les studios des Grands Ballets canadiens.

Grande interprète qui a notamment été soliste des Grands Ballets canadiens durant 16 ans, puis danseuse pour le réputé Nederlands Dans Theater III, Mme Barbuto a plus d’une cinquantaine de pièces à son actif pour plusieurs compagnies, dont les Ballets BC.

De toute évidence enchantée par l’équipe de six danseurs avec lesquels elle est actuellement en création, la chorégraphe nous confie que Vis-à-Vis est inspiré d’une courte œuvre qu’elle a créée pour les finissants de l’École supérieure de ballet du Québec plus tôt cette année.

D’ailleurs, à l’exception d’un interprète (Andrian De Leeuw, des Pays-Bas), les danseurs sont tous des finissants ou des anciens de l’établissement d’enseignement – où la chorégraphe donne des ateliers quelques fois par année – qui sont devenus professionnels.

La pièce a été créée en collaboration avec les danseurs. « Je travaille toujours ainsi, nous apprend l’artiste. On joue toujours dans le studio, on explore sans cesse ! Ça commence chaque jour avec un atelier où les danseurs doivent improviser à partir de tâches que je leur donne. »

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, LA PRESSE

La chorégraphe montréalaise Gioconda Barbuto présentera en première mondiale sa nouvelle création, Vis-à-vis, au Festival des arts de Saint-Sauveur.

C’est une grande recherche de mouvements, sur la façon de les sculpter, de les former ; cela touche au "corps en écoute" [« listening body »].

Gioconda Barbuto, à propos de Vis-à-vis

Ainsi, Vis-à-vis explore la réceptivité des corps les uns envers les autres, les conversations physiques qui surgissent lorsqu’ils interagissent et se rencontrent dans l’espace : « Toutes les particules entre nous, c’est aussi ce qui nous connecte ; c’est un peu comme un orchestre avec tous ses instruments. C’est une pièce très dynamique et orchestrée qui s’intéresse à la conversation physique entre les corps : comment est-ce que les corps se parlent ? »

PHOTO BRUCE ZINGER, FOURNIE PAR LE FASS

Anne Plamondon présentera le duo Counter Cantor, créé avec Emma Portner et dansé avec Belinda McGuire.

Je suis un autre

Depuis qu’Anne Plamondon a quitté la codirection artistique de RUBBERBANDance, où elle a créé et dansé pendant plus de 15 ans avec son mari Victor Quijada, les projets se succèdent pour elle. Cet été, la fondatrice de la compagnie Anne Plamondon Productions agit comme commissaire déléguée à la danse au Domaine Forget et travaille à une création pour l’Alberta Ballet, qui sera présentée l’hiver prochain.

Au FASS, elle présentera Counter Cantor, un duo créé l’automne dernier à Toronto pour le festival de danse Fall for Dance North. Ce duo, c’est la rencontre de l’artiste établie et mûrie de 44 ans avec Emma Portner, 24 ans. Originaire d’Ottawa, cette star montante de la danse vivant aux États-Unis – avec sa femme, l’actrice Ellen Page – est très suivie sur les réseaux sociaux, où elle partage ses « clips » dansés.

Le duo illustre cette rencontre entre deux personnes d’horizons différents dont les chemins se croisent momentanément.

PHOTO JOCELYN MICHEL, FOURNIE PAR LE FASS

Anne Plamondon a fondé sa compagnie, Anne Plamondon Productions, en 2018.

C’est un duo sur la rencontre et le passage, celui d’un âge à l’autre, de la fraîcheur à la maturité. Deux femmes se rencontrent dans la rue, se reconnaissent ; est-ce que l’une est l’autre dans le passé ou le futur, est-ce la même personne ?

Anne Plamondon

Portner, qui devait danser le duo, s’est blessée à deux semaines de la première torontoise et c’est finalement l’interprète Belinda McGuire qui a pris le relais. « Elle est arrivée comme un ange tombé du ciel. Aujourd’hui, je ne peux pas m’imaginer danser ce duo avec quelqu’un d’autre. »

PHOTO FRANCESCA CHUDNOFF, FOURNIE PAR LE FASS

Resonance par Hanna Kiel, une pièce de groupe qui s’annonce
très physique

Le pouvoir du nombre

Pour compléter la soirée, la chorégraphe Hanna Kiel présentera un extrait de sa nouvelle création, Resonance, dont la première officielle est prévue en septembre prochain, à Toronto. Sur scène, 11 danseurs de la relève torontoise seront rassemblés, sur la musique de Greg Harrison.

Née en Corée du Sud, Hanna Kiel est diplômée en danse de la Maindance School, à Vancouver, et vit à Toronto depuis 2008. Reconnue pour son style très physique, elle a fondé Human Body Expression en 2013.

« Le nom de ma compagnie dit tout à propos de mon approche en danse : une histoire racontée à travers le corps humain », explique celle qui dit utiliser, lorsqu’elle crée avec ses danseurs, des termes associés au monde théâtral comme « scène » ou « monologue ».

Resonance est inspiré d’un événement qui a marqué la Corée du Sud en 2016 : la destitution, par volonté populaire et pacifique, de la présidente Park Geun-hye. « Un million de personnes se sont levées et se sont rassemblées, au-delà de leurs différences de croyances ou générationnelles, dans une marche pacifique, et ont réussi à faire tomber le gouvernement. »

Cela dit, Resonance n’est pas une pièce politique, affirme-t-elle, mais plutôt une réflexion sur le pouvoir rassembleur de la révolution.

Au Grand Chapiteau du festival, le 27 juillet à 20 h