Pari risqué, pari relevé; Pierre Lapointe a soulevé la salle Wilfrid-Pelletier avec son spectacle à grand déploiement créé pour souligner les 20es FrancoFolies de Montréal. Seul véritable problème: comment résumer une telle soirée où tout n'est que nouveauté?

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Tel un sorcier capable de toutes les transformations, Pierre Lapointe a présenté un spectacle qui empruntait parfois à l'esthétique Ziggy Stardust de Bowie, parfois aux comédies musicales des années 70, au Big Bazar de Michel Fugain, à l'univers de Star Trek, ou carrément à Jésus entouré de ses disciples!

Déjà, visuellement, c'était à un Objet Chantant Non Identifié que nous étions confrontés. Lapointe a poussé l'audace plus loin: il a interprété une vingtaine de toutes nouvelles chansons, complètement inédites, que le public ébahi a écoutées religieusement (avec seulement quatre chansons connues, mais complètement remaniées - dont un Deux par deux rassemblés a cappella avec le choeur de 13-choristes-danseurs inoubliable).

Si toutes les nouvelles chansons ne sont pas arrivées au même point, toutes avaient le mérite d'être originales par les arrangements, la mélodie ou les propos (oui, les amis, une chanson pour la libération du peuple, intitulée Le cycle des lumières!).

On retiendra notamment Les sentiments humains (pop), L'enfant de ma mère (à couper le souffle), Au bar des suicidés (quasi dance) et Nous restions là (en version piano-voix).

Mais on retiendra surtout l'incroyable travail, l'audace folle de monter un tel spectacle au Québec, avec une vraie mise en scène signée Claude Poissant, des éclairages flamboyants, des costumes bizarres, des choristes-danseurs étonnants (qui n'ont pas un physique de mannequin, qui plus est), des chorégraphies parfois désarmantes, un programme où figure le titre de toutes les chansons (merci!), une gigantesque sculpture évoquant à la fois une main d'argent, une étoile et un cristal, une scène-vaisseau spatial dont l'angle est aussi pentu que celle de Céline Dion à Vegas, des musiciens incroyablement doués, capables de tout jouer: du classique, du progressif, du rock, du pop, de la musique actuelle...

Hier soir et jusqu'à samedi, pendant une heure et quart de spectacle sans entracte, tous les Pierre Lapointe sont présents tour à tour sur la scène: le dandy et le sombre, le symphonique et le rétro-pop, l'«agace» et le mutant romantique, le fragile et le fendant, le fantasque et le fan de Barbara et de Diane Dufresne, le poète et le comédien exceptionnel, l'ami et l'amant à jamais torturé par les amours nécessairement difficiles...

La force de Pierre Lapointe, c'est de n'avoir pas peur de l'esthétique qui conduit, quand elle est intelligente, à la beauté et à la grâce. Parfois, cela pourrait sombrer dans le ridicule, mais c'est justement parce qu'il entre dans l'inconnu les yeux ouverts qu'il évite les pièges du kitsch.

Hier soir, à la fin du spectacle, devant tant de travail, tant d'efforts, d'imagination, d'inédit, de beauté, de charme, la foule s'est levée, comblée, gavée de nouveauté, mais surtout remplie de gratitude pour son jeune sorcier bien-aimé.

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Mutantès de Pierre Lapointe, à la salle Wilfrid-Pelletier jusqu'à samedi.