Un vent de modernité soufflera dès ce soir sur l'oeuvre d'Igor Stravinski alors que les danseurs des Grands Ballets canadiens de Montréal (GBCM) interpréteront une relecture du Sacre du printemps et de L'Oiseau de feu, signée par Étienne Béchard et Bridget Breiner. La Presse a rencontré les chorégraphes lors d'une répétition.

Pour sa toute première collaboration avec Les Grands Ballets, Étienne Béchard n'imaginait pas devoir revisiter une oeuvre aussi majeure que Le sacre du printemps. «J'avais confié à Ivan Cavallari [directeur artistique des GBCM] que j'aimerais un jour m'attaquer au Sacre. Mais je ne m'attendais pas à ce que ce soit l'année suivante!», s'étonne encore le jeune chorégraphe français, ancien danseur du Ballet Béjart de Lausanne.

Pour sa relecture de ce rite païen, dansé pour la première fois par le Ballet russe sur la musique composée par Stravinski à la veille de la Première Guerre mondiale, Étienne Béchard a décidé de sauter à pieds joints dans la modernité. Loin de l'univers onirique dans lequel une jeune fille est sacrifiée au Dieu du printemps, le créateur a choisi de s'adresser aux nouvelles générations, porté par le caractère encore très actuel de la musique de Stravinski.

«J'ai rapidement choisi de travailler sur notre société et les rapports de classes», précise Étienne Béchard, qui a fait évoluer les danseurs dans une arène moderne, composée de trois rampes de planche à roulettes.

«Elles symbolisent l'arène romaine où l'on donnait du pain et des jeux au peuple. C'est aussi l'arène des riches qui s'amusent, face au peuple. Mais on peut s'imaginer ce qu'on veut. Il y a plusieurs degrés de lecture.»

«Lors d'une répétition, quelqu'un m'a dit que ça lui faisait penser à une cale de bateau avec des migrants! Les lumières utilisées évoquent également le stade de foot, autre arène moderne», confie le chorégraphe.

Dans cette version du Sacre du printemps, on retrouve ainsi deux groupes de danseurs, telles deux classes sociales qui s'affrontent.

«J'ai travaillé de manière plus contemporaine, plus au sol et violente avec les plus pauvres, et dans un style plus aérien et néoclassique avec les plus riches. Avec des danseurs aussi éclectiques que ceux des Grands Ballets, je pouvais me permettre de varier les styles, et c'est ce qui est le plus intéressant, je pense», précise Étienne Béchard.

L'Oiseau de feu selon Bridget Breiner

Stravinski composait L'Oiseau de feu lorsque l'idée du Sacre du printemps a germé dans son esprit. Il n'est donc pas étonnant que les deux pièces soient bien souvent présentées au cours de la même soirée.

Le directeur artistique des Grands Ballets a confié à la chorégraphe américaine Bridget Breiner la relecture de cette oeuvre pour 18 danseurs sur laquelle elle désirait travailler depuis un moment, sans avoir les effectifs nécessaires pour le faire avec sa compagnie établie en Allemagne.

«J'ai essayé de raconter une histoire à travers l'espace et le mouvement tout en m'éloignant du conte onirique utilisé dans de nombreuses autres versions», précise la chorégraphe à propos de L'Oiseau de feu, bien souvent présenté comme un conte de fées construit autour d'un oiseau au plumage flamboyant que le héros désire plus que tout capturer.

«On a longtemps cherché la modernité dans le conte avec le scénographe et le créateur des costumes. On est arrivé avec l'idée d'une société à l'esprit étroit, très solidaire, dans laquelle l'Oiseau de feu entre et ouvre l'esprit d'une personne qui voit alors les possibilités, la liberté et l'autodétermination, des notions qu'elle va tenter de partager avec le groupe. Si certains sont prêts à l'entendre, d'autres ne le sont pas du tout. Tout cela amène les danseurs à détruire le cercle dans lequel ils se trouvent», explique Bridget Breiner.

«Stravinski était à l'aube de la Révolution russe quand il a composé cette pièce, alors cela nous a beaucoup inspirés.» 

Pour clore cette soirée, la chorégraphe a offert aux danseurs des Grands Ballets In Honor Of, un trio d'une quinzaine de minutes de son répertoire. Trois mezzo-sopranos les accompagneront sur une musique composée en l'honneur d'Henry Purcell.

________________________________________________________________

Au Théâtre Maisonneuve, du 15 au 24 mars.

Photo Ivanoh Demers, La Presse

Les chorégraphes Étienne Béchard et Bridget Breiner