«Je pense qu'on a raté le feu d'artifice», a dit un spectateur à sa femme au sortir du concert de Steely Dan. Chose certaine, il n'y en a pas eu, de feu d'artifice, hier soir à l'intérieur de la salle Wilfrid-Pelletier.

Steely Dan, on l'a dit, ne s'était jamais produit à Montréal. Dans leurs belles années (1972-1981), le claviériste Donald Fagen et le guitariste Walter Becker ne sortaient pas du studio où ils ont enregistré des chefs-d'oeuvre qui, pour la plupart, n'ont pas vieilli d'une ride. Quand ils ont finalement décidé de se montrer le bout du nez, autour de l'an 2000, ils ne sont jamais arrêtés nous voir jusqu'à cette année où ils remplissent deux fois Wilfrid-Pelletier.

À les voir aller hier soir, on comprend mieux pourquoi la scène est accessoire pour eux. Bien entourés de huit musiciens, dont quatre cuivres, et trois choristes, ils rendent leur musique de façon impeccable. Il y a même quelques surprises au menu, des intros qui ne laissent pas deviner quelle chanson bien connue va suivre, ou encore quelques interventions de Walter Becker, un guitariste discret, mais inventif.

Becker a parlé du Festival de blues de Montréal au moment des remerciements, il s'est repris tout de suite en disant jazz, puis reggae, ce n'était peut-être pas un lapsus involontaire de la part d'un duo qui a écrit des bijoux d'ironie comme Pretzel Logic et qui ne snobe aucun genre musical. En tout cas, personne ne pourra dire que Steely Dan n'avait pas sa place dans un festival de jazz tellement il incorpore élégamment dans sa musique du jazz et du funk, tout en faisant une belle place à l'improvisation.

Mais voilà, on goûte Steely Dan comme on boit un très bon vin, à la limite leur musique est un plaisir d'esthète. C'était la même chose quand je les ai vus l'an dernier à Boston - un gars se tanne d'attendre... -, ils ont joué Aja, un monument, et j'ai été déçu parce qu'elle n'était pas parfaite comme la version studio.

Hier, le public n'aurait pas craché sur Aja, Do It Again, Reeling In The Years, Rikki Don't Lose That Number, Black Cow, Bodhisattva ou même Dirty Work. Mais il a eu droit à Hey Nineteen, Josie, Peg, FM, The Royal Scam et Kid Charlemagne, en plus d'un emprunt aux Supremes qui a été accueilli comme une bouffée d'air frais. À vrai dire, ce qui comptait pour ce public averti, c'était davantage la musique que les chansons, et l'obscure Godwhacker, une pièce bellement jazzée, a été l'une des plus applaudies.

Rien à reprocher à Steely Dan donc au terme de ce concert qui ne me laissera pourtant pas de souvenir impérissable. Je vais retourner à leurs disques.

Ils remettent ça ce soir au même endroit.