La grande question, posée par Public Enemy sur son classique album It Takes a Nation of Millions to Hold Us Back: «Bass! How low can you go?» (Basse! Peux-tu aller plus bas?) Réponse: jamais assez au goût des fans qui ont encaissé le généreux concert offert lundi soir par ce groupe légendaire, amputé pourtant de quelques membres.

D'abord, le pot. On nous avait promis un orchestre sur scène pour diriger les rappeurs dans leur réinterprétation de l'album paru il y a 20 ans. Promesse non tenue: le bassiste et le guitariste avaient déclaré forfait, occupés à tourner avec un groupe hommage à James Brown. Restait le batteur, flanqué à la gauche de DJ Lord, l'opérateur de tables tournantes (et séquenceurs). L'apport du batteur à la performance était négligeable.

Et où était donc Professor Griff, troisième MC du groupe? Retenu aux douanes, pestait Chuck D. «The most fuckin' protective border», a-t-il échappé, comparant même nos frontières à celles qui séparent les États-Unis du Mexique...

Malgré tout, ce concert, c'était de la bombe. Plus de deux heures de classiques, sans compter la vingtaine de minutes de réchauffement, gracieuseté DJ Lord. Chuck D était en grande forme. Tout comme Flavor Flav, le plus spectaculaire et énergique des «hype men» - le meilleur d'entre tous! C'est d'ailleurs lui qui a donné ses lettres de noblesse au métier de maître de cérémonie et faire-valoir du principal rappeur. Toujours flanqué de ses médailles et, surtout, sa grosse horloge, pendue à son cou.

Après l'intro Countdown to Armageddon, une première salve, Bring the Noise. Mal définie mais puissamment ressentie, la basse a fait vibrer le plancher du Métropolis alors que les fans de la première heure chantaient les rimes du classique, aussitôt suivi de Don't Believe the Hype et ses breakbeats assommants.

«Est-ce que ça sonne comme le disque?» demandait, narquois, Flavor Flav. Parfaitement. Une tonne de souvenirs qui reviennent en tête à chaque refrain, à chaque coup de sirène, à chaque échantillonnage de James Brown à qui le titre Caught, Can I Get a Witness? fait un clin d'oeil.

Bien que l'album célébré accuse deux décennies de rides, la performance d'hier le ramenait dans l'actualité et démontrait combien ces rythmiques sont toujours aussi excitantes et dangereuses. Le trio Show Em Whatcha Got, Night of The Living Baseheads et Black Steel in the Hour of Chaos étaient explosives, funky, puissantes.

Après avoir traversé It Takes a Nation of Millions to Hold Us Back, Public Enemy a poursuivi son chemin. Après le discours pro-Obama et la mise en garde envers le racisme latent des États-Unis offert par Chuck D. D'autres classiques ont suivi, balancés en vrac: Public Enemy No. 1 (du premier album), Welcome to The Terrordome et 911 Is a Joke (de Fear of a Black Planet), You Got Game (pour la trame sonore d'un film de Spike Lee...)

Une soirée qui résonne encore entre les oreilles des fans.