La venue du Ballet du Nord d'Olivier Dubois à Montréal, pour clore la saison de Danse Danse, s'annonce comme un événement. Le brillant chorégraphe français, arrivé à la danse sur le tard, à 23 ans, milite pour la renaissance du geste brut, libre et ancré dans l'air du temps. Pour mieux ensorceler le monde.

«Après des années de non-danse, de mouvement abstrait, contemplatif, j'ai la sensation qu'il y a un retour aux corps engagés, actifs, redressés, livrés dans la grande bataille humaine.» Au téléphone, la voix d'Olivier Dubois sonne aussi vive et engagée que ses créations. Ce grand agitateur de la scène contemporaine est, depuis Tragédie, «la nouvelle star de la danse en France», selon Le Monde.

Cette pièce «jouissive et frénétique» pour 18 interprètes nus - 9 hommes et 9 femmes -, créée au Festival d'Avignon en 2012, prend l'affiche du Théâtre Maisonneuve à partir de jeudi prochain.

Avant toute chose, le chorégraphe nous lance un avertissement: même si on voit 18 danseurs nus sur scène, Tragédie ne porte pas sur la nudité. Il ne cherche pas à provoquer. «Je veux donner la sensation d'une humanité en mouvement, dit-il. Les corps agissent comme des théorèmes biologiques: je suis homme et ainsi fait; je suis femme et ainsi faite. Au fil de la représentation, cette chose de l'intime se métamorphose et devient une communauté humaine. Lisez mon corps et vous lirez le monde!»

«C'est une quête, ajoute Dubois. Une association de personnes avec leur personnalité et leur existence propres. On voit leur corps changer lentement. La chorégraphie est construite en crescendo pour aller vers la transe, la catharsis, l'hypnose. Ce que je recherche, ce sont des hommes et des femmes qui, en dansant, expriment l'ensorcellement, la transcendance.»

À l'image de Spencer Tunick

Avant d'en arriver là, il y a des moments d'attente, d'intimité, car Tragédie se déploie d'abord lentement. Une seule et même ligne chorégraphique traverse la pièce: la marche. À petits puis à grands pas, de la course à l'exode de cette marée humaine qui gagne du terrain pour mieux rejoindre le public. «J'aime l'idée que, nus et allongés, nous recouvrions le monde de nos peaux», dit le chorégraphe.

Sa vision, en ce sens, s'apparente à celle de l'artiste américain Spencer Tunick, qui photographie des masses anonymes de corps nus dans le monde entier pour ses installations.

Oliver Dubois, le danseur, n'hésite pas à se dévoiler sur scène, avec son corps enrobé et atypique dans un métier où les rondeurs ne sont pas la norme. Pour tout l'or du monde, solo homo-érotico-kitsch sur la marchandisation du corps, autour du thème du Lac des cygnes, l'a mis sur la carte européenne en 2006 - Dubois a présenté la pièce à Montréal, à la Fonderie Darling, en septembre 2011.

«Je n'ai jamais dansé avec l'image de mon corps ou d'un gros corps, dit-il. Je danse avec les sensations profondes que me procure l'écriture à travers mon corps. Cela dit, je n'ai pas de tabou. Et je m'assume totalement.»

De Céline Dion à Jan Fabre

Son corps atypique lui a tout de même permis de travailler avec des chorégraphes réputés de la danse contemporaine - comme Karine Saporta, Angelin Preljocaj, Sasha Waltz - qui ont des écritures très différentes. En 2003, lorsque Dubois amorce une collaboration de quatre ans avec la compagnie de l'iconoclaste chorégraphe flamand Jan Fabre, il arrive tout juste de Las Vegas où il a dansé pour... Céline Dion!

«À l'époque, Jan me disait: «Comment fais-tu pour passer de Céline Dion à moi?» C'est vraiment le grand écart [rires]! Mais je garde un très bon souvenir de cette expérience avec Céline. Elle est impeccable, c'est une grande artiste. Mais [le metteur en scène] Franco Dragone a coupé mon rôle. J'ai été viré avant la première...»

Au Théâtre Maisonneuve, les 1er, 2 et 3 mai, dans le cadre de Danse Danse.

Toucher Dubois

En complément de Tragédie, avant les représentations à la Place des Arts, Olivier Dubois présente un duo intime, Prêt à baiser, interprété par le danseur Mohamed Kouadri et lui. Cette performance de 50 minutes constitue un long baiser chorégraphié au son du Sacre du printemps de Stravinski, arrangé par le compositeur François Caffenne. «Par mon baiser, je prêterai à mon insatiable et morbide état l'apparence de mon désir. Posséder, vider de son élan vital et combler mon abyssale noirceur. Créer l'éternel par mes lèvres assassines», écrit Olivier Dubois à propos de cette oeuvre. L'artiste poursuit donc sa quête d'amour et d'éternité, dans de petites comme de grandes formes.

Au Centre PHI le 29 avril, 20h, en collaboration avec Danse Danse et DHC/ART.

Photo Frédéric Iovino, fournie par Danse Danse

Olivier Dubois 

Toucher Dubois

En complément de Tragédie, avant les représentations à la Place des Arts, Olivier Dubois présente un duo intime, Prêt à baiser, interprété par le danseur Mohamed Kouadri et lui.

Cette performance de 50 minutes constitue un long baiser chorégraphié au son du Sacre du printemps de Stravinski, arrangé par le compositeur François Caffenne. «Par mon baiser, je prêterai à mon insatiable et morbide état l'apparence de mon désir.

Posséder, vider de son élan vital et combler mon abyssale noirceur. Créer l'éternel par mes lèvres assassines», écrit Olivier Dubois à propos de cette oeuvre. L'artiste poursuit donc sa quête d'amour et d'éternité, dans de petites comme de grandes formes.