C’était un soir de première pas comme les autres pour Guy Laliberté et son équipe de Lune Rouge, qui ont ouvert (officiellement) les portes de leur première pyramide dans le Vieux-Port de Montréal. Un nouvel espace de création technologique qui a mis trois ans à voir le jour.

On a l’impression d’être à la fois dans le dôme de la SAT et dans le Planétarium, le confort en moins. Assis ou couchés sur de petits poufs, les spectateurs s’installent à même le sol (il y a quand même environ 80 sièges pour ceux qui veulent s’asseoir). En même temps, des poufs trop volumineux auraient encombré l’espace…

Bref, on a parlé d’un spectacle déambulatoire, mais personne ici ne déambule, vous l’aurez compris. Pas de place.

Au-delà des échos est une fresque multimédia (mise en scène par Gabriel Coutu Dumont) qui nous fait le récit (en accéléré) de la naissance de la vie sur Terre.

Du Big Bang au monde futuriste de demain. Rien de moins ! Avec, pour trame narrative, les réflexions spirituelles et philosophiques du beatnik anglo-américain Alan Watts.

Quelle est notre place dans l’Univers ? Notre rapport au temps ? Et si on rêvait chaque nuit 75 ans d’existence ? Quels sont nos risques de nous perdre dans une autre dimension ? Quel est le sens de la vie ? Comment envisager notre passage sur terre ?

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Le spectateur est immergé dans un univers visuel envoûtant, avec des projections d’images (à 360 degrés), des mouvements de structures et de lampes, des jeux de lumières et de lasers qui fusent joliment à travers des écrans de fumée.

Les extraits audio en anglais (qui proviennent d’enregistrements de conférences) étant de qualité discutable, il faut obligatoirement suivre avec les surtitres (en français), et comme le sujet n’est pas léger, il faut être attentif pour apprécier la réflexion. Une belle idée, mais qui ne permet pas au spectateur de s’abandonner complètement… ce qui était quand même le but.

Alors ? Alors oui, c’est beau, et parfois même très beau. Le spectateur est immergé dans un univers visuel envoûtant, avec des projections d’images (à 360 degrés), des mouvements de structures et de lampes, des jeux de lumières et de lasers qui fusent joliment à travers des écrans de fumée.

Tout cela rythmé par une musique d’abord tribale, qui passera des percussions aux cordes et à l’électro. En fait, on a un peu l’impression de monter dans un manège pendant une heure. Une expérience sensorielle assurément, mais qui exige une écoute active (vu le fil narratif d’Alan Watts).

On reconnaît l’empreinte de Laliberté. Son onirisme, ses créatures étranges, son regard émerveillé aussi, et bien sûr son message positif. Inspiré sans doute (un peu) par son voyage dans l’espace, et beaucoup par son militantisme « soft », comme il dit, pour un monde meilleur et un environnement plus sain.

Mais tout ce dispositif technologique, aussi impressionnant soit-il, demeure quand même froid. Il l’avouait en entrevue, c’est un des plus grands défis de Lune Rouge : créer de l’émotion. Que voulez-vous, le spectacle vivant a ses avantages… Y arrive-t-il ? Globalement, on n’y est pas encore.

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Il y a bien quelques voix pénétrantes (dont une très belle version d’Imagine chantée par Dominique Fils-Aimé), mais la plupart du temps, le spectateur, passif dans son manège, est face à des prouesses technologiques qui n’ont pas d’effets durables.

Cela dit, l’espace de création de Lune Rouge est attrayant. Et les soirées thématiques de danse (animées par des DJ), peut-être encore plus prometteuses (il y en aura sept). Parce que, finalement, ce sont nous les humains de ce manège technologique. Il y a d’ailleurs, au milieu du spectacle, un moment où spontanément, on se serait levé pour danser !

En somme, on a l’impression que tout est encore possible dans cette pyramide, et que l’aura de Guy Laliberté aidant, ce nouveau « bébé » trouvera son erre d’aller. Une période de rodage inévitable s’amorce donc, avec son lot d’essais et d’erreurs, et le défi de placer le spectateur encore plus au cœur de cette expérience immersive, qui est loin d’être banale.

Dans le Vieux-Port de Montréal jusqu’en octobre.