Steven Bernstein a touché à tout, de Rufus Wainwright à Leonard Cohen, des Lounge Lizards à Lou Reed, en passant par Levon Helm et un succès néo-disco en Europe. Le trompettiste et compositeur new-yorkais est tellement occupé qu'il a dû refuser des propositions de Bruce Springsteen et de Jay-Z. Mais il n'a pu dire non à Laurel & Hardy.

Steven Bernstein était le directeur musical de I'm Your Man, un hommage à Leonard Cohen - on le verra bientôt dans un autre concert filmé, Berlin de Lou Reed, réalisé par Julian Schnabel. On lui doit plusieurs musiques de film dont celle du Kansas City de Robert Altman.

Dans le champ gauche, il a fait partie des Lounge Lizards de John Lurie et a enregistré des disques de musique juive «radicale» sur l'étiquette Tzadik de John Zorn. Et, depuis des années, Bernstein partage son temps entre les groupes Sexmob et Millenial Territory Orchestra, un collectif de neuf musiciens qui va jouer ses propres compositions pendant que seront projetés trois films muets des comiques Laurel&Hardy, ce soir au théâtre Jean-Duceppe.

Sexmob et The Band

Bernstein revient à peine d'Europe avec Sexmob et, dans un tout autre registre, il joue ces jours-ci avec Levon Helm, le batteur de The Band. On peut aussi entendre sa trompette sur la chanson néo-disco Blind de Hercules and Love Affair, que chante Antony Hegarty, et qui a fait un tabac en Europe ces derniers mois.

«Les musiciens pop me connaissent, explique Bernstein au téléphone. Ils m'appellent pour les mêmes raisons que Lou Reed ou Levon Helm: j'apporte avec moi ma connaissance du jazz, beaucoup plus raffiné aux plans harmonique et rythmique que la musique pop. Mais je respecte toutes les autres musiques auxquelles je contribue, j'essaie de prendre tout ce qu'il y a de bon dans le jazz et de l'intégrer à une autre musique sans que ça ait l'air d'un corps étranger.»

Cette rencontre entre les films de Laurel & Hardy et le Millenial Territory Orchestra - qui a toujours exploré le son musical des années 20 et 30 même quand il reprenait du Stevie Wonder - a d'abord eu lieu à Prospect Park à l'été 2007, à la suite d'une commande du festival Celebrate Brooklyn.

Bernstein a choisi trois films de 20 minutes qu'il présente par ordre chronologique pour montrer l'évolution de Stan Laurel et Oliver Hardy en tant qu'artistes: Sugar Daddies, tourné en 1927 quand leurs personnages étaient moins développés, Double Whoopee (1929) et enfin Wrong Again (1929), un de leurs derniers films muets, un chef-d'oeuvre, affirme Bernstein. Il a écrit trois musiques différentes, et la troisième laisse plus de place à l'improvisation.

«Je voulais faire quelque chose qui n'a jamais été fait, dit Bernstein. Dave Douglas a fait Fatty Arbuckle, Bill Frisell a fait Buster Keaton, mais personne n'avait touché à Laurel & Hardy. J'ai grandi en regardant leurs films et ce sont vraiment des icônes, ils ne sont pas obscurs, ils sont, ou plutôt ils étaient, une partie importante de la culture américaine. J'aime la culture populaire, j'aime jouer pour le public, c'est l'une des mes motivations importantes: rendre le public heureux. Quoi de mieux que Laurel & Hardy?»

Bernstein insiste. Il n'est pas comme la plupart des musiciens de jazz parce qu'on peut entendre ses compositions ou sa trompette tous les jours à la télé, dans des pubs ou des thèmes d'émissions.

«L'autre jour, dit-il, j'étais dans un magasin à grande surface où on vend des articles de cuisine. J'entends une chanson et je dis à ma fille: je la connais. C'était Release The Stars que j'ai orchestrée pour Rufus Wainwright.»

Steven Bernstein's Millennial Territory Orchestra Meets Laurel & Hardy, au Théâtre Jean-Duceppe, ce soir, 18h.