Avec Wave, le chorégraphe Sylvain Émard lance la nouvelle saison de danse tout en mettant un terme à La climatologie des corps, sa trilogie sur l'influence des conditions extérieures sur le corps - conditions météorologiques mais aussi sociales, politiques, affectives ou émotives.

Avec un tel sujet, on imagine d'emblée une danse atmosphérique, faite de subtiles touches d'ambiances qui soumettent la gestuelle à des mouvances intérieures et extérieures, tantôt lentes et tantôt accélérées, et qui varient du solo esseulé aux duos sensuels, aux duels même.

Et c'est bien ce que l'on retrouve, avec toute l'infinie maîtrise de l'écriture chorégraphique d'Émard qui, après les deux premiers volets, Pluie (2004) et Temps de chien (2005), donne ici une pièce fluide, visuellement et musicalement hypnotique, envoûtante, captivante. Des tons bleus verts, traversés parfois par de violentes percées de soleil jaune d'or aveuglant, soumis aussi à des pollutions technologiques qui grésillent et irritent, des fumées qui errent sur la scène telles des brumes matinales sur un sol vert gazon.

L'environnement sonore, signé Michel F. Côté, est omniprésent, obsédant et évoque les cris des rorquals autant que les tonnerres puis se mutent en volutes jazzy. Émard livre sa vision d'une humanité fragile, submergée et soumise à des courants qu'elle ne contrôle pas, mais une humanité vive, charnelle, qui réagit, se plie et bouge, résiste. Vision d'une Atlantide submergée mais encore palpitante de vie.

La pièce étant magnifiquement portée par les cinq danseuses, elle est imprégnée d'une humanité toute féminine. C'est prenant, touchant, émouvant. Le spectateur, soumis à ces traversées atmosphériques grâce à une fusion très réussie entre les images, les sonorités, les lumières et les mouvements, se sent lui aussi fortement impliqué physiquement.

Karissa Barry, Sarah Murphy, Erika-Leigh Stirton, Catherine Viau, Megan Walbaum, les cinq interprètes, portent vraiment la pièce avec force, conviction et magnétisme. Et beaucoup de sensualité, magnifiée par la précision géométrique de la gestuelle et par l'intensité énergétique qui s'en dégage, mais aussi par les costumes, signés François St-Aubin, secondes peaux transparentes qui exaltent la perfection physique.

S'il ne devait rester que cinq humains, ce seraient des femmes, belles, résistantes, complices, obstinément fluides. Une vision forte qui nous habite encore longtemps après qu'on ait quitté la salle de spectacle, méditatifs, imbibés de sensations.

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Wave, de Sylvain Émard, jusqu'au 20 septembre, 20 h, à l'Usine C.